L’eskétamine prévient la dépression du post-partum chez les femmes symptomatiques en prénatal

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Publié le 15/04/2024
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L'eskétamine à faible dose pourrait être envisagée chez les femmes présentant des symptômes dépressifs en fin de grossesse. Ce dérivé de la kétamine aurait en effet pour avantage de prévenir la dépression sévère du post-partum.

Crédit photo : Adil Benayache/SIPA

Une injection unique à faible dose d'eskétamine, administrée immédiatement après l'accouchement, réduit les épisodes dépressifs majeurs chez les femmes ayant présenté des symptômes dépressifs pendant la grossesse. C'est ce que révèle un essai clinique mené par des chercheurs chinois et américains.

La dépression est une pathologie fréquente pendant la grossesse, et si elle se poursuit dans la période du post-partum, elle peut avoir des conséquences néfastes pour les mères et les nourrissons. Produite à partir de la kétamine, l'eskétamine est un anesthésique utilisé dans certains pays pour traiter la dépression.

Dans un article publié dans le British Medical Journal, les chercheurs décrivent un essai clinique mené sur 361 futures mères (âgées en moyenne de 32 ans) inscrites dans cinq hôpitaux chinois de juin 2020 à août 2022, sans antécédents médicaux de dépression, mais qui présentaient des scores d'au moins 10 sur l’échelle de la dépression postnatale d'Édimbourg. Un tel score correspond à une légère dépression prénatale.

Ces femmes ont été aléatoirement réparties entre un groupe recevant une faible dose d'eskétamine par voie intraveineuse plus de 40 minutes après l'accouchement, et un groupe placebo. Les participantes ont ensuite été interrogées 18 à 30 heures après l'accouchement, puis de nouveau entre 7 et 42 jours plus tard. Aucune participante n'a pris d'antidépresseurs, ni reçu de psychothérapie pendant la période de suivi.

Un épisode dépressif évité toutes les cinq femmes traitées

Au terme du suivi, 12 des 180 mères (soit 6,7 %) ayant reçu de l'eskétamine ont connu un épisode dépressif majeur, contre 46 des 181 ayant reçu un placebo (25,4 %), soit une réduction du risque de trois quarts. Les mères ayant reçu de l'eskétamine présentaient des scores de dépression d'Édimbourg inférieurs à 7 à 42 jours, et le constat était identique pour le score de dépression de Hamilton à 42 jours.

Les chercheurs estiment qu'il suffit de traiter cinq mères identifiées comme étant à risque de dépression pour éviter un épisode dépressif majeur. Des événements indésirables tels que des étourdissements et une diplopie (vision double) étaient plus fréquents dans le groupe sous eskétamine (45 % contre 22 %), mais ces symptômes ont duré moins d’une journée et aucun traitement n’a été nécessaire.

Les chercheurs reconnaissent que l'exclusion des mères souffrant de troubles de l'humeur avant la grossesse peut avoir influencé la validité de leurs résultats, et que la courte période de suivi peut avoir conduit à une sous-déclaration des symptômes neuropsychiatriques et d'autres événements indésirables. De plus, la plupart des participants ne présentaient que de légers symptômes dépressifs prénatals. Il n’est donc pas clair si l’eskétamine est aussi efficace chez les personnes présentant des symptômes dépressifs plus graves.

Néanmoins, les auteurs insistent sur le fait que ces résultats sont cohérents avec des travaux antérieurs portant sur les effets de faibles doses de kétamine ou d'eskétamine dans la dépression post-partum, principalement chez les mères après un accouchement par césarienne. « Notre essai élargit les connaissances existantes en ciblant les femmes souffrant de dépression prénatale préexistante, concluent-ils. Une faible dose d’eskétamine devrait être envisagée chez les mères présentant des symptômes de dépression prénatale. »

En France, l'eskétamine sous forme injectable (Eskesia) ne dispose pas d’indication dans la prise en charge de la dépression. Il existe une solution nasale (Spravato) dans cette indication, mais elle s'est vue attribuer un service médial rendu (SMR) insuffisant en co-administration avec un antidépresseur oral chez les patients adultes présentant un épisode dépressif caractérisé modéré à sévère, et faible chez le patient adulte résistant à au moins deux antidépresseurs différents,


Source : lequotidiendumedecin.fr