La lèpre n’est pas encore éradiquée

Un test de résistance aux antilépreux

Publié le 04/12/2009
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POURQUOI faut-il faire encore de la recherche en léprologie ? La question pourrait être provocante, elle ne l’est malheureusement pas. Comme le rappelle le Pr Jean-Marie Decazes, PU-PH en maladies infectieuses à l’hôpital Saint-Louis à Paris, président du comité d’organisation du programme de recherche contre la lèpre soutenu par l’Ordre de Malte (MALTALEP), « l’OMS a déclaré dès 2006 que la recherche en léprologie est une nécessité. La lèpre ne devait plus être un problème de santé publique en l’an 2000. Or plus de 245 000 nouveaux cas sont toujours diagnostiqués chaque année ».

Pas un test diagnostique.

Avec le soutien du programme MALTALEP, l’équipe du Pr Emmanuelle Cambau de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière vient de mettre au point un test génomique pour détecter la résistance aux principaux antilépreux. « Il ne s’agit pas d’un test diagnostique de la lèpre, souligne la bactériologiste spécialiste des mycobactéries, mais bien d’un test pour identifier l’existence de résistance aux antibiotiques ». Jusqu’à présent, il n’existait aucune méthode « réaliste » pour le faire. Comme Mycobacterium leprae ne se cultive pas in vitro, le seul moyen consisterait, pour un patient donné, à faire des cultures animales chez 25 à 50 souris pendant près d’un an… Le test développé par l’équipe parisienne vise à déceler la présence de mutations responsables de résistance à trois antilépreux, la rifampicine, l’ofloxacine et la dapsone. Le traitement standard de la lèpre comporte en effet une polychimiothérapie associant de la rifampicine, de la dapsone et de la clofamizine. En cas de résistance à la rifampicine, l’antibiothérapie comporte de l’ofloxacine, de la clarithromycine et de la minocycline.

Pour moins de 3,50 euros.

La première étape a donc consisté à démontrer la concordance entre antibiogramme phénotypique et l’antibiogramme moléculaire. Une fois que la valeur prédictive des mutations a été établie pour la résistance, les chercheurs ont pu passer à la seconde étape : la technologie du DNA strip, qui est bien rodée depuis plus de 10 ans pour une autre infection à mycobactérie, la tuberculose. Cette méthode consiste à utiliser des bandelettes préparées avec des sondes spécifiques pour les principales mutations à rechercher. Pour ce qui est de Mycobacterium leprae, deux mutations sur le gène rpoB sont recherchées pour la résistance à la rifampicine, une mutation sur le gène folP1 pour la résistance à la dapsone et une sur le gène gyrA pour résistance à l’ofloxacine.

Les fragments d’ADN bactérien, obtenus par un prélèvement de la peau du malade, sont amplifiés par PCR multiplexe. L’hybridation ADN-ADN, entre les fragments d’ADN bactérien et les sondes de la bandelette, est réalisée dans un incubateur spécifique, fabriqué par le laboratoire allemand Hain. La méthode nécessite ainsi deux appareils : un appareil polyvalent à PCR et un incubateur spécifique pour les mycobactéries. Les résultats sont obtenus dans un délai de 5 heures. Ce test baptisé Genotype Leprae, dont la commercialisation est prévue au printemps 2010, devrait être accessible aux pays endémiques pour un coût de revient de 3,50 euros par prélèvement. Près d’une centaine de patients sont suivis en France à l’hôpital Saint-Louis, avec près d’une vingtaine de nouveaux cas chaque année, la plupart étant d’importation.

Conférence de presse organisée par le centre national de référence des mycobactéries et de la résistance des mycobactéries aux antibiotiques, CHU de la Pitié-Salpêtrière, l’hôpital Saint-Louis et l’Ordre de Malte.

 Dr IRÈNE DROGOU

Source : lequotidiendumedecin.fr