Des conséquences en dermatologie sont attendues

La nouvelle carte des bactéries de la peau

Publié le 28/05/2009
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DE NOTRE CORRESPONDANTE

« NOTRE TRAVAIL pose les bases essentielles pour les chercheurs qui s'intéressent a développer de nouvelles et meilleures stratégies pour traiter et prévenir les maladies de la peau », déclare dans un communiqué le Dr Julia Segre du National Human Genome Research Institute de Bethesda (États-Unis) qui a dirigé cette étude.

« Les informations générées par notre étude sont librement mises à la disposition des chercheurs à travers le monde. Nous espérons que cela accélérera les efforts pour comprendre les facteurs génétiques et environnementaux complexes qui sont impliqués dans l'eczéma, le psoriasis, l'acné, les infections résistantes aux antibiotiques, et de nombreux autres troubles qui affectent la peau. »

Cette étude fait partie du Projet du Microbiome Humain (HMP), récemment lancé par le NIH afin de caractériser toutes les communautés microbiennes qui existent dans certaines régions du corps humain (tube digestif, bouche, peau, nez et vagin) et analyser leurs rôles dans la santé et les maladies humaines. Ces études seront d'abord menées sur des volontaires sains puis sur des patients porteurs de maladies spécifiques.

La forêt tropicale et le désert.

Notre peau est non seulement une large barrière s'opposant à l'entrée des organismes pathogènes dans notre organisme, mais aussi un écosystème qui héberge des communautés microbiennes commensales jouant un rôle dans la santé et les maladies. Ces communautés vivent dans une variété de niches physiologiquement et topographiquement différentes.

Ainsi par exemple, comme le notent Grice et coll., « les aisselles poilues et humides siègent à peu de distance des avant-bras lisses et secs, et pourtant ces deux niches risquent d'être aussi différentes écologiquement que la forêt tropicale l'est du désert »

Ces microbiotes restent en grande partie peu ou non étudiées, les méthodes de culture n'ayant révélé que les espèces qui poussent facilement.

La caractérisation des microbiotes qui habitent les niches cutanées spécifiques pourrait apporter des éclaircissements sur le délicat équilibre entre la santé cutanée et les dermatoses.

Afin de caractériser la diversité topographique et temporelle du microbiome de la peau, les chercheurs du NIH ont prélevé des échantillons cutanés chez 10 volontaires sains, en 20 endroits du corps qui représentent des niches différentes et sont affectés par des dermatoses dans lesquelles les microbes ont été incriminés.

Ils ont séquencé, dans chaque échantillon, les gènes de l'ARN ribosomique 16S et ont ainsi identifié plus de 112 000 séquences génétiques bactériennes, qu'ils ont ensuite classées et comparées.

Ils ont détecté des bactéries appartenant à 19 phylum (92 % appartenant aux 4 phylum Actinobacteria, Firmicutes, Proteobacteria, et Bacteroidetes) et a 205 genres (dont notamment Corynebacteria, Propionibacteria, et Staphylococci), avec une diversité d'espèces plus grande que celle révélée jusqu'ici par les cultures.

Les espèces Propionibacteria et Staphylococci prédominent aux zones cutanées de type sébacé (entre les sourcils, canal auditif externe, thorax et dos), tandis que les espèces Corynebacteria prédominent dans les zones humides (intérieur des narines, aisselles, intérieur du coude...) et une population bactérienne mixte réside dans les zones sèches (intérieur de l'avant-bras, fesses et paumes des mains).

Les zones sébacées sont généralement moins diverses que les zones humides ou sèches.

Stabilité dans le conduit auditif et les narines.

Afin d'examiner si les microbiotes changent au fil du temps, les chercheurs ont renouvelé après six mois les prélèvements de peau chez cinq volontaires. Globalement, les microbiotes ne changent pas beaucoup chez un individu (ressemblant plus à celui de l'individu qu'à celui des autres volontaires). Toutefois, la stabilité des communautés microbiennes dépend de la zone étudiée. La plus grande stabilité est trouvée dans les échantillons du conduit auditif externe et des narines, et la moins grande dans le creux poplité.

« Nos résultats attestent que la peau héberge des communautés dynamiques de vie microbienne, lesquelles pourraient influencer significativement notre santé », observe le Dr Elizabeth Grice (NHGRI), première signataire de l'étude.

L'élucidation du microbiome de la peau normale représente un pas vers la possibilité de manipuler à des fins thérapeutiques le microbiome dans les dermatoses. Il faudra peut-être non seulement inhiber la croissance des bactéries pathogènes mais aussi favoriser la croissance des bactéries symbiotiques.

Science 29 mai 2009, Grice et coll., p 1190

Dr VÉRONIQUE NGUYEN

Source : lequotidiendumedecin.fr