Une obstruction nasale avec anosmie

Polypose naso-sinusienne de l’adulte

Publié le 21/01/2009
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Multifocale et bilatérale

La polypose nasosinusienne (PNS) de l’adulte est un syndrome anatomoclinique caractérisé par une inflammation chronique et la dégénérescence œdémateuse multifocale et bilatérale de la muqueuse sous forme de polypes visibles dans les fosses nasales. Si l’origine allergique a été longtemps évoquée, l’hypothèse immunoallergique est aujourd’hui retenue. La PNS s’intègre dans le cadre d’une maladie inflammatoire chronique à éosinophiles touchant l’ensemble de la muqueuse respiratoire. Elle s’associe parfois à un asthme, une intolérance à l’aspirine, constituant alors la maladie de Widal. Son diagnostic est clinique, étayé par l’examen tomodensitométrique des sinus. Son traitement repose en premier lieu sur la corticothérapie orale et nasale et sur l’éducation du patient. La chirurgie est indiquée dans les insuffisances du traitement médical correctement conduit.

Evocation du diagnostic

Quand faut-il évoquer le diagnostic d’une PNS ?

L’interrogatoire du patient est un élément clef du diagnostic de PNS.

La symptomatologie nasale, son évolution et sa sensibilité aux différents traitements, les antécédents personnels et familiaux, les troubles des voies respiratoires basses, les intolérances et allergies éventuelles doivent être recherchés.

Les signes fonctionnels n’ont aucune spécificité, mais sont importants à rechercher pour suivre l’évolution de la maladie. Le patient, entre 30 et 50 ans, consulte généralement pour deux symptômes majeurs volontiers anciens, récurrents ? :

- l’obstruction nasale, volontiers négligée par le patient, habituellement bilatérale, parfois asymétrique ;

- les troubles de l’odorat, allant de l’hyposmie à l’anosmie.

Plus rarement, le patient consulte pour une « pesanteur faciale », des céphalées, des éternuements, ou pour une rhinorrhée le plus souvent postérieure, rapportée fréquemment comme un « écoulement dans la gorge  ».

La maladie a souvent commencé insidieusement, et il n’est pas rare de retrouver, dans l’enfance, des épisodes de « rhumes à répétition ». Les symptômes se manifestent de plus en plus fréquemment avec des poussées répétées leur conférant un caractère invalidant.

Il convient de toujours rechercher, un asthme, une intolérance à l'aspirine, une allergie.

Il faut étudier les antécédents familiaux : si les facteurs génétiques ont été curieusement peu étudiés, une étude multicentrique montre cependant que 60 % des sujets affectés ont un parent ou plus atteint de polypose, 43 % ont un parent ou plus atteint d’asthme, 12 % d’idiosyncrasie.

Nasofibroscopie

Le diagnostic est clinique réalisé par la nasofibroscopie, examen clef du diagnostic.

L’examen est indolore, réalisé en consultation par un ORL, éventuellement conduit après une anesthésie locale à la xylocaïne naphazolinée. La nasofibroscopie permet d'analyser l'architecture des fosses nasales et d'affirmer le diagnostic en révélant la présence de polypes dans les deux fosses nasales (aspect de « grappes de raisin blanc »).

Elle recherche une éventuelle surinfection associée. Répétée après les traitements médicaux, elle guidera la prise en charge thérapeutique.

Formes cliniques de la PNS

La PNS peut être associée à un asthme et à une intolérance à l’aspirine, réalisant ainsi le tableau de la maladie de Widal. Vingt-cinq pour cent des PNS sont associées à un asthme. Le traitement (médical ou chirurgical) de la PNS diminue la fréquence des crises d’asthme. La maladie de Widal (10 % des PNS) est plus difficile à traiter, une éviction totale et définitive des anti-inflammatoires non-stéroïdiens est d'usage. Il convient de rechercher systématiquement une intolérance à l’aspirine chez tout patient asthmatique. Certaines polyposes entraînent une déformation de la pyramide nasale, réalisant le syndrome de Woakes.

Il faut distinguer la polypose de l’adulte (la plus fréquente), débutant vers la quarantaine, typiquement maladie inflammatoire à éosinophiles, de la polypose de l’enfant, entrant dans le cadre des maladies du mucus ou des dyskinésies ciliaires ; il faut alors rechercher une mucoviscidose (test de la sueur).

Explorations

Quelles explorations complémentaires ?

Les radiographies de sinus sont insuffisantes pour le diagnostic des PNS : elles évaluent mal les atteintes ethmoïdales, sphénoïdales, les atteintes de la muqueuse.

La tomodensitométrie ou TDM des sinus est l’imagerie de référence dans les atteintes sinusiennes chroniques (Fig. 1). Elle permet d’effectuer un bilan d’extension précis, évoque des diagnostics différentiels devant une PNS atypique, et dépiste d’éventuelles particularités anatomiques des sinus qui représentent des facteurs de risque chirurgicaux.

La consultation de pneumologie à la recherche d’une hyperréactivité bronchique clinique ou infraclinique doit être systématique chez tout patient porteur d’une PNS. La prévalence de l’asthme dans la PNS est estimée à 50 %. La présence d’une PNS influence l’évolution de l’asthme : le traitement de la PNS améliore dans 90 % des cas celle de l’asthme associé. Tout patient asthmatique présentant un dysfonctionnement nasal doit être exploré à la recherche d’une PNS.

Prise en charge

Quelle prise en charge pour le patient porteur d’une PNS ?

La clarté des explications données au patient concernant la physiopathologie de cette affection, les différentes options thérapeutiques, conditionnent une bonne observance thérapeutique, et limite la fréquence des surinfections et des récidives. L’arrêt du tabac est impératif.

Les soins locaux doivent être quotidiens (si l’obstruction nasale n’est pas complète !). Les lavages de nez à l’eau salée hypertonique (1 litre d’eau avec 2 cuillerées à café de GROS sel de cuisine et 1 cuillère à café bombée de bicarbonate de soude) sont plus efficaces (et beaucoup moins chers !) que les sérums physiologiques « pré-conditionnés » du commerce. Le rhinolaveur offre une aide plus efficace pour les lavages de nez que la « classique » seringue de 20 cc.

Le traitement médical de la PNS est dominé par la corticothérapie. Il faut tenter de parvenir au meilleur compromis entre l’efficacité thérapeutique maximale et les effets secondaires minimaux. La corticothérapie injectable retard n’est plus d’actualité (risques de la corticothérapie au long cours). La corticothérapie locale par voie intranasale est une modalité d’administration de choix dans l’obstruction nasale. Efficace en quelques jours, elle peut être prescrite en première intention dans la PNS à condition que les fosses nasales soient perméables.

La corticothérapie par voie orale en cure courte, en association avec un antibiotique adapté, est la plus utilisée, à condition de ne pas dépasser quatre cures annuelles. Elle permet une amélioration rapide de la symptomatologie aboutissant à une « polypectomie médicale », véritable soulagement pour le patient ; il faut souligner les risques d’automédication par la corticothérapie orale dès l’apparition d’une obstruction nasale, risques qui doivent être expliqués au patient ; par ailleurs, on note souvent une interruption de tout traitement chez le patient efficacement « corticothérapie », imposant une éducation du patient sur la chronicité de sa pathologie.

La chirurgie trouve ses indications dans les insuffisances et les contre-indications du traitement médical (ulcère, corticorésistance, corticodépendance). Elle permet de lever l’obstruction nasale, et de diminuer le nombre des infections, parfois de retrouver l’odorat. Le patient doit être informé que la chirurgie ne guérit pas la maladie, et ne dispense en aucun cas du traitement corticoïde local : en effet, en retirant les polypes, la chirurgie permet au traitement local d’être plus efficace, en évitant la repousse polypeuse. La chirurgie ne doit donc jamais être présentée au patient comme une solution radicale et définitive à sa maladie.

Dr MARIE ROUDAIRE Service d’ORL, hôpital Robert-Debré, Paris
ORL

Source : lequotidiendumedecin.fr