Des anticorps anti-gp41 inefficaces

Des réponses anti-VIH futiles

Publié le 10/12/2010
Article réservé aux abonnés
1291947022211670_IMG_50189_HR.jpg

1291947022211670_IMG_50189_HR.jpg
Crédit photo : CDC

DE NOTRE CORRESPONDANTE

DÉVELOPPER UN VACCIN, sur et efficace, contre l’infection par le VIH-1 constitue l’une des hautes priorités de santé publique. Puisque les stratégies conventionnelles basées sur des approches empiriques n’ont pas réussi à conférer une bonne protection contre l’infection VIH-1 dans les essais cliniques, des approches novatrices sont requises.

La première étape cruciale de l’infection VIH-1 est la fusion entre la membrane du virus et celle de la cellule cible, réalisée par la protéine d’enveloppe virale après contact avec des récepteurs cellulaires.

On sait que la glycoprotéine d’enveloppe est d’abord synthétisée comme un précurseur, gp160, lequel est ensuite coupé en 2 fragments associés de manière non covalente (sans liaisons rigides entre eux), le fragment gp120 qui se lie au récepteur, et le fragment de fusion gp41.

Trois copies de chaque fragment (gp120 et gp41) forment une « spicule virale », un « piquant » sortant du virus, ce qui constitue le seul antigène à la surface du virion.

La fixation de la gp120 d’abord au récepteur CD4 puis au co-récepteur (CCR5 ou CXCR4) provoque des changements de conformation, qui déclenchent alors la dissociation de la gp120 et une cascade de changements de conformation de la gp41.

Au moins trois conformations différentes.

La gp41 adopte ainsi au moins trois conformations différentes durant le processus d’entrée virale - la conformation pré-fusion ; un intermédiaire « pre-hairpin » ; et la conformation post-fusion.

Les rares anticorps neutralisants dirigés contre la gp41 du virus, tels que les anticorps 2F5 et 4E10, bloquent l’infection VIH-1 en ciblant la région MPER sur la gp41, dans un état de fusion intermédiaire. La région MPER (Membrane-Proximale External Region) est la région de gp41 adjacente à la membrane virale.

Cependant, les individus infectés produisent en un bien plus grand nombre d’anticorps non neutralisants contre la gp41, et ceux-ci sont classés en 2 groupes - cluster I et cluster II.

Une étude dirigée par le Dr Bing Chen (Harvard Medical School, Boston) démontre maintenant, en s’appuyant sur des données biochimiques et structurelles, que les anticorps du cluster II, qui reconnaissent un segment adjacent aux épitopes neutralisants dans la région MPER, ont une affinité élevée uniquement pour une conformation post-fusion de la gp41.

« Nous proposons que ces anticorps non-neutralisants chez les individus infectés par le VIH-1, sont induits par la gp41 dans une forme post-fusion et contribuent à la production de réponses humorales inefficaces », concluent les chercheurs dans leur étude publiée dans la revue Nature Structural & Molecular Biology.

« Nous savons maintenant pourquoi les anticorps humains produits contre le VIH-1 sont inefficaces, puisque ces anticorps reconnaissent une conformation ou une structure non pertinente de la gp41 du VIH-1 », explique au « Quotidien » le Dr Bing Chen.

« Ces résultats ont des répercussions pour le développement rationnel d’un vaccin basé sur la gp41. Nous devons prêter une plus grande attention aux détails structurels des immunogènes de la gp41, sinon nous n’aurons que des réponses d’anticorps non neutralisants. »

« Nous évaluons maintenant le pouvoir immunogène du " gp41-inter ", qui piège la gp41 dans la conformation intermédiaire pré-hairpin, afin de voir si nous pourrions induire des réponses anticorps largement neutralisantes. »

Dans une autre étude, Nicely et coll. apportent la même explication en étudiant la structure cristalline de l’anticorps non neutralisant de la souris, désigné 13H11.

« Deux des anticorps humains les plus puissants envers le VIH, les anticorps 2F5 et 4E10, ciblent une région spécifique de l’enveloppe externe du virus appelée région MPER de la gp41 », explique au « Quotidien » le Dr Nathan Nicely (Duke University, Durham, Caroline du Nord).

« Les anticorps, qui opèrent dans une relation de clé-serrure, sont capables de s’accrocher au virus, dévoilant une région vulnérable de sa structure, son tendon d’Achille. Nos études révèlent que le virus crée en fait 2 versions de son tendon d’Achille (sa région MPER de gp41) - une version pour les rares anticorps à large pouvoir neutralisant, une autre version pour les anticorps plus abondants, comme l’AC 13H11, qui sont inutiles car ils ne détectent le tendon d’Achille que lorsque le virus est déjà entré dans la cellule.

« Nous pouvons utiliser cette information pour guider le développement d’immunogènes et pour caractériser d’autres anticorps qui surviennent naturellement contre le VIH, afin de mieux comprendre ce dont a besoin le système immunitaire pour déclencher une défense efficace contre le VIH. »

Nature Structural & Molecular Biology 14 novembre 2010, Frey et coll., Nicely et coll., DOI: 10.1038/nsmb.1944, DOI: 10.1038/nsmb.1950

Dr VÉRONIQUE NGUYEN

Source : Le Quotidien du Médecin: 8874