Neurologie

Stimulation cérébrale profonde : comment mieux prédire la réponse dans le Parkinson

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Publié le 15/04/2022
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L'étude Predistim, promue par le CHU de Lille avec le soutien du réseau NS-Park, a pour objectif d'évaluer les facteurs prédictifs de réponse à la stimulation cérébrale profonde dans la maladie de Parkinson. Cette cohorte totalisant plus de 600 patients opérés en France montre pour la première fois que la personnalité influe sur la qualité de vie postopératoire.
Une cohorte de plus de 600 patients

Une cohorte de plus de 600 patients
Crédit photo : PHANIE

Comment mieux sélectionner les meilleurs candidats à la stimulation cérébrale profonde dans la maladie de Parkinson ? À l’occasion de la journée mondiale Parkinson du 11 avril, l’étude Predistim, promue par le CHU de Lille et portée par le Pr David Devos, avec le soutien du réseau NS-Park (1), commence à livrer ses premières réponses grâce au suivi de la plus grande cohorte mondiale du domaine, menée chez plus de 600 patients opérés en France et lancée en 2013.

La stimulation cérébrale profonde du noyau subthalamique se révèle très efficace pour améliorer la qualité de vie de certains patients lorsque leur réponse à la L-Dopa devient irrégulière dans la journée. Cette intervention n’est cependant pas indiquée chez tous les patients atteints de la maladie de Parkinson. « On sait empiriquement qu’il ne faut pas la proposer aux patients trop âgés, à ceux dont les performances cognitives ou de mémoire sont fragilisées ni à ceux souffrant de troubles de la marche avec chutes ne répondant pas à la L-Dopa, explique le Pr Olivier Rascol, neurologue au CHU de Toulouse et coordinateur du réseau NS-Park. Malgré ce premier filtre de sélection, certains patients vont présenter des résultats meilleurs que d’autres après l’intervention, sans qu’on sache en expliquer pleinement les raisons. Il est donc nécessaire d’affiner encore nos critères de sélection avant d’opérer les malades. »

17 des 25 centres experts impliqués

Dans la cohorte Predistim, les patients candidats à la chirurgie, inclus avant d’être opérés (pour recueillir des informations susceptibles de prédire leur réponse), sont suivis en postopératoire à 6 mois, 1 et 5 ans par 17 des 25 centres experts Parkinson du réseau NS-Park.

Des premières données jamais étudiées jusque-là ont été mises en évidence dans le volet Psycho-Stim II de Predistim, à l’initiative de la Dr Christine Brefel-Courbon de Toulouse (2), montrant une relation positive entre certains traits de personnalité des candidats à la chirurgie et l’amélioration de leur qualité de vie après celle-ci. « Le profil de personnalité influence donc les résultats de l’intervention, explique le Pr Rascol. Les patients ayant, avant celle-ci, un profil de personnalité témoignant d’une recherche de nouveauté et de coopération plus marquée ont présenté une meilleure amélioration de leur qualité de vie en postopératoire. Il pourrait donc être utile d’intégrer ce paramètre à la batterie de tests déjà réalisés en clinique pour affiner nos indications. »

Les auteurs de ce volet suggèrent aussi de proposer aux patients présentant un profil associé à un risque de moins bonne réponse « des programmes d’éducation spécifiques » pour mieux les préparer à la stimulation cérébrale profonde.
De nombreux paramètres évalués

Toujours dans le cadre de Predistim, une autre équipe, menée par la Dr Ana Marques de Clermont-Ferrand, a travaillé sur le syndrome des troubles moteurs en sommeil paradoxal, qui se caractérise par le fait que les sujets qui en sont affectés bougent et/ou parlent durant leurs rêves. « Ce syndrome est fréquent chez les parkinsoniens mais pas chez tous. Il constitue un facteur de risque connu de développer la maladie, explique le Pr Rascol. On s’interrogeait sur l’impact potentiellement négatif de la présence de ce syndrome sur la qualité de la réponse à la chirurgie. Les résultats de ce travail montrent que ce n’est pas le cas. » Il n’y a donc pas d’intérêt à intégrer ce paramètre dans le bilan de sélection des candidats à la chirurgie.

De nombreux autres paramètres sont en cours d’évaluation. « Environ 10 % des parkinsoniens sont porteurs d’une mutation liée à la maladie, décrit le coordinateur du réseau NS-Park. Dans certains cas, cela influence le cours évolutif de la maladie de Parkinson, et il est possible qu’il en soit de même pour le résultat postopératoire. Si cela se confirme, un test génétique pourrait s’avérer utile dans le cadre du bilan préopératoire. » L’imagerie fait aussi l’objet de différents travaux.

« Grâce aux progrès de l’intelligence artificielle, l’analyse globale de divers marqueurs cliniques, biologiques, génétiques, radiologiques et autres devrait permettre à l’avenir de déterminer le meilleur profil des candidats à cette intervention, de façon à mieux en personnaliser l’indication », poursuit le neurologue.

Et pour les patients qui ne seraient pas retenus pour la stimulation cérébrale profonde, d’autres solutions existent. « Il est possible, rappelle le Pr Rascol, d’avoir alors recours à d’autres dispositifs médicaux, comme l’infusion continue durant la journée de médicaments antiparkinsoniens à l’aide de pompes administrant par exemple la L-Dopa directement dans l’intestin grêle où elle est le mieux absorbée ou l’apomorphine par voie sous-cutanée. »

Une dynamique collective

La dynamique collective impulsée par le réseau NS-Park a clairement amplifié ces recherches au niveau français. « Les chercheurs échangent lors de réunions régulières. Les cliniciens se sont organisés pour travailler ensemble, partager leur expérience et leurs procédures. Ces collaborations au sein du réseau permettent de faire émerger les meilleures idées, d’obtenir plus facilement des financements, de mener mieux et plus vite des projets plus nombreux et de plus grande envergure, comme de mieux en interpréter et communiquer les résultats », précise le Pr Rascol.

L’objectif d’un réseau comme NS-Park est d’accélérer l’innovation diagnostique et thérapeutique pour le meilleur bénéfice des personnes atteintes de la maladie de Parkinson. « L’association France Parkinson a récemment soutenu un autre projet phare du réseau, la cohorte Precise-PD portée par le Pr Jean-Christophe Corvol (Paris), à hauteur de plusieurs millions d’euros. Dans ce cas, il s’agit de mieux caractériser le profil clinique, génétique et radiologique de sujets recrutés dans les 27 centres du réseau, alors que les patients ne sont encore qu’au début de leur maladie, rapporte le coordinateur du réseau. Cette approche permettra de mieux prédire le cours évolutif ultérieur de leur maladie et de mieux orienter les choix thérapeutiques, ici encore dans une logique de médecine personnalisée. »

(1) Réseau labellisé par l’infrastructure de recherche clinique nationale F-Crin en 2014
(2)  M. Boussac et al, Journal of Parkinson's Disease, 2022. DOI 10.3233/JPD-212883

Dr Irène Drogou

Source : Le Quotidien du médecin