Ebola : 5 ans après la guérison, une immunité déclinante et fluctuante qui confirme la persistance du virus

Par
Publié le 06/09/2021
Article réservé aux abonnés

Crédit photo : AFP

Cinq ans après leur sortie du centre de traitement Ebola, 76 % des survivants possèdent toujours des anticorps contre la glycoprotéine du virus et 60 % contre deux autres antigènes − la nucléoprotéine et la protéine virale 40-kDa (VP40). Ces résultats publiés dans « The Lancet Microbe » sont issus des données de la cohorte de suivi des survivants PostEboGui.

Cette même analyse a également fourni des données encore jamais observées jusqu'ici : des variations irrégulières des taux d’anticorps au fil des mois, voire une augmentation chez certains survivants. Une observation qui conforte l'hypothèse d'une persistance du virus chez certains patients. Ces virus internes pourraient être responsables de la restimulation immunitaire des patients sans réinfection ou réexposition, voire pourraient être à l'origine de l'apparition de nouveaux cas, comme cela a été observé en Guinée en janvier dernier.

Un taux d'anticorps indétectable chez un quart des survivants

La cohorte PostEboGui est une cohorte prospective rassemblant 802 survivants d'une infection par le virus Ebola guinéen, dont 687 ont été inclus dans l'analyse. L'équipe franco-guinéenne à l'origine de ce travail a recherché à intervalles réguliers (un mois puis trois mois après leur guérison inclusion, puis tous les 6 mois) la présence d'anticorps l'IgG dirigés contre une glycoprotéine recombinante, une nucléoprotéine ou VP40 caractéristiques des souches Ebola Zaïre (EBOV), Bundibugyo (BDBV) ou Soudan (SUDV).

Les patients de l'étude étaient jeunes, âgés en médiane de 27,3 ans. Les auteurs ont constaté une diminution progressive de la concentration en anticorps. En effet, 60 mois après leur guérison et leur sortie des centres de traitement, 76,2 % des patients disposait d'anticorps détectables contre les glycoprotéines, tandis que des nucléoprotéines étaient retrouvées chez 59,4 % des participants et des anticorps anti-VP40 étaient présents chez 60,9 % d'entre eux.

Les chercheurs ont également recherché de l'ARN viral dans le sperme des participants : sa présence était corrélée à une haute concentration de d'anticorps anti-virus Ebola Zaïre. Globalement, un quart des survivants avait un taux d'anticorps indétectable. Il est donc vraisemblable que l'immunité de la population diminue avec le temps, estiment les auteurs.

Des données précieuses pour la mise au point de vaccins

Pour Abdoulaye Touré (université de Montpellier, IRD-INERM), co-investigateur principal de l’étude, ces résultats pourraient se révéler utiles « pour la conception de vaccins contre Ebola dans la mesure où les anticorps neutralisants, et donc protecteurs, sont dirigés contre la glycoprotéine », cette immunité ciblée semblant la plus persistante. « Il sera intéressant de comparer la diminution de la concentration en anticorps chez les personnes ayant contracté la maladie à celle induite par la vaccination contre Ebola dans la population, estime Éric Delaporte de l'IRD de Montpellier. Si un tel phénomène était observé, cela pourrait poser des questions de santé publique sur l’efficacité de la vaccination sur le long terme en cas de nouvelle épidémie. »

Les chercheurs ont également observé des réactions croisées : des malades exposés à l’espèce Zaïre disposaient d'anticorps contrant les autres souches. De tels résultats pourraient guider le développement des candidats vaccins capables de protéger contre les différentes espèces de virus Ebola.


Source : lequotidiendumedecin.fr