La vie après une hépatite C

Le syndrome de Lazare, ou la difficile gestion de la « résurrection »

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Publié le 06/06/2016
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HEP C

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Crédit photo : PHANIE

Il n'est pas facile de retrouver une vie normale après plusieurs années de lutte avec une hépatite virale chronique. De plus en plus de patients en font l'expérience, à l'heure où les nouveaux antiviraux à l'action directe, désormais ouverts à tous, permettent d'éradiquer le virus en 3 mois de traitement. « On a des patients infectés de longue date, qui ont eu 4, 5 ou 6 tentatives de traitement, y compris par de la ribavirine et le peginterféron, et qui sont aujourd'hui guéris quasiment sans effets secondaires », explique le Dr Pascal Mélun, président de SOS Hépatites. Ces gens qui sortent d'une maladie chronique où ils s'étaient inscrits ne parviennent parfois pas à se reconstruire. C'est notamment le cas de 25 % des patients traités ces dernières années par le Dr Mélun. Pour ces ex-malades, on parle de « syndrome de Lazare », un concept issu de la victimologie, qui désigne une incapacité à retrouver sa place après une « résurrection » liée à une guérison.

Une problématique émergente

Si les hépatologues sont concentrés sur la guérison des malades, qui doit s'occuper de l'après guérison : les spécialistes ? Le médecin généraliste ? « C'est une réflexion qu'il va falloir mener sur l'organisation de notre système de santé et sur la cohérence de notre filière », estime le Dr Mélun. Les malades de l'hépatite C vivent actuellement une situation exceptionnelle : ils sont les premiers patients de l'histoire de la médecine guéris d'une pathologie chronique, et ils ne seront peut-être pas les derniers. « Notre société affrontera demain d'autres pathologies chroniques guérissables, remarque le Dr Mélun. Il faut que l'on se pose les bonnes questions car des patients vont revenir nous voir en nous disant, que bien qu'on leur ait dit qu'ils étaient guéris, leur banque continue à leur infliger des pénalités. Ils ne sont donc socialement pas guéris ». Au même titre que les mélanomes de bas grade ou les cancers guérissables comme ceux de la thyroïde et des testicules, les patients guéris d'une hépatite C sans stade de cirrhose peuvent invoquer le droit à l'oubli au bout de deux ans. Mais si le droit à l'oubli aplanit les difficultés administratives et financières, il est notoirement inefficace pour cicatriser les blessures des patients dont la vie sociale a été lourdement impactée par la maladie. « J'ai l'exemple d'une femme qui a appris à l'âge de 30 ans qu'elle avait une hépatite C. Cette nouvelle a fait exploser son couple, confie le Dr Mélun. Elle a voulu attendre sa guérison pour refaire sa vie. Elle a aujourd'hui 50 ans, n'est toujours pas traitée, ni mariée et n'a pas d'enfant. Les traitements lui ont permis de réduire son stade de fibrose, ce qui fait qu'elle n'est pas prioritaire pour avoir accès aux NAAD. Cela fait 20 ans qu'elle fantasme sur la fin de sa maladie. Qui va s'occuper de la reconstruction de sa vie », questionne-t-il ?

L'éducation par les pairs

Les groupes de paroles actuels s'adressent principalement aux malades pour les amener aux traitements. Depuis plusieurs mois, des associations comme SOS Hépatites tentent d'introduire la problématique de la vie après la guérison et de la reconquête du bien-être familial et sociétal. « On essaye de donner aux gens les moyens de placer correctement leur hépatite dans leur vie, de leur faire comprendre qu'il ne faut pas mettre tous leurs problèmes sur le compte de la maladie. C'est un discours qui ne peut être tenu que par un ancien malade ». De même il faut, selon lui, se mettre d'accord avec le patient qui doit comprendre qu'il ne sera débarrassé que du virus. « S'il avait une cirrhose, le risque d'hépatocarcinome est toujours présent, et cela ne fera pas forcément revenir sa femme ou le boulot qu'il a perdu », poursuit Pascal Mélun. Toute une éducation thérapeutique est de plus à mettre en place, alliant aide à l'hygiène de vie, diététique et, si nécessaire, aide à l’arrêt du tabagisme. Beaucoup de ces patients sont en effet à des âges où ils sont susceptibles de s'inscrire dans une autre maladie chronique, comme un diabète, par exemple.

Damien Coulomb

Source : Le Quotidien du médecin: 9502