Des carences nutritionnelles induites

Halte aux exclusions alimentaires

Publié le 09/12/2019
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Appliqués aux enfants, les « régimes sans » sont responsables de carences nutritionnelles, qui doivent être compensées par une supplémentation adaptée le cas échéant.

Crédit photo : phanie

Deux portions quotidiennes de produits carnés dès l’arrêt du lait de croissance

Deux portions quotidiennes de produits carnés dès l’arrêt du lait de croissance
Crédit photo : Phanie

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La médiatisation exagérée de nombreuses peurs alimentaires (pesticides, viande cancérogène, OGM, nocivité du sucre, etc.) a conduit à des régimes d’exclusion responsables de carences nutritionnelles aux conséquences délétères, tout particulièrement chez l’enfant. Si l’exclusion du gluten ou des sucres n’entraînent qu’une désocialisation et une perte de plaisir gustatif, celle du lait, des produits carnés et à l’extrême de tous les produits d’origine animale (végétalisme) est responsable de carences parfois graves.

Pas d’alternative calcique crédible au lait

Les besoins en calcium sont particulièrement importants chez l’enfant et surtout l’adolescent (1 200 mg/j). Seule la consommation d’une quantité suffisante de produits laitiers (au moins 3 par jour) permet d’assurer correctement ces besoins. Les eaux minérales riches en calcium sont une alternative possible mais leur goût particulier et les volumes nécessaires (2 à 3 L/j) représentent souvent un frein. Et si certains végétaux sont riches en calcium dont la biodisponibilité est même parfois meilleure que celle du calcium du lait (choux, brocolis), les quantités à ingérer (de 1 à 5 kg par jour) rendent cette alternative utopique. Les carences en calcium au cours des deux premières décennies fragilisent le squelette et augmentent le risque de fractures pour le restant de l’existence (1).

Une supplémentation en calcium de 500 à 1 000 mg/j selon les autres apports calciques est nécessaire.

L’irremplaçable fer héminique de la viande

Le prétendu effet cancérogène largement médiatisé de la viande a beaucoup contribué à la réduction de la consommation carnée. Il a été heureusement récemment remis en cause (2) et, de surcroît, il ne s’appliquait pas à la pédiatrie.

Pour satisfaire les importants besoins en fer des enfants et des adolescents, la Société française de pédiatrie recommande la consommation de deux portions quotidiennes de produits carnés dès l’arrêt du lait de croissance (3). Les végétaux riches en fer (légumineuses, épinards) ne peuvent pas représenter une alternative recevable car la biodisponibilité du fer qu’ils contiennent est sept fois inférieure à celle du fer héminique des viandes, rendant inaccessibles chez l’enfant les quantités à ingérer nécessaires pour satisfaire leurs besoins (1). La carence martiale atteint 10 à 30 % des adolescents en Europe, la diminution de la consommation de viande risque d’aggraver ces carences dont les conséquences (anémie, troubles neuropsychiatriques, susceptibilité aux infections) sont graves et parfois irréversibles.

Après dosage de la ferritinémie, une supplémentation en fer (2 – 3 mg/kg/j) est recommandée si cette dernière est abaissée (3).

De nombreuses supplémentations nécessaires dans le végétalisme

Les adeptes du végétalisme qui excluent tout aliment d’origine animale (viandes, lait, œufs, poissons) croissent dangereusement, notamment chez l’adolescent (1). Chez le nourrisson, la substitution des préparations infantiles par des boissons végétales inadaptées conduit à des carences nutritionnelles sévères entraînant parfois des séquelles à vie, voire des décès (4). Il faut leur proposer des formules infantiles à base d’hydrolysats de riz.

Chez l’enfant plus âgé, aux carences précédemment décrites s’ajoutent celles en vitamines B 12 (d’origine exclusivement animale) et D et en acide docosahexaénoïque (dont les produits de la mer sont la source quasi-exclusive).

Des supplémentations en chacun de ces nutriments doivent donc être systématiquement prescrites, les posologies recommandées viennent d’être publiées (1).

Exergue : Les carences en calcium au cours vingt premières années fragilisent le squelette et augmentent le risque de fractures à vie

Nutrition et gastroentérologie pédiatriques, hôpital Trousseau, Paris

(1) Lemale J, et al. Vegan diet in children and adolescents. Recommendations from the French-speaking Hepatology, Gastroenteroly and Nutrition Group. Arch Pédiatr 2019;26:442-50
(2) Carroll AE, et al. Meat consumption and health: food and thought. Ann Intern Med 2019 (in press)

(3) Tounian P, et al. Fer et nutrition. Arch Pédiatr 2017;24 (suppl 5):5S23-5S31

(4) Lemale J, et al. Replacing breastmilk or infant formula with a nondairy drink in infants exposes them to severe nutritional complications. Acta Paediatr 2018;107:1828-9

Pr Patrick Tounian

Source : lequotidiendumedecin.fr