L’Ordre des médecins a présenté mardi les chiffres 2012 de son Observatoire de la sécurité. Surprise. Ces dernières statistiques confirment pour la deuxième année consécutive la baisse du nombre de déclarations. Faut-il pour autant en conclure à une diminution de la violence à l’encontre des médecins ? Pas en médecine de ville, en tout cas.
Pour la deuxième année consécutive, le nombre des déclarations d’agressions adressées par les médecins à l’Ordre est en baisse (voir notre infographie). En 2012, en effet, 798 agressions ont été enregistrées par l’Observatoire pour la sécurité des médecins (ONSM), dont les derniers chiffres ont été présentés mardi. On en relevait 822 en 2011 et 920 en 2010. Faut-il en conclure que la violence à l’encontre des professionnels de santé est peu à peu en train de baisser ? Il est peut-être encore un peu tôt pour l’affirmer. Si, en effet, l’année dernière, la baisse avait été de l’ordre de 10 %, cette année elle est à peine de 3 %. Et il ne faut pas oublier que le nombre d’agressions enregistrées reste, en tout cas, supérieur de 20 % à la moyenne des dix dernières années (666).
Autre bonne nouvelle probablement à nuancer, même si la Seine-Saint-Denis reste le département le plus touché, une baisse significative des déclarations est enregistrée puisqu’elles sont passées de 67 à 46 l’an passé. Cependant cette baisse pourrait également être due à la désertification médicale des banlieues. « On comprend que les médecins aient déserté ces zones suburbaines où l’insécurité domine, d’autant plus que la profession se féminise ?», confirme le président du Conseil national de l’Ordre des médecins, Michel Legmann. À moins qu’il ne faille y voir déjà les effets positifs du protocole sur la sécurité mis en place par le Conseil de l’Ordre avec les syndicats et le ministère de l’Intérieur et déjà paraphé par 68 départements. La violence dans « les quartiers » qui représentent 26 % des déclarations a en tout cas diminué de deux points en un an et de neuf en quatre ans. Comme l’année dernière, on retrouve à la deuxième place du triste palmarès des départements enregistrant le plus d’agressions le Nord avec un nombre de déclarations à peu près stable (45 contre 44 en 2011). À la troisième place, Paris, avec 41 cas (contre 33 l’année dernière). Mais, au-delà des périphéries des grandes villes, la plupart des agressions ont lieu... en plein centre-ville ! C’est le cas de presque six agressions sur dix (58 %). Un chiffre en constante augmentation (14 % depuis 2008).
Plus d’agressions physiques, un peu moins d’insultes
La décrue ne concerne pas tous les endroits et pas non plus toutes les formes d’agressions (lire aussi notre dossier « Agressions, les bons réflexes pour éviter le pire »). Certes, pour la deuxième année consécutive, la proportion d’agressions à caractère verbal recule, en 2012, à 66 % (contre 70 en 2011). En revanche, les incidents les plus préoccupants comme les agressions physiques, les vols ou tentatives de vols et les actes de vandalisme restent stables, respectivement à 12 %, 23 % et 11 %.
Parmi les facteurs expliquant ces agressions, le reproche d’une mauvaise prise en charge arrive en première place (-1 point) avec 203 cas concernés et représente un quart des déclarations. Le vol concerne deux déclarations sur dix (21 %), mais le refus de prescription apparaît aussi parmi les motifs le plus souvent cités (17 %) avec un temps d’attente jugé excessif (7 %). D’ailleurs, dans la plupart des cas, l’agresseur est le patient (51 %) ou son accompagnateur (17 %).
De plus en plus de victimes en médecine de ville
Autre élément préoccupant à relever cette année : la baisse des déclarations ne bénéficie pas à tout le monde. Et en tout cas pas à la médecine de ville, de plus en plus touchée par le phénomène : 619 déclarations (contre 596 en 2011) ont été enregistrées dans ce cadre qui représente désormais 77 % des agressions, une proportion en hausse de quatre points par rapport à 2011 et la plus élevée des dix dernières années !
Triste confirmation, les généralistes restent les médecins les plus touchés par la violence comme l’ont rappelé de récentes agressions aux Mureaux ou à Villetaneuse. Ils représentent 56 % des médecins agressés en 2012 (pour 46 % du corps médical), une proportion en léger recul (-4 points par rapport à 2011). Parmi les spécialistes, le tiercé de tête est occupé par les ophtalmologues, les psychiatres et les dermatologues. L’Ordre des médecins met en exergue qu’une majorité (65 %) de médecins victimes d’agressions dispose d’un secrétariat médical. Alors qu’on croyait la présence d’une secrétaire à l’entrée du cabinet dissuasive... Pour sa part, la CSMF réclame un « plan d’urgence » incluant distributions de boîtiers électroniques, télésurveillance et dépôt de plainte facilité. Car le syndicat de Michel Chassang ne croit pas à la décrue.
De fait, alors que seuls 33 % des médecins victimes de violences recensées par l’Observatoire ont déposé plainte en 2012 et à peine 15 % une main courante, on peut, bien entendu, se demander combien ont gardé pour eux leur mésaventure. Michel Legmann, se dit persuadé que le nombre de déclarations « ne correspond pas à la réalité. Il y a une sous-évaluation ». En effet, selon le président du Conseil de l’Ordre, « il n’est pas dans l’esprit des médecins de se plaindre ». En plus, « beaucoup craignent des représailles » explique-t-il. À ce propos, l’Ordre rappelle que les conseils départementaux sont habilités porter
plainte en lieu et place du médecin. On peut néanmoins se féliciter que les femmes médecins aient été, en 2012, particulièrement nombreuses à dénoncer les agressions subies. Elles sont en effet à l’origine de 46 % des déclarations alors qu’elles ne représentent encore que 42 % du corps médical.