Traitement de la mucoviscidose

De nombreuses innovations en développement

Publié le 17/11/2011
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DANS LE DOMAINE de la mucoviscidose, la thérapie génique est à ce jour encore peu avancée et se heurte à beaucoup d’obstacles techniques, notamment à l’immunisation des patients contre les vecteurs du gène. Quelques essais sont en cours. À Londres, une équipe a développé une technique permettant la persistance du gène de façon assez prolongé, avec des essais de tolérance satisfaisants. Malheureusement, le programme est actuellement arrêté à ce stade préliminaire, faute de financement.

La thérapie protéique est aujourd’hui à un stade de développement plus prometteur, avec des modes d’action différents selon le type de mutation de la protéine CFTR (fig.).

Les mutations de classe 1 sont associées à des codons stop qui arrêtent la synthèse de la protéine ou produisent des ARN messagers très dégradables. Un médicament permettant de court-circuiter ces codons stop prématurés est à l’essai. Cette molécule est maintenant en phase III, avec des résultats attendus pour début de l’année prochaine. Il s’agit d’un médicament non spécifique à la mucoviscidose, qui a déjà été testé dans les myopathies de Duchenne et qui est en cours d’expérimentation dans l’hémophile.

La mutation la plus fréquente de la mucoviscidose, ΔF508, s’associe à un défaut de repliement de la protéine CFTR et à une dégradation de celle-ci par la voie du protéasome. Beaucoup d’efforts portent sur des molécules capables, soit de stabiliser la protéine et éviter son défaut de repliement, soit de limiter sa dégradation. Actuellement, on ne dispose pas de résultats probants chez l’homme ; une étude clinique s’est terminée il y a quelques mois, mais n’a pas montré de bénéfice.

Bénéfice clinique important de la thérapie protéique pour la mutation G551 D.

Un autre médicament à l’essai vise la mutation G551D. Il s’agit d’une mutation assez fréquente, donnant une forme sévère de la maladie, et que l’on trouve principalement dans la population celte. La protéine CFTR-G551D atteints son site cible à la membrane épithéliale mais ne s’ouvre pas ou mal et ne peut assurer sa fonction de protéine-canal. La molécule testée stabilise la protéine CFTR mutante en conformation ouverte. L’essai a porté sur un petit nombre de patients et a fait état, il y a deux ans, de résultats assez spectaculaires sur le plan clinique, dès le premier mois de traitement. La molécule est actuellement en phase III. Elle devrait être publiée très prochainement dans le New England Journal of Medicine. Les résultats montreraient un effet clinique important, avec un réel bénéfice respiratoire et pondéral et une tendance à la normalisation du test de la sueur. C’est la première fois que l’on verrait un effet moléculaire se traduire par un tel bénéfice clinique.

Un autre essai devrait débuter prochainement, associant cette molécule spécifique de la mutation G551D à la molécule qui a été testée dans la mutation ΔF508. En effet, dans la mutation ΔF508, CFTR parvient à être fabriquée et à arriver en petite quantité à la membrane, mais elle présente un défaut conformationnel et une mauvaise ouverture dans la membrane. La combinaison des deux types de thérapie protéique pourrait en augmenter l’efficacité.

Un certain nombre de molécules ne visent pas directement la protéine CFTR, mais tentent de pallier au défaut de fonction de CFTR notamment l’anomalie de sécrétion du chlore et de la réabsorption du sodium qu en résultent. L’objectif est de limiter la réabsorption du sodium en agissant directement sur ses voies de réabsorption, ou de favoriser d’autres voies de sécrétion de chlore. Des travaux chez l’animal ont montré qu’un modèle de souris hyperexprimant le canal sodium développait une maladie analogue à la mucoviscidose. Des inhibiteurs du canal sodium sont en cours d’étude, et des publications prometteuses sont attendues prochainement. Des voies alternatives de sécrétion du chlore sont également testées, sans résultats probants à ce jour.

La protéine CFTR joue par ailleurs un rôle important dans la pérennisation d’une inflammation excessive. Beaucoup de travaux de recherche cellulaire portent sur les voies de signalisation de l’inflammation.

Agir sur les conséquences du déficit en protéine CFTR.

Une des voies thérapeutiques consiste également à essayer de normaliser de façon extrinsèque le contenu de sel et d’eau du mucus déficient, grâce à des agents hydratants du mucus. Le mannitol inhalé est une molécule intéressante, car son effet osmotique permet une meilleure hydratation du mucus dans lequel il se dépose. Ce traitement a permis chez les patients une amélioration de la clairance muco-cilliaire et du drainage bronchique, avec une diminution du nombre de surinfections, une amélioration de la fonction respiratoire et de la qualité de vie. Mais cela se fait au prix d’effets secondaires non négligeables, 15 % des patients étant sortis de l’essai pour cause de toux.

Enfin, d’autres voies d’action visent les conséquences de la maladie : inflammation, surinfections… Des recherches portent sur des voies inhibitrices de l’inflammation, comme les antiprotéases, et en particulier des antiélastases. Des antibiotiques inhalés (lévofloxacine, amikacine liposomale et aztréonam) sont actuellement testés chez les patients, permettant d’élargir l’arsenal thérapeutique, jusqu’à présent limité à la tobramycine et la colimycine.

Une part non négligeable de la recherche porte également sur la qualité de vie du patient et son environnement (pratiques sportives…). L’éducation thérapeutique des patients et des soignants est en plein développement.

Depuis 2002, le dépistage néonatal permet de repérer plus tôt les enfants à risque et de mieux les prendre en charge. Ce dépistage précoce se généralise dans une grande partie de l’Europe et aux États-Unis. Toutes ces nouvelles thérapies pourront à l’avenir être débutée le plus tôt possible, dès le dépistage, afin que la maladie s’exprime le moins possible.

D’après un entretien avec le Pr Isabelle Sermet-Gaudelus, hôpital Necker à Paris, centre de ressources et de compétence pour la mucoviscidose.

Dr CAMILLE CORTINOVIS

Source : Bilan spécialistes