Le 127e congrès de la Société française d’ophtalmologie, qui s’est tenu virtuellement début mai, a fait la part belle aux innovations thérapeutiques. Nouvelles molécules ciblées, thérapie génique ou encore lentilles « traitantes » : que ce soit pour l’allergie oculaire, la DMLA ou même la myopie, les perspectives de traitements se diversifient.
L’allergie oculaire concerne 25 % de la population, avec des formes cliniques multiples, parfois sévères et potentiellement cécitantes comme les kérato-conjonctivites (KC) et plus particulièrement les KC vernales (KCV), formes rares mais graves d’allergie oculaire. « Les KC retentissent fortement sur la qualité de vie, en particulier chez l’enfant, et nécessitent un traitement au long cours pour contrôler la symptomatologie et éviter complications et récidives », rappelle le Pr Dominique Bremond-Gignac (Necker).
Le traitement de base repose sur des mesures environnementales, des lavages fréquents, des antihistaminiques topiques et per os, des stabilisateurs de membrane et la prise en charge d’une éventuelle dermatite atopique du visage, avec atteinte palpébrale associée. On privilégie les collyres à double action associant antihistaminiques et stabilisateurs de membrane, et dépourvues de conservateurs. Les corticoïdes sont efficaces mais leur iatrogénie importante – risque de cécité, glaucome, cataracte, herpès, infections – a conduit à proposer des immunomodulateurs qui constituent une bonne alternative d’épargne cortisonique dans les formes sévères.
Par voie générale, on dispose d’anticorps monoclonaux et du montélukast, inhibiteur de l’IL-1, potentiellement utilisables dans les KC menaçant la vision. Par voie locale, les immunosuppresseurs ont pour chef de file des inhibiteurs de la calcineurine topique, la ciclosporine, préconisée dans les KC atopiques sévères, récidivantes, compliquées, à risque de corticodépendance ou déjà associées à des effets secondaires indésirables des corticoïdes. La ciclosporine a l’AMM dans les KCV et peut être utilisée en ATU dans les KC atopiques. D’autres inhibiteurs de la calcineurine sont disponibles, comme le tacrolimus ou le pimécrolimus en pommade cutanée dans les eczémas atopiques, et la voclosporine dans les uvéites. Le tacrolimus pommade se révèle très efficace dans les eczémas atopiques des paupières mais aussi dans les KC allergiques sévères où il est mieux toléré que la ciclosporine.
Les allergies oculaires en temps de Covid-19
La question de la poursuite de certains traitements destinés aux conjonctivites et aux kérato-conjonctivites atopiques s’est bien sûr posée pendant la pandémie de Covid-19, en particulier pour les topiques à base de corticoïdes ou de ciclosporine. En tant qu’immunosuppresseur, la ciclosporine a été très débattue, mais reste indispensable dans les formes sévères de KC. De même, les corticoïdes locaux peuvent être utilisés, y compris chez le patient à risque de Covid grave, mais le choix entre des posologies élevées en cure courte ou de faibles doses prolongées n’a pas été tranché. « Corticoïdes et ciclosporine doivent toutefois être suspendus en cas d’atteinte virale, quelle que soit son étiologie » insiste le Pr Marc Labetoulle (Le Kremlin-Bicêtre).
De l’effet du confinement sur les allergies
Le confinement du printemps dernier a diminué l’exposition à la pollution atmosphérique et aux pollens mais augmenté celle aux polluants intérieurs. Une étude rétrospective montre une amélioration des allergies oculaires durant le confinement chez 62 % des enfants avec, par rapport à 2019, moins de crises et un démarrage tardif de la saison d’allergie. Sur toute l’année 2020, on constate une amélioration globale chez 50 % d’entre eux, avec moins de crises et une consommation diminuée de corticoïdes et de ciclosporine. « Toutefois », nuance le Dr Jean-Luc Fauquert (pédiatre, Clermont-Ferrand), « l’amélioration concernait essentiellement les formes saisonnières aux pollens, chez les enfants vivant en appartement en Île-de-France, moins les formes perannuelles avec sensibilisation aux acariens et habitat rural ou avec jardin. »
Un anti-allergique responsable de conjonctivites !
La dermatite atopique peut être responsable d’une blépharo-conjonctivite avec de possibles complications cornéennes, pour laquelle le dupilumab peut être bénéfique. Mais paradoxalement, on a constaté « en vraie vie » que le dupilumab, efficace sur l’atteinte cutanée, s’accompagnait dans 20 à 30 % des cas d’une conjonctivite ! « L’étude prospective française Dupi œil a montré que dans plus de 40 % des conjonctivites sous dupilumab, celles-ci étaient déjà présentes initialement, et on constate à l’inclusion déjà 14 % de conjonctivites dont 42 % s’améliorent et 48 % persistent », remarque le Dr Robin Vasseur (Nantes). Pour les conjonctivites survenant de novo, il reste à identifier, dans une population à risque élevé de comorbidités ophtalmologiques, quels en sont les facteurs de survenue, en particulier dermatologiques, et à préciser les traitements les plus efficaces.