Pour la première fois, l'Agence américaine du médicament (FDA) va devoir statuer sur l'autorisation d'un essai clinique portant sur un utérus artificiel, qui serait le premier du genre, par des médecins de l'hôpital pédiatrique de Philadelphie.
Ces 19 et 20 septembre, le comité d'experts indépendants en pédiatrie de l'agence a mené une série de consultations pour préparer leurs recommandations qu'ils remettront prochainement à l'institution. L'éventail des questions est large, allant de l'aspect purement médical, aux questions éthiques en passant par l'interprétation des réglementations actuelles.
Un outil pour les grands prématurés
Il a été rappelé à plusieurs reprises que l'utérus artificiel, un dispositif ex vivo, en question ne peut et ne doit pas servir à abriter le développement d'un fœtus de la conception à l'accouchement, mais à accompagner le développement des grands prématurés (moins de 28 semaines).
S'il est autorisé, l'essai clinique comparera le recours à un utérus artificiel à la stratégie actuellement employée : la mise en couveuse avec assistance respiratoire mécanique et nutrition parentérale. Avec un utérus artificiel, l'idée est de plonger le nouveau-né dans une poche stérile remplie d'un liquide amniotique de synthèse.
L'oxygénation et la nutrition du nouveau-né sont assurées via le cordon ombilical. L'enfant n'a donc pas à solliciter ses poumons ni son système digestif qui peuvent continuer leur développement, ces deux organes étant parmi les derniers à arriver à maturité lors de la vie fœtale. L'utérus artificiel doit également prémunir l'enfant prématuré des risques infectieux.
Des risques difficiles à appréhender
Si les bénéfices attendus ont été observés sur un modèle animal d'agneau et de cochon d’Inde, les risques liés à la procédure sont encore mal connus, rapporte la Dr Elizabeth Durmowicz, spécialisée dans les traitements pédiatriques à la FDA. « La réglementation exige que toute expérimentation clinique chez des enfants ne les expose qu'à un risque très faible, explique-t-elle. Si le risque est important, il faut qu'il soit contrebalancé par un bénéfice très substantiel ». Or, les différences anatomiques importantes entre l'agneau et l'humain rendent difficilement exploitables les données de sécurité obtenues chez l'animal.
La principale preuve de concept a été apportée dans l'étude Extend publiée en 2017 dans « Nature Communications ». Les chercheurs avaient alors testé leur dispositif pendant 28 jours sur un agneau qui avait pu arriver à terme presque sans recours à l'héparine (le risque thromboembolique est une des préoccupations des chercheurs).
L'apport en nutriments, hormones et oxygène par le cordon ombilical était suffisamment important pour que les expérimentateurs n'aient pas à poser de voie d'abord supplémentaire.
Depuis 2017, « nous avons désormais élevé plus de 300 agneaux dans l'utérus artificiel », a affirmé au comité le Dr Alan Flake, spécialiste en chirurgie fœtale et co-inventeur du dispositif. « Nous n'avons observé aucun événement aigu et irréversible qui menace la survie », a-t-il ajouté, précisant qu'en cas doute, il reste la possibilité de placer le fœtus dans une couveuse standard.
Une course mondiale
Les chercheurs de Philadelphie ne sont pas les seuls à mettre au point un utérus artificiel. Une équipe du Michigan travaille sur un prototype de placenta artificiel, tandis que les chercheurs de l'université japonaise de Tohoku et de l'université de l'Australie de l'Ouest ont également testé leurs propres modèles d'utérus artificiel chez l'animal. Des scientifiques de l'Université de Toronto ont eux utilisé des fœtus de porc pour expérimenter un placenta artificiel, lors d'un essai marqué par des problèmes circulatoires et cardiaques.
Le comité de la FDA a convenu qu'avant qu'une telle technologie puisse être utilisée chez l'homme, les scientifiques devraient déterminer le modèle animal le plus approprié pour tester l'utérus artificiel.
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