Régime enrichi en produits laitiers

Pour une meilleure gestion du poids

Publié le 15/06/2011
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LES PRODUITS laitiers semblent jouer un rôle dans la gestion du surpoids et dans l’apparition du syndrome métabolique. Si les constations épidémiologiques sont évocatrices, il a fallu attendre le résultat des études d’intervention pour convaincre les nutritionnistes. Ainsi, chez des sujets obèses, l’adjonction de 1 000 mg de calcium par jour sous forme de lait partiellement écrémé ou écrémé, ou encore de yaourt, augmente d’un facteur quatre à cinq la perte de poids obtenue dans le cadre d’un programme hygiéno-diététique visant l’amaigrissement. C’est ce qu’a montré une étude randomisée (1) versus placebo (jus de riz) portant sur vingt-cinq femmes obèses suivies pendant six mois. Plus intéressant encore, cette perte de poids supérieure dans le groupe produits laitiers ne s’est pas faite au détriment de la satiété : si la sensation de faim augmentait dans les deux groupes suivant de ce régime, les femmes sous produits laitiers avaient deux à trois fois plus faim, tandis que les femmes du groupe contrôle avaient cinq fois plus faim (p ‹ 0,05).

Le même type de résultat est observé avec une supplémentation en calcium et vitamine D, chez des individus obèses (2), « en particulier chez les petits et très petits consommateurs de calcium, ce qui est fréquent chez les sujets obèses. Retirer les produits laitiers, et notamment les fromages, de l’alimentation, pour en faire baisser l’apport calorique global est plus qu’une idée reçue : c’est un vieux réflexe », s’insurge le Pr Angelo Tremblay, de l’université de Laval (Canada). Ce chercheur a participé aux dernières analyses (3) de l’étude des familles du Québec, qui avait été initiée en 1978 pour étudier le rôle de la génétique dans l’apparition de l’obésité, des maladies cardiovasculaires et du diabète de type 2, mais qui s’est élargie à d’autres facteurs par la suite.

Des facteurs de risque non alimentaires.

Ce dernier travail épidémiologique porte sur 223 familles qui ont été analysées sur une période moyenne de six ans. « Sept facteurs de risque de surpoids ont été mis en évidence. Nous avons été étonnés de constater que les plus importants d’entre eux étaient non alimentaires ! Il s’agit du manque de sommeil, du comportement alimentaire désinhibé et d’un faible apport calcique, la présence de chacun d’entre eux multipliant par trois à quatre le risque de prendre du poids. » Les autres facteurs étaient une alimentation riche en lipides, la consommation d’alcool, l’absence d’activité sportive et des habitudes de restriction alimentaire.

En France, d’autres études épidémiologiques indiquent pour leur part que la consommation de produits laitiers – 3 par jour, comparé à 1 à 1,5 selon les études – est associée à une diminution de l’incidence du syndrome métabolique de l’ordre de 30 %. Ainsi l’étude Monica, portant sur 912 hommes âgés de 45 à 64 ans habitant dans les régions de Toulouse, Lille et Strasbourg, montre que la consommation de poisson, de céréales, pain et légumineuses et de produits laitiers est associée à une diminution du risque d’apparition de syndrome métabolique de 30 à 50 %. Cette diminution atteint 80 % pour les gros consommateurs de ces trois catégories d’aliments.

Dans le cadre de l’étude de cohorte DESIR (Données Épidémiologiques sur le Syndrome d’Insulino-Résistance), qui portait sur 3 435 individus issus de la population générale, une nouvelle analyse (4) au bout de 9 ans vient de montrer une association inverse entre la consommation de produits laitiers, hors fromage, et l’incidence de syndrome métabolique et de diabète de type 2, après ajustement sur les facteurs confondants (sexe, âge, consommation d’alcool, tabagisme, activité physique, consommation de graisses, puis également IMC). Le même résultat était observé en prenant comme critère la densité calcique de l’alimentation. Quant au fromage, il était associé au syndrome métabolique mais, de manière surprenante, les gros consommateurs avaient aussi une circonférence abdominale plus faible et un niveau de triglycérides plus bas. En revanche, ces trois paramètres étaient corrélés à une pression artérielle diastolique et un gain d’IMC plus faibles.

Calcium et métabolisme des adipocytes.

Quels sont les éléments de physiopathologie avancés pour expliquer ces résultats ? Si la question n’est pas encore tranchée, diverses études fondamentales proposent des pistes : le calcium pourrait moduler le métabolisme des adipocytes, en favorisant l’utilisation des lipides plutôt que leur stockage. Ainsi, une étude menée par le Pr Tremblay (5) sur 43 femmes se présentant en chirurgie gynécologique relève une corrélation entre une plus petite taille adipocytaire et ces différents paramètres : concentration sérique élevée de 25(OH)D, forte consommation alimentaire de vitamine D et de calcium. D’autres travaux suggèrent que le calcium contribue à la régulation de l’appétit, comme observé dans les suivis cliniques des programmes de perte de poids chez les obèses (1, 2). Enfin, la piste digestive est aussi avancée : le calcium non absorbé par l’épithélium intestinal se fixe, dans la lumière digestive, aux graisses et pourrait ainsi favoriser leur élimination dans les selles.

Après le régime Dash (Dietary Approach to Stop Hypertension), qui a montré qu’une alimentation incluant trois portions de produits laitiers allégés et cinq portions de fruits et légumes par jour induit une baisse de pression artérielle deux fois plus importante qu’un régime de fruits et légumes seuls, ces études dans le champ du surpoids et du syndrome métabolique indiquent aussi l’importance de la présence de produits laitiers en particulier allégés dans le régime alimentaire. Des conclusions qui rejoignent aussi celles des nutritionnistes de l’ostéoporose, ce qui ne peut que simplifier les recommandations nutritionnelles faites au patient.

D’après une conférence de presse organisée par le Cerin à l’issue du symposium « Les micronutriments du laits et des produits laitiers : actualités scientifiques et bénéfices santé », le 12 mai 2001 au Muséum d’histoire naturelle, Paris.

(1) Gilbert JA et al. Br J Nutr 2011. (105) :133-43.

(2) Major GC et al. Br J Nutr. 2009 Mar;101(5):659-63.

(3) Chaput et al. Obesity 2009. (17):1964-70.

(4) Fumeron F et al. Diabetes Care. 2011 Apr;34(4):813-7.

(5) Caron-Jobin M et al. Obesity (Silver Spring). 2011 Apr 28 (epub).

Dr CHARLOTTE POMMIER

Source : Le Quotidien du Médecin: 8982