Des qualités gustatives et nutritionnelles

Au royaume des champignons

Publié le 20/10/2011
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Crédit photo : PHANIE

Ni végétaux, ni animaux, les champignons appartiennent au règne des Mycètes, dont l’une des particularités est leur caractère hétérotrophe vis-à-vis du carbone : ils ne possèdent pas de chlorophylle et ne sont pas capables de synthétiser des matières carbonées à partir du CO2 atmosphérique. Pour se développer, ils doivent donc prélever dans leur environnement des composés organiques, soit en décomposant de la matière morte, soit en exploitant la matière organique sur une autre matière vivante, soit en s’associant avec un végétal chlorophyllien.

Au-delà des qualités gustatives de certaines espèces, les champignons présentent un réel intérêt nutritionnel, qui les rapproche des légumes. Ils sont composés de 80 à 90 % d’eau, taux qui varie toutefois selon les espèces : 50 % pour la truffe noire, plus de 95 % pour les plus aqueux comme les coprins. De ce fait, ils sont d’un très faible apport calorique, en moyenne de 25 kcal/100 g, comparable à celui des légumes verts.

Ils ont une teneur intéressante en protéines, de 2 à 4 %, ce qui les qualifie, pour certains, de « viande végétale ». S’ils contiennent tous les acides aminés essentiels, certains, comme l’acide aspartique et l’acide glutamique, prédominent, tandis que les acides aminés soufrés, comme la méthionine, sont en très faible quantité.

Les champignons représentent en outre une bonne source de vitamines, notamment du groupe B (B2 ou riboflavine, B3 ou niacine et B5 ou acide pantothénique) et de vitamine D. Là encore, la teneur varie d’une espèce à une autre, la chanterelle étant par exemple l’un des champignons les plus riches en vitamines B et D.

Ils sont également riches en caroténoïdes et en sels minéraux, comme le sélénium, le cuivre ou le zinc.

Des propriétés immunostimulantes.

Comme de nombreux aliments, les champignons contiennent des composés susceptibles d’avoir des propriétés intéressantes en médecine. C’est notamment le cas de substances antibactériennes et antifongiques, dont les effets, sous forme d’extraits, ont été étudiés in vitro, par exemple dans la prévention des caries dentaires.

D’autre part, certains champignons, notamment le shiitaké ou champignon noir, le maitaké et le reishi, auraient des propriétés immunostimulantes, liées aux bêta-glucanes présents dans les parois cellulaires. Ces sucres stimulent l’action des macrophages et leur sécrétion de TNF (tumor necrosis factor). Des extraits de différents bêta-glucanes sont utilisés dans des pays comme le Japon ou la Chine pour leur action antitumorale potentielle : le lentinane, sucre complexe issu du shiitaké, dans les cancers digestifs, la krestine ou PSK, extraite du coriolus versicolor, dans les cancers digestifs, bronchiques et mammaires et enfin le schizophyllan, issu du schizophyllum, dans le cancer de l’utérus.

Selon des études expérimentales, le lentinane aurait ainsi une certaine activité anti-tumorale, en particulier dans le cancer du côlon. Il est d’ailleurs utilisé dans certains pays comme traitement adjuvant dans ce contexte. Les études ont porté sur ce composé, mais peu de travaux ont analysé l’impact de la consommation du champignon entier sur le risque de cancer. Par exemple, une étude épidémiologique menée en 2003 au Japon (1) n’avait pas permis de mettre en évidence un effet protecteur vis-à-vis des cancers gastro-intestinaux.

Le maitaké a également fait l’objet d’un assez grand nombre d’études, mais les preuves scientifiques font défaut pour corroborer les croyances populaires attribuant des vertus thérapeutiques anti-cancéreuses à ce champignon. C’est ce que soulignait une revue de la littérature publiée en 2009 (2). Une étude de phase I/II publiée la même année (3) a confirmé de son côté les effets immunologiques d’un extrait de maitaké chez des patientes souffrant d’un cancer du sein : des effets parfois stimulants, mais parfois aussi dépresseurs, ce qui a conduit les auteurs de ce travail à rappeler que les composés d’origine botanique ont des effets sans doute beaucoup plus complexes qu’imaginé.

Peu d’impact de la concentration en radionucléides.

Les champignons présentent par ailleurs la particularité de concentrer, sur un sol contaminé, les radionucléides. En France, selon le Commissariat à l’énergie atomique, la valeur moyenne des mesures de césium 137 des champignons contaminés après Tchernobyl est d’environ 200 Bq/kg de produit frais. Les mesures effectuées par L’Office de protection contre les rayonnements ionisants (OPRI) ces dernières années montrent que les niveaux varient de quelques Bq/kg à plus de 1 000 Bq/kg, alors que les valeurs se situaient auparavant autour de 10 à 50 Bq/kg. Les teneurs ont donc augmenté, mais il faudrait consommer plus de 380 kg de champignons par an pour atteindre la limite réglementaire de 1 mSv, qui est elle-même bien en deçà des doses exposant à un risque avéré.

Les champignons concentrent également les métaux lourds, tels que le plomb, le mercure, le cadmium ou l’arsenic. C’est pour cette raison qu’il est recommandé de ne pas les cueillir près des zones à risque.

(1) Hara M et coll. Cruciferous vegetables, mushrooms, and gastrointestinal cancer risks in a multicenter, hospital-based case-control study in Japan. Nutr Cancer 2003;46(2):138-47.

(2) Ulbricht C et al. Maitake mushroom (Grifola frondosa): systematic review by the natural standard research collaboration. J Soc integr oncol 2009;7(2):66-72.

(3) Deng G et al. A phase I/II trial of a polysaccharide extract from Grifola frondosa (Maitake mushroom) in breast cancer patients: immunological effects. J cancer Research Clin Oncol 2009 Sep;135(9):1215-21.

Dr Isabelle Hoppenot

Source : Nutrition