Dans le cadre de la prévention du risque d’épidémies nosocomiales au sein des hôpitaux, les mesures utiles pour rompre la barrière de transmission (lavage des mains, usage de solutions hydroalcooliques et port de masques) sont recommandées. Tout le monde sait qu’elles ne sont pas applicables à 100 %. L’étude publiée dans les « PNAS » par des épidémiologistes et des biomathématiciens français, associés à un réanimateur, indique qu’il serait efficace en matière d’éviction de la transmission des germes à l’hôpital, de focaliser une attention particulière sur les personnels qui circulent beaucoup, des soignants qui sont amenés à passer de service en service au cours de la journée et voient de nombreux malades.
Les données épidémiologiques montrent que beaucoup d’épidémies nosocomiales se présentent sur un mode de circulation très large. À différentes occasions, le traçage des agents infectieux a abouti à un seul soignant. Ainsi, une éclosion de cas d’infections à un staphylocoque doré résistant à l’érythromycine (SDRE) est survenue dans une unité de pédiatrie alors qu’un seul soignant parmi une équipe de 45 était porteur du germe ; une épidémie touchant tout un hôpital, avec 32 cas d’infections par staphylocoque doré résistant à la méthicilline (SDRM), a été associée à un seul kinésithérapeute respiratoire présentant une sinusite au germe de l’épidémie ; et plusieurs éclosions de cas d’infections par des SDRE survenus dans deux hôpitaux différents ont été attribuables à une infirmière qui travaillait en alternance une semaine sur deux dans ces hôpitaux.
Quelles particularités présentent ces agents, nommés « superspreaders » dans le langage professionnel. Les chercheurs répondent à la question en s’appuyant sur un outil informatique de simulation de la circulation des individus et des agents contaminants, un modèle dit « individu centré », qu’ils utilisent pour modéliser la transmission des agents infectieux par les mains dans un hôpital. La technique n’est pas récente, mais elle est habituellement utilisée dans des contextes économiques et sociologiques, rarement en médecine. Pour modéliser les maladies infectieuses, on utilise classiquement plutôt des modèles compartiment aux (x malades, y non malades, etc.).
Trois profils.
Trois profils sont apparus chez les soignants. Le premier a des contacts fréquents avec un nombre limité de patients ; le deuxième a moins de contacts mais avec un plus grand nombre de patients ; et le troisième a un seul contact quotidien, mais avec tous les patients.
L’analyse et la modélisation montrent que chez ce dernier groupe, dit des « superspreaders », le nombre moyen des patients colonisés sur une période d’un mois augmente parallèlement à la non-compliance au lavage des mains.
« Nous montrons que cet accroissement est fonction du profil des agents. Ainsi, il reste réduit pour un seul soignant non compliant au lavage des mains, appartenant à l’un des deux premiers profils décrits. Et il peut devenir très important pour un seul agent non compliant au lavage des mains et qui appartient au troisième profil. »
On calcule ainsi que « les épidémies avec un seul soignant non compliant au lavage des mains, qui se déplace beaucoup et a un contact avec tous les patients (ce qui représente seulement 4,5 % des équipes), sont d’importance égale à celles prévisibles lorsque tous les soignants sont non compliants et ont un contact avec 23 % des patients ».
L’étude suggère aussi que pour évaluer le risque d’épidémies nosocomiales dans la vie réelle, la compliance moyenne d’un service ou d’un hôpital à l’hygiène n’est pas un bon indicateur.
Travail réalisé par une collaboration entre l’INSERM, l’Institut Pasteur et le Conservatoire des Arts et Métiers. Laura Temime, Lulla Opatowski, Yohan Pannet, Christian Brun-Buisson, Pierre Yves Boëlle et Didier Guillemot, Proc Natl Acad Sci, édition en ligne.
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