Infectiologie

Une probable résurgence d'Ebola à partir d’un survivant

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Publié le 24/09/2021
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Une comparaison génomique entre le virus Ebola de l’épidémie guinéenne de 2021 et la souche présente en Afrique de l’Ouest entre 2013 et 2016 suggère une résurgence du virus à partir d’un survivant.
Il faut une surveillance accrue des survivants, dont certains ont été asymptomatiques

Il faut une surveillance accrue des survivants, dont certains ont été asymptomatiques
Crédit photo : Phanie

D’après l’analyse génomique du virus Ebola de l’épidémie de 2021 en Guinée, des chercheurs suggèrent que les contaminations de cet été pourraient avoir été déclenchées par la réactivation d’une infection en sommeil chez un survivant cinq années après. Lors de la précédente épidémie, près de 29 000 cas, dont plus de 11 000 décès, avaient été recensés.

Dans cette étude publiée dans « Nature », les chercheurs ont comparé les analyses génomiques avec celles issues de la flambée qui a sévi en Afrique de l’Ouest de 2013 à 2016. Trois laboratoires ont participé : le Centre de recherche et de formation en infectiologie de Guinée (Cerfig ; en partenariat avec l’Institut de recherche pour le développement [IRD] et en collaboration avec l’Institut Robert Koch de Berlin), le laboratoire du Projet des fièvres hémorragiques de Guinée (PFHG ; en partenariat avec l’Institut Bernhard Nocht de médecine tropicale de Hambourg) et l’Institut Pasteur de Dakar au Sénégal.

Une circulation à bas bruit peu probable

Les génomes complets (ou presque) du virus ont été obtenus à partir d’échantillons de 12 patients différents. « Ces génomes forment un cluster phylogénétique bien étayé avec les génomes de l’épidémie précédente, ce qui indique que la nouvelle épidémie n’était pas le résultat d’un nouvel événement de débordement d’un réservoir animal », indiquent les auteurs, qui jugent également peu probable l’hypothèse d’une circulation à bas bruit du virus Ebola depuis la fin de l’épidémie précédente.

« Les virus évoluent en fonction des contaminations, explique Martine Peeters, virologue et directrice de recherche à l’IRD dans l’unité mixte internationale TransVIHMI. Or, ici, la souche virale présente très peu de mutations par rapport à celle de 2014 ». La faible divergence entre les lignées tend ainsi à suggérer une infection persistante avec une réplication réduite ou une période de latence.

« Ebola peut sommeiller pendant plusieurs mois dans les fluides biologiques de certains survivants et être à l’origine de nouvelles chaînes de transmission, poursuit Martine Peeters. L’étude PostEboGui, développée par l’unité TransVIHMI et le Cerfig, a ainsi confirmé que le virus est détectable dans le sperme et le lait maternel jusqu’à 18 mois après la guérison ». Si des cas de résurgence à partir de survivants ont été documentés, une si longue période de latence n’avait pas encore été mise en avant.

Des survivants à surveiller sans les stigmatiser

Pour les auteurs, ces résultats impliquent la nécessité d’une surveillance accrue des survivants, dont certains ont été asymptomatiques. « Ce phénomène de résurgence à partir d’anciens malades d’Ebola, parfois asymptomatiques, est imprévisible, s’inquiète Alpha Keita, microbiologiste à l’université de Montpellier/TransVIHMI et directeur adjoint du Cerfig. Or, il existe plus d’une dizaine de milliers de ces "survivants", rien qu’en Afrique de l’Ouest. Il faudrait donc définir un protocole axé dans un premier temps sur les malades connus dans toutes les zones où sévit Ebola. Cela impliquerait notamment que les autorités sanitaires restent en alerte plus longtemps ».

Ce suivi doit s’accompagner d’une vigilance quant au risque de stigmatisation. « Lors de la précédente épidémie, de nombreuses personnes ont perdu leur travail, ont été repoussées par leur famille et chassées de leur maison après leur guérison, rappelle Alpha Keita. Or, la lutte contre Ebola est un problème global, chacun doit se sentir concerné. Toute personne ayant été en contact avec Ebola pourrait d’ailleurs se révéler un réservoir caché du virus ».

A.Keita et al. Nature, septembre 2021.doi.org/10.1038/s41586-021-03901-9.

Elsa Bellanger

Source : Le Quotidien du médecin