Des moustiques super-résistants aux insecticides ont été mis en évidence en Asie par une étude japonaise

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Publié le 11/01/2023
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Crédit photo : NIH Voisin Phanie

Des moustiques transmettant la dengue et d'autres maladies virales parfois sévères ont développé une haute résistance aux insecticides dans certaines régions d'Asie, a mis en évidence une étude japonaise publiée dans « Science Advances » et portant sur la période 2016-2019. Les chercheurs appellent urgemment à la mise en place de nouvelles méthodes pour enrayer leur propagation.

L'épandage d'insecticides dans des zones infestées de moustiques est une pratique courante dans des régions tropicales et subtropicales. Mais si la problématique de la résistance est connue, son ampleur ne l'était pas jusqu'à présent.

Shinji Kasai et son équipe ont étudié des moustiques de plusieurs pays d'Asie et du Ghana et ont découvert des mutations génétiques qui en rendent certains immunisés contre des insecticides largement utilisés comme la perméthrine. Où précisément et quand les mutations de résistance aux insecticides chez ces moustiques sont apparues reste un mystère.

Des niveaux de résistance extrêmement élevés au Cambodge

« Au Cambodge, plus de 90 % des moustiques Aedes aegypti - vecteur principal des virus de la dengue, Zika, du chikungunya et de la fièvre jaune - ont une combinaison de mutations aboutissant à un niveau de résistance extrêmement élevé », indique Shinji Kasai, interrogé par l'AFP.

Ce directeur du département d'entomologie médicale à l'Institut national japonais des maladies infectieuses a découvert que certains types de moustiques censés être éliminés à 100 % par des insecticides ne l'étaient plus qu'à 7 %. Et même une dose toxique dix fois supérieure n'en tuait que 30 %.

Les niveaux de résistance étaient variables selon les régions. Par exemple, ils diffèrent totalement entre le Cambodge et le Vietnam, illustre Shinji Kasai. Ses travaux ont aussi révélé qu'au Ghana, dans certaines parties de l'Indonésie et de Taïwan, les insecticides existants fonctionnaient toujours.

Une résistance aux insecticides a par ailleurs été également constatée chez le moustique tigre Aedes albopictus, mais à des degrés plus faibles.

Éliminer les zones de reproduction des moustiques

L'étude montre que « des stratégies couramment employées pourraient ne plus être efficaces pour contrôler des populations de moustiques nuisibles », résume le Pr Cameron Webb, un expert de l'Université de Sydney interrogé par l'AFP. De nouveaux produits chimiques sont nécessaires, mais les autorités et les scientifiques doivent aussi réfléchir à de nouvelles méthodes de protection, comme des vaccins, estime-t-il.

Seuls quelques vaccins contre la dengue sont actuellement disponibles - celui du groupe pharmaceutique japonais Takeda a été approuvé l'an dernier par l'Indonésie puis l'Union européenne, tandis que l'usage de celui du français Sanofi est très limité car il peut aggraver la maladie chez des personnes n'ayant jamais contracté ce virus auparavant.

Les cas de dengue ont augmenté de manière spectaculaire dans le monde depuis 20 ans, avec entre 100 et 400 millions d'infections par an, selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Plus de 80 % des cas sont bénins ou asymptomatiques mais des complications potentiellement mortelles existent.

Shinji Kasai, qui craint que les moustiques super-résistants qu'il a identifiés ne se répandent ailleurs dans le monde « dans un futur proche », recommande aussi de varier davantage les insecticides, bien que leurs modes d'action soient souvent similaires.

Des alternatives consistent à renforcer les efforts visant à éliminer des zones de reproduction des moustiques ou à stériliser des moustiques mâles via une bactérie, une méthode innovante qui a déjà donné localement des résultats encourageants. Cette approche antivectorielle consiste à infecter les moustiques par la bactérie Wolbachia pipientis, ce qui confère une résistance à la dengue et à d'autres arboviroses.

Shinji Kasai élargit désormais ses recherches à d'autres régions d'Asie et examine aussi des échantillons plus récents du Cambodge et du Vietnam pour voir si le phénomène a évolué depuis son étude précédente.

C. C. avec AFP

Source : lequotidiendumedecin.fr