Une atteinte des mitochondries par des RNOS

Une lésion axonale initiale réversible dans la SEP

Publié le 29/03/2011
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DE NOTRE CORRESPONDANTE

DANS LA sclérose en plaque, une maladie inflammatoire auto-immune du système nerveux central apparaissant en général entre 20 et 40 ans, l’atteinte des axones par l’invasion de cellules immunes est responsable des déficits neurologiques permanents.

On ignore comment l’atteinte débute. On pense généralement que la première cible de la SEP est la gaine de myéline entourant et isolant l’axone. Toutefois, l’atteinte des fibres nerveuses représente également un processus central, puisque l’évolution vers l’incapacité permanente dépend en grande partie du nombre de fibres nerveuses endommagées au cours du temps.

Pour résoudre cette question, une équipe dirigée par le Dr Martin Kerschensteiner (Université de Munich, Allemagne) a utilisé un modèle murin d’AEP (encéphalomyélite auto-immune expérimentale induite par la glycoprotéine oligodendrocyte de la myéline) chez lequel un sous-groupe d’axones est génétiquement marqué par une protéine fluorescente, ce qui permet d’observer directement les axones par microscopie en fluorescence.

Des gonflements d’axones en foyer.

Les chercheurs ont observé une altération axonale précoce non encore décrite, sans perte de myéline. Ce processus, appelé dégénérescence axonale focale (DAF), débute par des gonflements d’axones en foyer, et progresse vers une fragmentation des axones. De façon remarquable, la plupart des axones enflés restent ainsi pendant plusieurs jours, et certains guérissent spontanément. Ces axones peuvent être enflés tout en conservant leur gaine de myéline intacte. Ainsi, contrairement à la théorie classique, la démyélinisation - un signe cardinal de la SEP - n’est pas préalablement nécessaire à l’atteinte axonale.

En revanche, les chercheurs ont constaté que des anomalies mitochondriales intra-axonales en foyer constituent le premier signe ultrastructurel d’atteinte, et il précède les changements de morphologie des axones.

De plus, l’imagerie moléculaire et des expériences pharmacologiques montrent que les espèces réactives de l’oxygène et de l’azote (RNOS) provenant des macrophages peuvent déclencher la pathologie mitochondriale et débuter la DAF. Inversement, la neutralisation des RNOS sauve 80 % des axones qui ont déjà entamé le processus dégénératif.

Un espoir chez l’homme.

Enfin, en analysant des biopsies de lésions aiguës de SEP provenant de 6 patients, les chercheurs ont découvert ce même processus de dégénérescence axonale focale, avec atteinte mitochondriale en foyers pouvant être observée en l’absence de démyélinisation, voire même de changement axonal.

Par conséquent, la neutralisation des espèces réactives de l’oxygène et de l’azote offre une stratégie prometteuse pour favoriser la récupération axonale au stade précoce.

Toutefois, les agents utilisés chez la souris dans l’étude ne sont pas suffisamment spécifiques et bien tolérés pour un usage clinique.

« Le développement d’un traitement efficace est un projet à long terme, prévient dans un communiqué le Dr Kerschensteiner. Nous n’avons jusqu’ici qu’une compréhension superficielle des mécanismes moléculaires sous-jacents et, bien sûr, cela prendra du temps pour effectuer des criblages à la recherche de médicaments candidats et conduire les essais cliniques pour établir les thérapies efficaces. »

« Nous voulons aussi savoir si des mécanismes similaires jouent un rôle a des stades tardifs chroniques de la SEP. »

Nature Medicine, 27 mars 2011, Nikic et coll.

 Dr VÉRONIQUE NGUYEN

Source : Le Quotidien du Médecin: 8933