Le fait d'avoir un sommeil de courte durée à la cinquantaine est associé à un risque accru de développer une démence plus tard dans la vie. C'est ce que montre une étude menée par des chercheurs de l’Inserm et de l’Université de Paris en collaboration avec l'University College London et parue dans « Nature Communications ».
« La plupart des études ont mesuré la durée du sommeil après 65 ans, ce qui peut correspondre à la phase préclinique de la démence. Il était donc difficile de savoir si les associations observées étaient le résultat de l'impact des changements physiopathologiques de la démence sur la durée du sommeil ou si au contraire la durée du sommeil peut être impliquée dans le développement de la démence », indique au « Quotidien » Séverine Sabia, première auteure de l'étude, rappelant que la démence est une maladie progressive, avec de nombreux processus physiopathologiques se mettant en place bien avant le diagnostic.
Un risque accru de 20 à 40 %
Dans cette nouvelle étude, 7 989 participants de la cohorte Whitehall II ont été inclus entre 1985 et 1988. Parmi eux, 521 ont développé une démence au cours d'un suivi moyen de 25 ans (âge moyen au diagnostic de 77,1 ans). Une première mesure de la durée du sommeil a été obtenue, par auto-évaluation, à l'âge de 50 ans, et a été suivie de cinq autres entre 1985 et 2015. « De ces six mesures, nous avons extrait des données pour des âges précis : à 50, 60 et 70 ans, explique la chercheuse. Cela nous permet d'enlever l'effet de l'âge sur le risque de démence ».
Une durée du sommeil inférieure ou égale à 6 heures par nuit à 50 ans et à 60 ans était respectivement associée à un risque accru de démence de 22 et 37 %, en comparaison à une durée de sommeil « normale » (7 heures). Le résultat de 24 % retrouvé à 70 ans n'était en revanche pas significatif.
L'étude montre aussi un surrisque lorsque le manque de sommeil se chronicise : un risque accru de 30 % de démence est ainsi retrouvé pour les personnes ayant rapporté une courte de durée de sommeil à 50, 60 et 70 ans, par rapport à celles qui avaient une quantité de sommeil suffisante aux mêmes âges. Et ce indépendamment des facteurs sociodémographiques, comportementaux, cardiométaboliques et de santé mentale.
Des besoins en sommeil à ne pas négliger
En 2012-2013, un sous-groupe de 3 888 patients - parmi lesquels, 111 ont développé une démence - a bénéficié d'un accéléromètre, afin d'obtenir une mesure plus précise de la durée du sommeil. Les résultats obtenus dans cette population étaient concordants avec ceux obtenus avec auto-évaluation. « L'accéléromètre mesure le mouvement du poignet au cours de la nuit, note Séverine Sabia. Nous avons couplé les données fournies par cet appareil avec celles fournies par le patient sur ses heures de coucher et de lever, ainsi qu'avec des informations sur la lumière et des données de polysomnographie, pour obtenir une mesure fiable ».
L'étude confirme ainsi l'importance d'une durée de sommeil suffisante pour la santé. « L'importance du sommeil est connue pour le système inflammatoire et l'athérosclérose notamment, et notre étude suggère que le sommeil est aussi important pour la santé cérébrale », avance la chercheuse. Elle recommande ainsi de ne pas négliger ses besoins en sommeil, en favorisant un environnement propice au sommeil (pratique d'une activité physique dans la journée, arrêt des écrans au moins une demi-heure avant le coucher…). Et alors que seuls 8 % des individus auraient de faible besoin physiologique en sommeil, rapporte Sévérine Sabia, une durée de sommeil inférieure ou égale à 6 heures était rapportée pour près de 40 % des participants à l'étude.
Dans la continuité de cette étude, Séverine Sabia travaille sur le lien entre rythme circadien et risque de démence.
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