DE NOTRE CORRESPONDANTE
LA FILARIOSE lymphatique affecte à travers le monde (80 pays) plus de 120 millions de personnes, dont un tiers gravement handicapés ou défigurés par la maladie.
Elle est causée par les vers parasites filiformes Wuchereria bancrofti et Brugia malayi, qui s'installent dans le système lymphatique après avoir été transmis par piqûres de moustiques infectés. A la phase chronique, des lymphdèmes peuvent se former et donner l'éléphantiasis au niveau des membres (les bras ou les jambes ressemblant aux pattes d'un éléphant) et/ou une hydrocèle au niveau des bourses chez l'homme et des seins chez les femmes.
La bactérie Wolbachia pipientis est une bactérie intracytoplasmique endosymbiote des invertébrés (dont les insectes), transmise par la mère à sa descendance. Elle est capable de disséminer rapidement dans une population d'insectes.
La souche popcorn.
La souche wMelPop ou « popcorn » est naturellement trouvée chez une mouche drosophile ( Drosophila melanogaster) et réduit sa longévité ; un précédent travail avait montre que l'introduction de cette souche endosymbiote chez le moustique Aedes aegypti raccourcissait de moitié la durée de vie du moustique.
Cet effet délétère sur la longévité était intéressant, offrant une stratégie potentielle pour réduire la transmission des parasitoses transmises par les moustiques.
En effet, les filaires et autres parasites transmis par les moustiques requièrent une période d'incubation entre l'ingestion et la transmission qui est assez longue par rapport à la durée de vie du moustique, de sorte que seuls les moustiques plus âgés au sein d'une population sont potentiellement infectieux.
L'équipe du Dr Steven Sinkins (université d'Oxford, Royaume-Uni) montre maintenant que la souche « popcorn » non seulement réduit la durée de vie du moustique, mais provoque une réponse immunitaire innée constitutive chez le moustique Aedes aegypti, qui devient capable d'inhiber le développement des vers filaires.
Ainsi, l'infection du moustique par la souche « popcorn » de la bactérie Wolbachia active environ 200 gènes dont 78 sont impliques dans la réponse immune.
Les chercheurs montrent que, dix jours après un repas sanguin contaminé par des microfilaires Brugia pahangi (modèle de filaire infectant le rongeur de laboratoire), les moustiques portant la souche « popcorn » hébergent dans le sang un nombre de microfilaires qui est réduit de 50 à 85 %, en comparaison des moustiques non porteurs de Wolbachia.
Le coût de l'activation constitutive des gènes d'immunité pourrait expliquer ou contribuer à la longévité raccourcie des moustiques infectes par cette souche de la bactérie Wolbachia.
Les étapes vers la pratique.
« Pour mettre en pratique cette approche, plusieurs étapes sont nécessaires », explique au « Quotidien » le Dr Sinkins. « D'abord il faudra transfecter une autre espèce de moustique, Aedes polynesiensis, qui est le principal agent de transmission de filariose lymphatique en Polynésie, et vérifier ensuite l’effet de l'infection sur le nématode W. bancrofti. »
Une autre espèce de moustique qu'il serait intéressant de cibler est Culex quinquefasciatus, le vecteur urbain principal de W. bancrofti à travers les tropiques.
« Pour générer de nouvelles lignées porteuses de Wolbachia, explique le Dr Sinkins, on effectue des micro-injections de Wolbachia purifiées dans des embryons (ufs) de moustiques à grande échelle, puis on sélectionne les femelles qui ont incorporé Wolbachia dans leurs cellules germinales et sont ainsi capables de la transmettre à leur descendance. Les lignées sélectionnées sont amplifiées au laboratoire afin d’obtenir d’un grand nombre de moustiques. Ensuite plusieurs étapes de tests en semi-liberté (utilisation de grandes cages sur le terrain en partenariat avec nos collaborateurs au Kenya) sont nécessaires afin d’étudier la capacité de ces moustiques porteurs de Wolbachia a se répandre au sein d’une population non porteuse, et d’évaluer les risques potentiels. »
La souche « popcorn » de la bactérie Wolbachia pourrait être utilisée pour contrôler d'autres parasitoses transmises par les moustiques, telles que le paludisme.
« Un de nos objectifs principaux est de créer une transfection de Wolbachia chez une autre espèce de moustique, l’anophèle, qui est le vecteur du paludisme, en espérant ainsi réduire ou éliminer sa capacité de transmission de ce fléau. »
Science 2 oct 2009, Kambris et coll.
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