Hépatite C : les nouveaux antiviraux moins efficaces chez les patients les plus avancés

Publié le 14/04/2016

Le traitement par antiviraux directs des patients présentant une cirrhose consécutive à une infection par le virus de l'hépatite C ne présente pas toujours un bon profil de bénéfice-risque, selon une analyse du registre espagnol Hepa-H présentée ce jeudi en session plénière au Congrès international d'hépatologie (ICL 2016) qui se tient à Barcelone jusqu'au 17 avril.

L'équipe du Dr Carlos Fernández Carrillo, du service d'hépatologie de l'hôpital universitaire de la porte de Hierro-Majadahonda, a recueilli les données de 843 patients cirrhotiques infectés par le VHC et ayant une espérance de vie de 1 à 3 ans, selon les résultats de leur score Child-Pugh.

 

Des patients moins répondeurs

 

L'étude a montré que les patients souffrant de cirrhose très avancée sont ceux qui avaient le plus de risque de mourir dans les 12 semaines après le début du traitement : ce fut le cas de 25 % d’entre eux contre 1,6 % des autres patients.

Les patients souffrant de cirrhoses avancées atteignaient en outre moins souvent une réponse virologique soutenue (77 % contre 94 % à un stade moins avancé), connaissaient plus de rechutes (15 % contre 5 %) et d'effets secondaires (50 % contre 12 %) que ceux avec une cirrhose non décompensée. « Les nouveaux antiviraux directs ont changé la vie des patients vivant avec le VHC, mais il existe un débat sur la pertinence du traitement des malades aux stades les plus avancés, explique le Dr Fernández Carrillo, nos résultats montrent que ces patients pourraient ne tirer aucun bénéfice des nouveaux traitements.

Pour ces cas très sévères, une discussion doit prendre place entre les professionnels de santé et le patient, pour des prises de décision au cas par cas. Il vaut parfois mieux laisser les choses suivrent leur cours, plutôt que risquer des effets secondaires supplémentaires ou même un décès. »

 

Doutes sur le risque de récidives de cancer

 

Ces résultats sont à rapprocher des résultats d'une autre étude présentée en late breaking abstract par l'équipe italienne du Dr Federica Buonfiglioli, de l'université de Bologne. Les auteurs se sont intéressés aux données médicales de 344 patients séropositifs pour le VHC, cirrhotiques, et ayant des antécédents de carcinomes hépatocellulaires liés à leur infection.

Bien qu'ils n'aient pas de tumeur diagnostiquée au moment de l'initiation de leur traitement par antiviral à action directe, 29 % d'entre eux développaient un cancer au cours du suivi, contre 3,2 % des patients sans antécédents de carcinomes hépatocellulaires.

Plus troublant : des carcinomes hépatocellulaires ont été diagnostiqués moins de 24 semaines après la fin du traitement chez 26 patients. Le risque de cancer n'était pas statistiquement lié au génotype du virus, ni même à la réponse au traitement : les patients chez qui l'on éliminait le virus étaient autant à risque que ceux chez qui l'on observait une réponse sérologique soutenue. « Les seuls facteurs prédictifs que nous avons pu identifier sont un âge jeune et la sévérité de la maladie », détaille le Pr Stefano Brillanti, de l'université de Bologne lors de la présentation des résultats. Selon le Dr Laurent Castera, du service d'hépatologie de l'hôpital Beaujon (AP-HP) et secrétaire général de l'Agence européenne pour l'étude du foie (EASL), « ces résultats concordent avec des données encore non publiées, qui viennent d'un groupe de chercheurs de Barcelone. Près de 30% de leurs patients ayant souffert de ce type de cancer font une récidive après un traitement par AAD », note-t-il.

Le Pr Brillanti juge cependant prématuré de conclure à l’existence d'un surrisque de récidive de cancer causé par les AAD. Quoi qu'il en soit, ces résultats questionnent eux aussi le bénéfice que peuvent tirer d'un traitement les malades de stades les plus avancés.

Damien Coulomb

Source : lequotidiendumedecin.fr