Fausses-routes des sujets âgés

Après Heimlich, la manœuvre de la table

Publié le 21/06/2011
Article réservé aux abonnés
1308618934264413_IMG_63455_HR.jpg

1308618934264413_IMG_63455_HR.jpg
Crédit photo : S TOUBON

NI PLUS NI MOINS QU’UN ÉQUIVALENT de la manœuvre de Mofenson chez le nourrisson, la manœuvre de la table est une nouvelle option pour extraire un corps étranger lors d’une fausse route chez l’adulte. « Il existe deux pics de fréquence des fausses routes asphyxiques, explique au " Quotidien " le Pr Hubert Blain, gérontologue au CHU de Montpellier. Chez le jeune enfant et les sujets âgés. Dans la manœuvre de Mofenson, le nourrisson qui s’étouffe est allongé, tête en bas, sur la cuisse du secouriste, qui lui administre alors des tapes dans le dos. Chez le sujet âgé, un procédé similaire consiste à installer le patient en position ventrale sur une table, les bras et la tête pendants et à lui donner des tapes entre les deux omoplates. »

En deuxième intention.

Le Pr Blain et son équipe diffusent cette nouvelle option en la positionnant en deuxième intention après échec des manœuvres habituelles. « La manœuvre a été tentée pour la première fois de façon intuitive par une infirmière confrontée à une fausse route récalcitrante, relate le Pr Blain. L’expérience a été reproduite à 4 reprises chez des sujets inconscients, avec succès alors que les méthodes classiques avaient échoué. Il serait intéressant de confirmer ces résultats sur un plus grand nombre de patients. » La conduite à tenir en cas de fausses routes est en effet bien définie dans les recommandations américaines. Si le patient est conscient et capable de respirer et de parler, l’abstention est de mise. S’il est conscient mais a des difficultés à parler et à respirer, il est conseillé de tenter 5 tapes dans le dos avant de réaliser la manœuvre de Heimlich. S’il est inconscient, il faut appeler les secours et commencer la réanimation cardio-respiratoire.

« La manœuvre de Heimlich n’est pas si simple, souligne le gérontologue. Une formation s’impose pour pouvoir la réaliser correctement en situation d’urgence. Si la manœuvre est placardée sur les murs des restaurants de viande aux États-Unis, elle n’est quasiment jamais effectuée par les serveurs. Alors a fortiori chez les sujets âgés placés en institution. » Le secouriste se place derrière le patient, le poing droit sur l’appendice xyphoïde recouvert par le poing gauche. La manœuvre consiste alors à réaliser des pressions successives vers le haut afin d’extraire le corps étranger. « La méthode peut devenir très difficile voire impossible chez des sujets âgés peu autonomes et/ou peu coopérantes, fait remarquer le Pr Blain. Mal réalisée, elle sera inefficace. Sans compter qu’elle peut être traumatisante avec fractures de côtes et rupture de rate et d’organe creux ».

Installer sur un plan dur.

Pour l’équipe montpelliéraine, il n’est pas exclu que la technique soit même plus efficace que la manœuvre de Heimlich. La position allongée engendre des pressions intrathoraciques et intra-abdominales plus élevées que la position debout, ainsi qu’une meilleure capacité résiduelle fonctionnelle pulmonaire. Le fait que le corps soit bloqué contre un plan dur évite également que le sujet ne se déplace. De plus, la position tête pendante peut aider l’extraction du corps étranger par l’effet de la gravité. La manœuvre peut être facilement réalisée sans formation, la difficulté principale étant d’installer le patient sur une table. « Un plan dur tel qu’utilisé pour la réanimation cardio-respiratoire fait bien sûr tout autant l’affaire », fait remarquer le gériatre.

La manœuvre de la table s’est révélée efficace et non traumatisante, mais sur 4 cas seulement. « Il est nécessaire d’étoffer les preuves d’efficacité, poursuit le Pr Blain. Après notre publication, des infirmiers anglais nous ont contactés pour communiquer dans leur revue nationale. L’information va également être relayée dans les maisons de retraite par le biais de la Fédération française des médecins coordonnateurs. Nous espérons que les données ainsi colligées nous permettront de préciser les choses. » Le jeu peut en valoir la chandelle. Plusieurs milliers de décès par fausses routes sont dénombrés chaque année en France, dans un contexte catastrophique en raison de leur survenue brutale et inattendue. Un chiffre probablement sous-estimé, de nombreux arrêts cardiaques pourraient être en réalité des fausses routes passées inaperçues.

The American Journal of Medicine, 2010, 123, 1150e7-1150e9.

 Dr IRÈNE DROGOU

Source : Le Quotidien du Médecin: 8986