Dr Teodor Danaila : « Dans le Parkinson, l'enjeu est de démarrer une activité physique dès le début »

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Publié le 25/03/2022
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Aux Hospices civils de Lyon, le programme de rééducation intensive et d’activité physique multidisciplinaire, « Sirocco », a été mis en place depuis huit ans pour la maladie de Parkinson. Ces activités semblent stimuler la production de dopamine. Le Dr Teodor Danaila, neurologue à l’hôpital Pierre Wertheimer à Lyon, s’en explique.

LE QUOTIDIEN : En quoi consiste le programme « Sirocco » ?

Dr TEODOR DANAILA : C’est un programme qui prend en charge des patients parfaitement autonomes par groupe de sept à huit personnes. Pendant cinq semaines, ils participent à des activités toute la journée avec une pause d’1h30 pour le déjeuner. Cela inclut de la kinésithérapie, du coaching sportif, du travail dans l’eau, de l'orthophonie, de l'ergothérapie mais aussi des ateliers dédiés à la meilleure connaissance de la maladie - de ses causes et ses symptômes -, aux troubles vésicaux ou encore au traitement et à la manipulation des médicaments. Enfin un neuropsychologue anime un atelier autour des questions d’estime de soi, de gestion de la maladie et du moral. Que l’on soit sportif ou pas, on peut démarrer une activité de ce type-là à n’importe quel âge, mais avant 70 ans.

Pourquoi cinq semaines pour ce programme ?

Les programmes de rééducation sont généralement réalisés durant trois semaines pour avoir une réelle efficacité. Mais concernant le Parkinson, on a pu constater que la plasticité cérébrale n'est modifiée qu'à partir de quatre semaines de rééducation très intensive. C’est pour cette raison que la barre est fixée à cinq semaines. Il faut que ce soit intensif et très régulier, c’est-à-dire 30 à 40 minutes bien fatigantes trois à quatre fois par semaine. Sinon c’est juste de l’entretien sans aucune modification du fonctionnement cérébral. Nous cherchons à redonner aux patients un maximum d’autonomie avec une remise à niveau qui, au départ, peut s’avérer assez difficile. Même pour quelqu'un en parfaite santé, ce serait très difficile de faire ce stage.

A-t-il été constaté que le sport ralentissait l’évolution de la maladie ?

Pour l’instant, il est encore un peu tôt pour l’affirmer. On constate en tout cas, une nette amélioration des performances à la fin des cinq semaines, sans que l’on ait modifié le traitement. Les patients sont plus rapides avec une endurance physique plus importante. Ils parlent beaucoup mieux, ont une meilleure estime d’eux-mêmes et le bénéfice est généralement maintenu pendant un an. D’énormes modifications cérébrales sont constatées avant et après le stage, comme si le cerveau réapprenait à fonctionner vingt ans en arrière. On a l’impression que les mécanismes du vieillissement cérébral sont freinés, ce qui permet d'avoir de très sérieux espoirs sur l’efficacité de ce type d’activité. Un effet de plasticité cérébrale se met très vite en place à la sortie du stage.

Il existe bien un moment où le stade de la maladie fait que les patients ne peuvent plus avoir ce type d’activité !

Effectivement. Une fois que les troubles d’équilibre s’installent avec plusieurs chutes par semaine ou qu'il existe des troubles cognitifs, cela devient compliqué de courir ou de s’adonner à des activités trop contraignantes. C'est un véritable enjeu de démarrer une activité physique dès le début de la maladie. Nous donnons la consigne maintenant à tous nos patients quand ils se présentent pour la première fois. Peu importe l’activité, mais il faut vite s’y mettre et que chacun y trouve son plaisir pour pouvoir vraiment pratiquer à très long terme.

Certains, malheureusement, arrêtent à la fin du stage mais c’est quand même une minorité. Beaucoup constatent une nette amélioration de leur état, cela les stimule, d’autant plus que la famille voit aussi les progrès. Le fait que cela se déroule en groupe est important aussi. Un lien social se constitue et il dure : très souvent ils restent en contact les uns avec les autres et font des activités ensemble. Quant aux médecins éducateurs qui les ont pris en charge pendant le stage, ils les encouragent et essaient de trouver des associations, des salles de sport susceptibles de proposer des activités de ce type-là… Les associations de patients de France Parkinson proposent également de plus en plus des activités physiques en groupe pour les adhérents.

Pratiquer régulièrement une activité physique peut-il prévenir la maladie ?

Même si l’on n’a pas vraiment de données le prouvant, on a le sentiment que les gens sportifs entrent dans la maladie plus tardivement et que celle-ci évolue beaucoup plus lentement que chez des personnes qui ont toujours été sédentaires. Il existe probablement un effet. Peut-être que les sportifs ont une meilleure réserve de dopamine et physique que les autres et qu’ils sont plus aptes à combattre cette maladie…

Propos recueillis par Agnès Figueras-Lenattier

Source : Le Quotidien du médecin