Cannabis thérapeutique : après 6 mois d'expérimentation, 688 patients actuellement traités, selon l'ANSM

Par
Publié le 15/10/2021
Article réservé aux abonnés

Crédit photo : PHANIE

Depuis son lancement en mars 2021, 780 patients sont rentrés dans l'expérimentation nationale sur le cannabis médical coordonnée par l'Agence nationale du médicament et des produits de santé (ANSM) et 638 y sont toujours. Cette expérience, destinée à évaluer la faisabilité de la prescription et de la délivrance à large échelle du cannabis thérapeutique dans six indications, doit à terme concerner 3 000 patients maximum en simultané et durer 24 mois (les inclusions se termineront au bout de 18 mois). Une évaluation extérieure par des équipes de recherche de l'Inserm aura lieu en 2023.

L'indication la plus représentée est la prise en charge des douleurs neuropathiques réfractaires (281 patients), suivie de l'épilepsie pharmacorésistante (126 patients), les spasticités douloureuses de la sclérose en plaques (126 patients), les symptômes neuropathiques réfractaires (47 patients), les soins palliatifs (37 patients) et les spasticités douloureuses hors sclérose en plaques (21 patients). Les critères d'exclusion en situation palliative, liés aux interactions avec les médicaments anticancéreux, doivent être prochainement revus pour augmenter le recrutement.

Ce rythme d'inclusion satisfait le Dr Nicolas Authier, chef du service de pharmacologie médicale et du centre d’évaluation et de traitement de la douleur du CHU de Clermont-Ferrand. « Le nombre de 3 000 patients est assez empirique, ce n'est pas un objectif en soi, explique-t-il au « Quotidien ». De nombreux patients nous contactent mais, faute de plages de consultation et de capacité de suivi, il faut parfois attendre 2 à 3 mois pour que nous les recevions, à supposer qu'ils répondent aux critères d'inclusion. »

Selon la Dr Caroline Semaille, directrice générale adjointe en charge des opérations de l’ANSM, « il y a un afflux régulier de patients qui entrent dans l'expérimentation ». Quelque 93 nouveaux patients intègrent le dispositif chaque mois, soit au total 69 si on retranche les patients se retirant de l'expérimentation dans le même temps. On dénombre 638 patients ayant rapporté des effets secondaires, dont 129 ont dû quitter l'expérimentation. « En premier lieu, nous avons principalement des troubles du système nerveux comme des somnolences, des troubles de la mémoire, des céphalées, explique Nathalie Bernard, directrice adjointe des médicaments en antalgie à l'ANSM. En second lieu, nous avons des troubles psychiatriques : euphories, insomnie, baisse de la libido. Ensuite viennent les troubles gastro-intestinaux qui dépendent du ratio entre CBD et THC. »

Un parcours patient bien balisé

Les patients recrutés doivent, dans un premier temps, être identifiés par les structures de références volontaires. Une consultation destinée à préparer la primoprescription est menée par un spécialiste formé de la structure. Le but est de recueillir le consentement, vérifier les critères d'éligibilité et inscrire le patient dans le registre de suivi. Le médecin remet à la fin une ordonnance sécurisée de 28 jours maximum, suivant les règles établies pour les ordonnances de stupéfiants.

Le patient peut ensuite désigner un médecin généraliste ou un pharmacien chargé de renouveler la prescription et assurer le suivi de la délivrance. Outre les consultations de suivi par le médecin généraliste, le patient doit se rendre à une consultation longue dans le centre de référence primoprescripteur à la fin du 1er, 3e, 6e, 12e et 18e mois après son entrée dans l'expérimentation. « Le but est d'évaluer l'efficacité du traitement, ses effets secondaires et la pertinence de sa poursuite », précise Nathalie Richard.

Une forte dynamique de formation

« La dynamique de formation des professionnels de santé est un signe du succès de l'expérimentation », se réjouit Nathalie Richard. Un total de 1 154 médecins se sont inscrits dans l'expérimentation, dont 935 ont complété leur formation. Si les médecins des structures de référence sont les plus nombreux (407 formés), l'ANSM constate aussi un engouement chez les pharmaciens hospitaliers (269 formés) et les pharmaciens d'officine désignés par les patients ou recrutés lors d'un appel à candidature (159). En revanche, le nombre de médecins généralistes désignés par les patients reste, à ce jour, plutôt faible : seulement 36 d'entre eux se sont formés.

Pour le Dr Authier, le petit nombre de médecins libéraux formés à ce stade a plusieurs explications : « Les spécialistes des centres hospitaliers préfèrent attendre 2 ou 3 mois avant de "passer la main", afin de régler la posologie et de s'assurer que tout se passe bien. Nous sommes dans une phase de montée en charge, justifie-t-il. Par ailleurs, ce n'est pas forcément évident pour un médecin généraliste de se former pour un seul patient. Je m'attends à ce qu'il y ait un rééquilibrage en faveur des médecins traitants en 2022, et aussi quand le recours au cannabis médical sera généralisé une fois l'expérimentation terminée. À ce moment-là, il n'est pas certain qu'une formation soit toujours nécessaire », complète celui qui a dirigé les deux groupes d'experts à l'origine de l'expérimentation.

« Nous allons porter nos efforts sur la communication pour en recruter davantage », explique Caroline Semaille, qui évoque des présentations faites aux congrès de médecine générale de Bordeaux et de Nantes. « Un peu moins de 15 % des patients a désigné un médecin généraliste », poursuit-elle. Qui plus est, le système de formation a été réduit d'une heure et le registre patient a connu quelques évolutions à la demande des professionnels de santé, telle que la simplification du signalement des effets indésirables. Les quotas de patients par médecin ont par ailleurs été supprimés. En ce qui concerne les produits, des problèmes de qualité liés à leur manipulation ont dû être corrigés.

Rappelons que ces produits se présentent sous des formes orales (huiles) et nébulisables pour vaporisateurs. Différents ratios CBD/THC sont proposés pour chacune de ces formulations.

Pour plus d'information, l'ANSM a mis en place un site internet et une adresse mail dédiée : experimentation-cannabismedical@ansm.sante.fr


Source : lequotidiendumedecin.fr