Exercer dans un désert

Vacances de grèves pour MG creusois

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Publié le 11/09/2020
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Les généralistes de la maison de santé de Boussac ont déserté ensemble, le temps de leurs congés, leur poste médical. Objectif : marquer leur ras-le-bol face à une situation locale en déshérence.
Les médecins ont fermé leur salle d'attente pour mobiliser les pouvoirs publics

Les médecins ont fermé leur salle d'attente pour mobiliser les pouvoirs publics
Crédit photo : PHANIE

Entre le 10 et le 21 août, la structure médicale de Boussac avait toutes portes closes pour les patients de ce gros bourg creusois de 1 300 habitants : les cinq praticiens en poste et leur secrétariat avaient simplement décidé de prendre aux mêmes dates leurs congés d’été. Motif de cette grogne aux effets limités sur la santé des résidents : protester contre une désertification endémique sur l’ensemble du département.

Certains autochtones ont fait part de leur mécontentement, une main anonyme écrivant à l’entrée du bâtiment « Hippocrate, tu dois te retourner dans ta tombe ! ». D’autres se sont élevés contre le processus, craignant le manque de soins et l’absence de médecins en cas de problèmes de santé. Un risque limité par la mise en place d’une permanence assurée par des confrères de communes alentour et l’apport de la télémédecine. Le conseil de l’Ordre et autres institutions professionnelles ne se sont aucunement manifestés, tandis que la presse locale relatait quelques paroles de patients privés de consultations.

Sur fond d’une désertification médicale latente, qui risque bien d’être effective dans la décennie à venir, les praticiens creusois ont voulu tirer la sonnette d’alarme sur le problème connexe à celle-ci, celui des remplaçants. De fait, c’est ce dernier point qui a enclenché l’affaire.

« Nous n’avons pas pu en trouver un seul pour nos vacances, explique le Dr Philippe Dagard, 65 ans. Nous avons 6 000 patients à gérer, 400 appels quotidiens, notre moyenne d’âge est de 61 ans, et nous sommes à bout. Les vacances nous sont nécessaires. Nous avons donc décidé cette action symbolique pour attirer l’attention des pouvoirs publics. »

« Médecine libérale fichue »

De fait, le médecin creusois et ses confrères auront fait appel à tous les acteurs de la filière pour trouver des remplaçants potentiels. Aucun de ces derniers n’a souhaité assurer ce poste au fin fond d’une campagne isolée et à l’écart des grandes métropoles. Trois semaines après cet épisode, les intéressés enfoncent le clou :

« Je pense que la médecine libérale est fichue, assène le Dr Dagard, notamment dans certains territoires comme le nôtre. Les jeunes médecins préfèrent exercer ailleurs, car ici, il y a trop de travail. Mais il n’y a pas que les remplaçants qui brillent par leur absence, il y a aussi les stagiaires, et un manque d’organisation de la profession, avec ses paradoxes comme les généralistes retraités qui souhaiteraient faire des remplacements mais qui n’en trouvent pas. »

Le praticien de Boussac propose malgré sa grogne des solutions dont la mise en place d’une gestion des effectifs – une sorte de pool qui mettrait en relation les uns et les autres – ou le recrutement par les communes de médecins salariés. Il ajoute l’exonération de charges pour les retraités, l’emploi (en remplaçants) d’internes en dernières années d’études, l’obligation pour les stagiaires de répondre aux besoins des maisons de santé, etc..

« On pourrait résoudre le problème à peu de frais, souligne-t-il. Il suffirait d’être organisés, d’avoir une structure qui gère tout ce monde, stagiaires, retraités, salariés, de regarder ce qui se fait ailleurs, comme en Angleterre. On peut imaginer des plateformes numériques sur lesquelles les demandeurs en remplacements se feraient connaître, et seraient en relation avec les candidats au poste. C’est une affaire de bonne volonté et d’intelligence, avant qu’il ne soit trop tard pour nos territoires. »

 

 

De notre correspondant Jean-Pierre Gourvest

Source : Le Quotidien du médecin