Quatre enfants infectés par le VIH ont eu une charge virale indétectable pendant plus d’un an après avoir arrêté leur traitement, selon des données dévoilées par des chercheurs des Instituts nationaux de la santé américains (NIH) ce 6 mars lors de la conférence 2024 sur les rétrovirus et les infections opportunistes (CROI) à Denver.
Les chercheurs ont présenté les données de six enfants, tous âgés de 5 ans, dont quatre ont connu une rémission d’au moins 48 semaines. L’un d’entre eux a vu sa charge virale redevenir détectable au bout de 80 semaines. Les trois autres sont toujours en rémission à ce jour, depuis respectivement 48, 52 et 64 semaines. Les trois enfants avec rebond du VIH ont présenté un syndrome rétroviral aigu léger accompagné de symptômes comprenant des maux de tête, de la fièvre, des éruptions cutanées, des adénopathies lymphatiques, une amygdalite, de la diarrhée, des nausées et/ou des vomissements. Un des enfants avait un nombre très faible de globules blancs. Ces complications se sont résolues peu de temps après la reprise du traitement antirétroviral.
Ces enfants avaient tous contracté le VIH lors de la grossesse, et ont été inscrits dans un essai clinique avec traitement antirétroviral dans les 48 heures suivant la naissance. Les médicaments et le protocole thérapeutique employés correspondent au traitement standard de première intention.
Héritier du « Mississippi baby »
Ce résultat est un « signal prometteur », a estimé la directrice de l’Institut national des maladies infectieuses et d’allergologie (NIAD), la Dr Jeanne Marrazzo. Les traitements antirétroviraux sont déjà utilisés pendant la grossesse de femmes vivant avec le VIH pour prévenir le risque de transmission de la mère à l’enfant. Ils sont également prescrits dès la naissance de l’enfant en cas de transmission confirmée. En 2013, un premier cas rémission avait été décrit chez un nourrisson né avec le VIH dans le Mississippi qui avait commencé un traitement 30 heures après l’accouchement, puis l’avait arrêté à l'âge de 18 mois. L’enfant était resté en rémission, sans signe de VIH détectable, pendant 27 mois.
D’où l’idée de cette étude menée sur des nouveau-nés avec le VIH mis sous traitement très précocement dans plusieurs pays (Brésil, Haïti, Kenya, Malawi, Tanzanie, Thaïlande, Ouganda, États-Unis, Zambie, Zimbabwe). Ces travaux ont ainsi permis d’identifier un petit sous-groupe d'enfants capables d’atteindre une suppression durable du VIH. Pour avoir le droit de stopper leur traitement, les enfants devaient satisfaire un certain nombre de critères : une absence durable de réplication du VIH après 48 semaines de traitement antirétroviral, aucun anticorps détectable au moment de l'interruption et un nombre de lymphocytes T CD4+ similaire à celui d'un enfant ne vivant pas avec le VIH. En outre, ils devaient avoir au moins 2 ans, et ne plus être allaités.
« Il s'agit de la première étude à reproduire et à développer rigoureusement les résultats observés dans le rapport de cas du Mississippi », précise la Pr Deborah Persaud, investigatrice principale de l’étude et membre de la division de pédiatrie de la faculté de médecine de l'université Johns Hopkins et directrice de la division des maladies infectieuses au Johns Hopkins Children's Center de Baltimore. « Ces résultats sont révolutionnaires pour la recherche sur la rémission et la guérison du VIH, et ils soulignent également la nécessité d’un dépistage néonatal immédiat et d’une initiation au traitement dans les établissements de soins de santé pour tous les nourrissons potentiellement exposés au VIH in utero », poursuit la chercheuse.
D'autres recherches sont prévues ou en cours pour déterminer les différences éventuelles selon les générations d’antirétroviraux prescrits, et pour identifier des biomarqueurs prédictifs de rémission ou de rebond du VIH après l'interruption du traitement. Des études supplémentaires seront également nécessaires pour comprendre comment la mise en route très précoce du traitement antirétroviral limite la formation de réservoirs.
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