Alors que les réactions anaphylactiques rapportées avec les vaccins anti-Covid ont remis la question des allergies vaccinales sur le devant de la scène, le récent Congrès francophone d’allergologie a été l'occasion de faire le point sur le sujet. Si le risque existe, les experts se sont montrés plutôt rassurants.
La question des allergies vaccinales a été largement abordée lors du 18e Congrès francophone d’allergologie (CFA, Paris, 25-28 avril 2023). Comme l’a rappelé le Dr Lydie Guenard-Bilbault (Illkirch), le principe de la vaccination étant d’injecter un antigène afin de susciter une réponse humorale ou cellulaire mémoire, « il n’est pas étonnant (d’observer) des réactions immunes inverses ».
Plusieurs composants des vaccins peuvent être impliqués, à commencer par les antigènes à la base de leur activité ou leurs dérivés mais aussi les excipients ou certains milieux de culture. En cause notamment, certains composés alimentaires entrant dans la composition des vaccins et auxquels des patients peuvent se révéler sensibilisés : gélatine (présents dans le vaccin ROR ou le vaccin contre la fièvre jaune, par exemple), protéines de poulet (vaccin contre la fièvre jaune), levures Saccharomyces cerevisiae (vaccin contre l’hépatite B), traces de lait (DTP) et surtout ovalbumine de l’œuf (vaccins antigrippaux, contre la fièvre jaune, etc.).
Des hypersensibilités ont aussi été décrites avec des excipients chimiques. À l’instar de certains dextrans, du phénoxyéthanol, etc., utilisés comme conservateurs antimicrobiens. Récemment, de nouveaux excipients ont par ailleurs attiré l’attention : le trométamol, le polysorbate et le polyéthylène glycol (PEG), « devenus stars avec l’avènement des vaccins à ARNm », souligne l’allergologue. Car les vaccins anti-Covid-19 à l’origine de réactions anaphylactiques avaient pour point commun ces trois composés. Et quelques précédents avaient de quoi appuyer les soupçons : des cas d’anaphylaxie avaient auparavant déjà été enregistrés avec des produits de contraste contenant du trométamol, des médicaments intégrant du PEG (de plus en plus utilisé en pharmacie et en cosmétique) ou les vaccins Prevenar et Gardasil, qui contiennent du polysorbate.
Un cas d’anaphylaxie sur un million d’injections
Toutefois, malgré cette multiplicité d’allergènes et l’émergence très médiatisée de nouveaux excipients, les cas d’allergie et d’hypersensibilité graves restent heureusement rares.
Le plus fréquemment, seuls surviennent des « phénomènes inflammatoires non spécifiques » bénins, rappelle le Dr Guenard-Bilbault. Et les réactions d’hypersensibilité restent pour la plupart locales et peu graves, même si certaines, comme le phénomène d’Arthus (qui se manifeste par un œdème hyperalgique avec blanchiment central), peuvent s’avérer douloureuses et détourner des patients de la vaccination, nuance le Dr Jean-Christoph Caubet (Genève).
Au contraire, les réactions d’hypersensibilité sévères, comme les syndromes de Steven Johnson et Lyell (décrits avec les vaccins anti-grippaux, ROR ou antirabique) ou les pustuloses exanthématiques généralisées (décrites avec le BCG) sont rares, insiste le Dr Guenard-Bilbault. De même que les réactions anaphylactiques, dont le taux d’incidence serait d’environ un pour un million quel que soit le vaccin – soit un événement quasi « improbable », estime le Dr Guillaume Lezmi (Paris), y compris chez les patients présentant des antécédents. Ainsi, dans une étude réalisée chez une soixantaine d’enfants danois ou espagnols allergiques à l’œuf, la vaccination par Priorix, qui contient de l’ovalbumine, ne s’est soldée par « aucune réaction ».
Et lorsqu'elles surviennent, les réactions anaphylactiques s’avèrent globalement non létales, souligne le Dr Lezmi, évoquant une étude observationnelle montrant que sur 25 millions de doses de vaccins injectées, aucun décès lié à de l’anaphylaxie n’a été enregistré.
De plus, « les vaccins contiennent de moins en moins d’excipients ». En fait, comme le souligne le spécialiste, « les industriels se sont adaptés au gré de la description de réactions d’hypersensibilité ». Par exemple, les quantités de protéine d’œuf baissent d’année en année, remarque-t-il : alors qu’à la fin des années 1990, la concentration de référence d’ovalbumine dans les vaccins antigrippaux s’élevait à 1,2 µg/mL, les vaccins actuels seraient passés sous la barre d’1 µg/mL, et le vaccin intranasal britannique pédiatrique n’en contiendrait que des traces (moins de 0,3 ng/mL). Si bien que finalement, seul le vaccin contre la fièvre jaune resterait davantage concentré en ovalbumine.
Peu de contre-indications absolues
En outre, pour les patients présentant des antécédents d’allergie voire d’anaphylaxie à un vaccin ou un de ses composants, de plus en plus d’études valident des protocoles permettant de sécuriser l’injection, lorsqu’aucune alternative n’est disponible. En particulier, concernant les patients ayant manifesté une réaction d’Arthus, l’utilisation de vaccins à valences réduites et un espacement de l’intervalle séparant les injections peuvent être envisagés. Et pour les patients ayant présenté une réaction d’anaphylaxie au décours d’une injection, peuvent être proposés en hôpital de jour soit un protocole de vaccination en deux injections dosées à 10 % puis 90 % (en cas de tests cutanés négatifs), soit un protocole d’induction de tolérance avec une augmentation progressive des doses en cinq injections (en cas de tests cutanés positifs).
À noter toutefois que les vaccins anti-Covid-19 posent question. En effet, le Dr Lezmi témoigne de « problèmes » survenus avec ces vaccins dans le cadre de son exercice, malgré un protocole d’induction de tolérance. En outre, les mécanismes exacts de sensibilisation aux nouveaux excipients mériteraient d’être élucidés. Par exemple, si avec le PEG, il semble que le poids moléculaire soit déterminant, comme l’explique le Dr Guenard-Bilbault, le déclencheur des réactions pourrait inclure les liposomes (composés de PEG) créés pour encapsuler l’ARNm eux-mêmes. Une incertitude à lever dans la mesure où « de nombreux vaccins de ce type sont en cours de développement », souligne l’allergologue.