Pour un dépistage précoce chez l’enfant

La délégation des tâches s’impose

Publié le 28/01/2016
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Les troubles visuels de l’enfant sont fréquents: 20 % chez les moins de 6 ans. La prévalence des facteurs amblyogènes et l’identification d’une amblyopie, quand elle est encore réversible (avant l’âge de 6 ans), témoignent de l’importance de la détection des signes d’appel. « Devant une anomalie visuelle découverte avant l’âge de 6 ans, on peut généralement mettre en route un traitement et une rééducation, insiste la Pr Dominique Bremond-Gignac (Necker, Paris). On parle beaucoup des troubles visuels de la personne âgée et notamment du dépistage de la DMLA, mais les enfants sont un peu oubliés ! ».

Le médecin généraliste et le pédiatre peuvent être alertés par de petits signes : un enfant qui cligne ou se frotte les yeux fréquemment, qui présente un œil rouge ou un peu gros, qui se rapproche trop près des objets. Une tache blanche dans l’œil est une urgence qui fait évoquer une cataracte ou une pathologie plus sévère. Des tests simples existent, ils sont réalisables facilement au cours de l’examen. Ainsi, le cover-test qui consiste à masquer alternativement chacun des deux yeux : en cas d’amblyopie, l’enfant cherche à se dégager quand on recouvre l’œil sain et ne manifeste aucune réaction quand l’œil amblyope est recouvert. Des reflets cornéens bien centrés éliminent en principe un strabisme. L’oculomotricité est évaluée en faisant regarder l’enfant dans toutes les directions pour observer la coordination des mouvements. La recherche des reflets rétiniens rouges à l’éclairage direct ou au flash témoignent de la transparence des milieux.

Les anomalies de la réfraction sont avant tout l’hypermétropie ou la myopie. En deuxième position vient l’amblyopie, talonnée par le strabisme (convergent ou divergent). Loin derrière, se situent les cataractes congénitales, les glaucomes congénitaux, les rétinoblastomes mais ces maladies sont rares. « C’est plus compliqué de dépister une hypermétropie, un strabisme ou un astigmatisme, souligne la Pr Bremond-Gignac, car le jeune enfant ne se plaint pas. Les petits signes décrits ci-dessus peuvent cependant alerter. L’enfant plus grand peut signaler des maux de tête, manifester une certaine instabilité, être gêné à la lecture. Dans ces derniers cas, les parents viennent consulter spontanément ».

Un bilan orthoptique peut être combiné à l’examen ophtalmologique ; il recherche une insuffisance de convergence, une fatigue visuelle. Enfin chez l’ophtalmologue, il faut rechercher les réflexes photomoteurs, examiner le milieu antérieur de l’œil avec une lampe à fente, réaliser un fond d’œil.

En cas de strabisme divergent, il est impératif de consulter rapidement le spécialiste, d’autant qu’il est apparu rapidement car il peut s’agir (rarement) d’une pathologie sévère (tumeur cérébrale, pathologie neurologique…).

« Malheureusement, conclut le Pr Bremond-Gignac, les troubles visuels sont insuffisamment dépistés, les médecins généralistes ne sont pas assez formés. Or ils sont, avec les pédiatres, en première ligne. Les ophtalmologistes ne sont pas faciles d’accès d’où la nécessité de développer la filière d’orthoptie. Il faut que la spécialité bénéficie d’une délégation des tâches, comme le rapport Voynet de juillet 2015 le préconise, et que l’orthoptiste soit le premier recours dans le dépistage. Lequel doit passer également par une meilleure information des médecins généralistes et des pédiatres. N’oublions pas que la qualité visuelle de l’enfant est la garante de celle de l’adulte ».

Entretien avec la Pr Dominique Bremond-Gignac, cheffe du service d’ophtalmologie, hôpital Necker Enfants-malades, directrice du département d’orthoptie, université Paris-V René Descartes
Dr Brigitte Martin

Source : Bilan spécialiste