Nouveaux traitements de l’hépatite C

Les hépatologues appellent à élargir les indications

Publié le 14/01/2016
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Près de 40 % des personnes infectées par le VHC ignorent qu'elles le sont

Près de 40 % des personnes infectées par le VHC ignorent qu'elles le sont
Crédit photo : PHANIE

En 2014, 11 800 Français infectés par le virus de l’hépatite C (VHC) ont été traités par les nouveaux antiviraux à action directe (AAD) tel Sovaldi (sofosbuvir, Gilead), Olysio (Syméprévir, Janssen), Daklinza (daclatasvir, BMS) Harvoni (sofosbuvir+ledipasvir, Gilead) Exviera (dasabuvir, Abbvie) ou Viekirax (ombitasvir+paritaprevir+ritonavir, Abbvie).

Les chiffres de 2015 ne sont pas encore consolidés, mais les hépatologues rassemblés à paris pour le 9e Paris Hepatitis Conference (PHC) affirment que le seuil de 15 000 patients ne sera pas atteint à cause des limitations de prescriptions que les spécialistes souhaiteraient voir lever.

La France perd des points

« La France a été un des premiers pays à autoriser et remboursé les AAD, rappelle le Pr Patrick Marcellin, hépatologue à l’hôpital Beaujon et président du 9e PHC, mais nous sommes maintenant un des pays qui traite le moins de patients ». Pour ce directeur d’une unité de recherche spécialisé dans les hépatites virales, la faute en revient aux limitations imposées par le ministère des affaires sociales et de la santé.

Actuellement, la France est, en effet, un des rares pays européens à ne traiter les patients infectés par le VHC qu’à partir du stade de fibrose F3 et des stades de fibrose F2 sévère. L’Espagne, l’Italie, la Suisse, la Norvège, le Danemark, la Suède et l’Autriche et la Slovénie traitent l’intégralité des patients F2, tandis que la Pologne, l’Allemagne, le Portugal ou la Finlande traitent tous les patients dès le stade F0. Dans les conditions imposées par le ministère, figure également les patients coïnfectés par le VIH et le VHC, les patients atteints de cryoglobulinémies mixtes systémiques symptomatiques ou de lymphomes liés au VHC. Suite à un oubli du ministère, les patients transplantés ne figurent pas dans la liste mais « dans les faits, ils sont traités », affirme le Pr Marcellin.

2 % d’hépatites sévères en 2016

Selon une analyse réalisée pour le compte du laboratoire Gilead à partir du rapport Dhumeaux sur la prise en charge des personnes infectées par les VHB et VHC et des données de la cohorte HEPATER, seulement 14 % des patients français, dépistés ou non, étaient à des stades de fibroses F3 ou F4 en 2015, contre 25 % en 2013. En 2016, les patients F3/F4 devraient ne représenter que 2 % des malades. « Nous avons épuisé les patients éligibles au traitement selon les indications actuelles, affirme le Pr Marcellin, c’est pourquoi le nombre de patients à traiter est en baisse. »

Depuis le début de l’année 2014, et l’arrivée sur le marché du Sovaldi, le nombre de patients traités par AAD est passé de 1 500 par trimestre à environ 5 000 en France à la fin de l’année 2014, avant de retomber à 4 500 au deuxième trimestre 2015. Dans le même temps le nombre de patients traités a dépassé les 6 000 par trimestre en Allemagne et 10 000 en Espagne.

Autre barrage en travers de la mise en place des traitements : les réunions de concertation pluridisciplinaires (RCP). S’ils ne demandent pas ouvertement leur suppression, les hépatologues réunis en congrès avouent à demi-mot leur relative inutilité : « 90 % des dossiers que l’on propose sont acceptés, note le Pr Marcellin, mais on aura perdu 6 mois dans le processus. » Depuis mai 2015, il est possible d’ouvrir de nouveaux RCP et d’y inclure des spécialistes issus des hôpitaux privés. Cette mesure a désengorgé les RCP qui ne constituent plus un goulot d’étranglement. « Il y a une grande disparité régionale, note toutefois le Dr Bourlière de l’hôpital Saint-Joseph à Marseille. La région PACA vient d’ouvrir son 7e RCP alors que du côté de Bordeaux, il n’y en a toujours que 2. » Les RCP « ont été créés sans moyens supplémentaires, renchérit le Pr Marcellin, faute de médecins ou d’infirmières supplémentaires, nous ne pourrons pas traiter beaucoup plus de patients que nous ne le faisons actuellement ». Pour le Dr Bourlière, il faut également augmenter le nombre de prescripteurs, « une partie des traitements pourrait être initiée en médecine de ville ».

Un risque de réinfection marginal

Concernant le risque de réinfection des patients guéris, le Pr Marcellin le juge « très marginal : les seules réinfections possibles se font soit lors d’injections de drogues en intraveineuse, ce qui est désormais très rare, soit lors de transfusions sanguines, sachant que la dernière en date a eu lieu en 1991. »

En février 2015, l’Association française pour l’étude du foie (AFEF) devrait publier de nouvelles recommandations pour la prise en charge de l’hépatite C, élargissant l’accès aux AAD.

Damien Coulomb

Source : Le Quotidien du Médecin: 9462