Une première greffe partielle de cœur chez un nourrisson aux États-Unis

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Publié le 08/01/2024
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Crédit photo : Université Duke

Les enfants qui naissent avec une malformation valvulaire non réparable représentent un challenge particulier pour les praticiens. En effet, il n’existe pas de valve implantable qui puisse « grandir » avec le patient, et il est donc nécessaire de remplacer la prothèse régulièrement au cours de la croissance.

Une solution alternative a peut-être été trouvée par l’équipe de chirurgie cardiaque pédiatrique du centre médical de l’université de Duke (Durham, Caroline du Nord). Dans une communication préliminaire publiée dans le Jama, ils décrivent le cas d’un jeune enfant né il y a 14 mois avec un tronc artériel commun (truncus arteriosus), une malformation qui se traduit par une absence de séparation entre l’artère pulmonaire et l’aorte. Le nourrisson a été opéré à son 18e jour d’une intervention jusqu’ici inédite : la greffe cardiaque partielle.

Le traitement standard pour ce genre de malformation est habituellement l’homogreffe d’une valve cardiaque prélevée sur un cadavre. Cette opération reste une solution temporaire, compte tenu de l’incapacité des tissus cardiaques à croître et à se réparer correctement. Des interventions régulières sont nécessaires, jusqu’à ce que le patient soit en mesure d’accueillir une valve adulte. Les chances de survie sont en outre assez mauvaises, avec 50 % de mortalité au cours de l’enfance. Une autre approche réside dans la greffe néonatale de cœur entier. Bien qu’associée à une meilleure survie au cours de l’enfance (seulement 15 % de mortalité), elle expose toutefois les patients à un surrisque de dysfonction ventriculaire dans les années qui suivent (50 % de mortalité à l’âge de 20 ans).

Intervention chirurgicale de sept heures

La greffe partielle de cœur expérimentée à l’université Duke entend conjuguer le meilleur des deux approches et consiste en une implantation de la seule partie du cœur qui comprend les valves aortique et pulmonaire. L’essentiel des ventricules du bébé greffé est donc conservé.

L’enfant greffé est né à 38 semaines et deux jours, pour un poids à la naissance de 2,6 kg. L’échographie a confirmé un tronc artériel commun persistant de type A2, avec une valve aortique quadricuspide aux feuillets épaissis et dysplasiques et une dysfonction ventriculaire progressive.

Le donneur, quant à lui, était une petite fille morte à l’âge de deux jours, à la suite de complications à la naissance ayant provoqué une hypoxie ischémie et de lésions cérébrales fatales. La fonction cardiaque avant le décès était toutefois excellente avec des valves aortiques et pulmonaires de respectivement 7 et 8 mm de diamètre. La dissection a été faite au niveau des racines des artères pulmonaires et aortiques (voir à ce sujet la vidéo publiée sur le site du Jama). L’opération s’est faite sous assistance circulatoire et a duré près de sept heures (389 minutes). Un traitement immunosuppresseur a été nécessaire : mycophénolate mofétil (Cellcept, 15 mg/kg) et méthylprednisolone (Solumedrol, 10 mg/kg) en préopératoire, puis méthylprednisolone (10 mg/kg) et globuline antithymocyte (1,5 mg/kg) en postopératoire.

Davantage de donneurs potentiels

Au bout d’un an de suivi échographique, les médecins ont constaté une absence de réaction de rejet, une croissance adaptative de la portion de cœur greffée, ainsi qu’une « excellente fonction hémodynamique ». À l’âge de 14 mois, les résultats des échocardiographies montraient qu’il n’y avait pas d’obstruction ni de dysfonctionnement des valves aortiques et pulmonaires. Le jeune enfant ne présentait en outre pas de retard de développement, puisqu’il était capable de jouer, ramper et de suivre un objet des yeux.

Cette technique chirurgicale reste lourde et souffre des limites inhérentes à toute transplantation, à commencer par la disponibilité limitée des donneurs. Toutefois, « il y a substantiellement plus de donneurs disponibles pour une greffe partielle de cœur que pour une greffe de cœur entier, précisent les auteurs. Il est notamment possible de donner un greffon provenant de bébés souffrant de dysfonction ventriculaire ». Par ailleurs, les besoins en traitement immunosuppresseurs sont moins importants qu’avec une greffe de cœur complet.

Les risques à long terme liés à la prise d’immunosuppresseurs peuvent être anticipés en se basant sur l’expérience accumulée dans le domaine de la greffe cardiaque pédiatrique. On sait ainsi que le risque de maladie lymphoproliférative liée à l’infection par le virus Epstein-Barr est de 12 % sur 10 ans, et que celui de dysfonction rénale est de 6 % sur 10 ans. Selon les auteurs, l’arrêt du traitement immunosuppresseur ne provoquerait d’ailleurs pas de réaction de rejet, mais l’empêcherait de grandir.


Source : lequotidiendumedecin.fr