Il faut supplémenter de 0 à 18 ans

Les enfants manquent de vitamine D

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Publié le 09/12/2019
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Au-delà de son effet de prévention du rachitisme, la vitamine D joue un rôle plus large, notamment anti-infectieux et anti-inflammatoire. Veiller à des apports suffisants est donc essentiel, pas seulement chez les nourrissons, mais de la naissance à l’âge adulte.
Le dosage n'est pas utile en pratique courante

Le dosage n'est pas utile en pratique courante
Crédit photo : phanie

La physiologie de la vitamine D, qui existe sous deux formes (25-OH vitamine D3, forme de stockage, et 1-25-OH2 vitamine D3 ou calcitriol, forme active) est aujourd’hui beaucoup mieux comprise. Et si elle a été pendant longtemps considérée comme une hormone purement phosphocalcique et osseuse, la vitamine D est aujourd’hui reconnue pour ses effets pléiotropes, avec notamment un rôle anti-infectieux, anti-inflammatoire, antitumoral et protecteur cardiovasculaire (1). Dans l’os, le calcitriol agit directement sur les cellules, mais aussi en maintenant une calcémie et une phosphatémie efficaces. Au niveau extra-squelettique, les arguments épidémiologiques convergent pour souligner ses multiples effets bénéfiques sur la santé globale. La vitamine D inhiberait la voie des lymphocytes TH1 en stimulant la voie TH2. Elle agirait également comme une cytokine, avec un rôle paracrine sur la croissance et la différenciation cellulaires.

Différentes études menées au cours de la dernière décennie ont montré qu’une supplémentation en vitamine D à l’adolescence serait associée à une réduction du risque de cancer du sein à l’âge adulte, réduirait la fréquence des exacerbations de l’asthme, pourrait être un facteur de protection vis-à-vis du risque de psychose. À l’inverse, un déficit en vitamine D pourrait être associé à un risque accru de sclérose en plaques.

Des recommandations délaissées après 5 ans

L’étendue du spectre de ses effets bénéfiques au-delà de l’os souligne ainsi l’importance d’apports adéquats endogènes et exogènes en vitamine D, notamment par l’alimentation et la supplémentation, afin de maintenir la concentration de vitamine D à un niveau suffisant, ce qui est loin d’être le cas actuellement.

Si la supplémentation systématique des nourrissons, assez bien suivie en pratique, a permis de fortement réduire l’incidence du rachitisme, différentes études menées en France, en Europe et au Canada ont en effet mis en évidence la fréquence de concentrations suboptimales chez les enfants et adolescents, en dehors de tout contexte pathologique.

En attendant les nouvelles recommandations de la Société Française de Pédiatrie, qui devraient prochainement être mises à jour, celles édictées en 2012 restent d’actualité : lire encadré (2). « La supplémentation ne concerne pas que les nourrissons de 0 à 18 mois, mais tous les enfants de la naissance à 18 ans », insiste la Pr Justine Bacchetta (Lyon). Même si elle a scientifiquement du sens, l’interruption de la supplémentation entre 5 et 10 ans proposée dans les recommandations apparaît discutable sur le plan pratique car, lorsqu’elle est arrêtée, elle n’est que rarement reprise après l’âge de 10 ans.

Chez l’enfant prématuré, la dose à apporter ne fait pas l’objet d’un consensus. Elle devrait être adaptée aux concentrations sériques en 25-OH vitamine D, car des données récentes ont en effet montré la fréquence de concentrations sériques trop élevées ou trop faibles dans une proportion non négligeable de cas ; cependant des études restent à mener pour déterminer quels protocoles seraient les plus adaptés à cette population bien spécifique.

« Hormis certaines situations particulières, il n’est pas utile de doser la vitamine D chez l’enfant tout-venant », poursuit la Pr Bacchetta. S’il est indiqué, par exemple chez l’enfant suivi pour maladie chronique – et on peut dans ce contexte regretter le très large déremboursement du dosage sérique de la vitamine D depuis 2014 –, il semble utile de se référer aux dernières recommandations européennes de néphropédiatrie, qui ont fixé des valeurs cibles haute (120 nmom/L) et basse (75 nmol/L) de 25-OH vitamine D circulante (3).

exergue : L’interruption de la supplémentation entre 5 et 10 ans proposée dans les recommandations apparaît discutable sur le plan pratique car elle n’est que rarement reprise à l’âge de 10 ans

 

Entretien avec la Pr Justine Bacchetta, Centre de référence des maladies rénales rares néphrogones, filière Orkid, Centre de référence des maladies rares du calcium et du phosphate, filière Oscar, Faculté de médecine de Lyon est 

(1) Bacchetta J. Péd mal infecs, mars 2018. doi : 10.1016/S1637-5017(18)76582-4

(2) Vidailhet M et al. Mise au point par le Comité de nutrition de la Société française de pédiatrie.http://www.sfpediatrie.com/sites/default/files/recommandations/recovita…

(3) Shroff R et al. Nephrol Dial Transplant. 2017(32): 1098-13

Dr Isabelle Hoppenot
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Source : lequotidiendumedecin.fr