Le groupe pharmaceutique américain Eli Lilly a déclaré par communiqué daté du 3 mai que le donanemab, son nouveau traitement développé contre Alzheimer, avait permis de ralentir la progression de la maladie lors d'un essai clinique de phase 3 de grande ampleur. Une annonce qui ouvre la voie à une possible autorisation prochaine et redonne du souffle à l'hypothèse amyloïde. Le donanemab est un anticorps qui cible le N3pG, une forme de la protéine bêta-amyloide.
Ces résultats ont été accueillis avec enthousiasme par les experts, qui n'ont pas hésité à saluer l'entrée dans une « nouvelle ère » pour la prise en charge de la maladie d'Alzheimer, grâce à plusieurs percées récentes.
L'essai clinique baptisé Trailblazer-ALZ 2, randomisé contre placebo et en double aveugle, compte 1 200 participants de 60 à 85 ans n'ayant pas encore atteint un stade avancé de la maladie. Les patients traités par le donanemab ont présenté une réduction de 36 % du déclin cognitif, indique le laboratoire.
Le déclin de la capacité à accomplir des tâches du quotidien, comme conduire, converser, avoir des loisirs ou gérer ses finances, s'est révélé moindre de 40 % dans le groupe donanemab à 18 mois.
Eli Lilly a dit prévoir de déposer une demande d'autorisation auprès de l'Agence américaine des médicaments (FDA) dès ce trimestre, et dans le monde « aussi vite que possible ».
Le traitement peut toutefois entraîner des événements indésirables sévères, comme des œdèmes ou des hémorragies cérébrales. Trois participants à l'essai clinique sont décédés, sans que le communiqué ne précise le groupe d'appartenance.
« Quand les résultats complets seront publiés, nous pourrons commencer à évaluer attentivement les risques et les bénéfices, et cela aidera à décider si le donanemab doit être donné couramment aux patients », a commenté le Dr Charles Marshall de la Queen Mary University à Londres sur le site Science Media Centre.
Nouvelle génération de traitements
« Ces résultats confirment que nous entrons dans l'ère du traitement d'Alzheimer », s'est réjouie la Dr Catherine Mummery, neurologue au National Hospital for Neurology and Neurosurgery à Londres. Il sera désormais possible « d'espérer de manière réaliste pouvoir traiter et stabiliser une personne atteinte de la maladie d'Alzheimer, avec une gestion de long terme, plutôt que des soins palliatifs et de soutien », a-t-elle ajouté.
« Je pense que ce traitement a le potentiel d'améliorer significativement la vie des patients et de leurs familles », a abondé le Dr Marc Busche de l'University College London (UCL).
La recherche dans la lutte contre la maladie d'Alzheimer a stagné durant des décennies. Mais deux nouveaux traitements, développés par les entreprises pharmaceutiques japonaise Eisai et américaine Biogen, ont récemment été approuvés aux États-Unis : le lécanemab (Leqembi) en janvier 2023, et avant cela l'aducanumab (Aduhelm), en juin 2021. Tous ces nouveaux traitements ciblent les dépôts de protéine bêta-amyloïde. Même si la physiopathologie exacte de la maladie d'Alzheimer reste mal comprise, les plaques amyloïdes qui détruisent à terme les neurones restent une voie de recherche active.
Si l'autorisation de l'Aduhelm a été controversée, de nombreux experts critiquant le manque de preuves sur son efficacité, le lécanemab avait été le premier à démontrer clairement une réduction du déclin cognitif (de 27 %) dans le cadre d'un essai clinique.
Le donanemab d'Eli Lilly, s'il est « approuvé aux côtés du lécanemab », pourrait « offrir un choix de traitements aux patients », s'est félicitée Liz Coulthard, professeure à l'Université de Bristol.
Accès limité
L'accès à ces traitements, administrés par voie intraveineuse et très chers, suscite le débat aux États-Unis. Le système de couverture santé fédéral Medicare, destiné aux personnes de plus de 65 ans, avait annoncé ne les rembourser que s'ils étaient pris dans le cadre d'essais cliniques - limitant de facto grandement leur accès.
Cette condition a été posée parce que la FDA a autorisé l'Aduhelm et le Leqembi selon une procédure accélérée, qui requiert de collecter moins de données cliniques afin de permettre la mise sur le marché plus rapide d'un traitement contre une pathologie grave.
« Medicare continue à s'entêter à bloquer l'accès pour les personnes qui pourraient en bénéficier », a critiqué dans un communiqué Maria Carrillo, responsable scientifique au sein de l'Alzheimer Association, qui réclame une levée de ces restrictions.
Quant au laboratoire, il a indiqué vouloir déposer une demande pour une autorisation « traditionnelle » (et non accélérée), qui pourrait permettre une couverture plus large par Medicare.
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