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Dossier

Exacerbations de BPCO

Corticoïdes et antibios : ni trop, ni trop peu

Publié le 06/10/2017
Corticoïdes et antibios :  ni trop, ni trop peu

BPCO
SPL/PHANIE

Si, actuellement, la tendance est plutôt à lever le pied sur la prescription de corticoïdes inhalés dans la BPCO, le discours est moins tranché pour les patients exacerbateurs. En témoignent les nouvelles recommandations sur les exacerbations de BPCO présentées par la Société européenne de pneumologie lors de son congrès annuel. Quant aux antibiotiques, leur intérêt est de plus en plus remis en cause, en aigu comme au long cours.

Les exacerbations, définies comme une aggravation symptomatique nécessitant une intervention médicale, sont au centre de la prise en charge de la BPCO, du fait de leurs effets délétères sur la mortalité, la qualité de vie, la dégradation de la fonction respiratoire, du statut nutritionnel et des comorbidités associées, sans oublier leur coût socio-économique. L’ERS (European Respiratory Society) s’est associée à l’ATS (American Thoracic Society) pour proposer des recommandations dédiées au traitement pharmacologique de l’exacerbation elle-même et de sa prévention.

Présentées lors du congrès européen de pneumologie (ERS Milan, 9-13 septembre), ces nouvelles guidelines précisent notamment la place des antibiotiques et des corticostéroïdes (CS) dans cette indication.  

En cas d’exacerbation, la grande question en phase aiguë reste celle de la prescription de corticoïdes systémiques et d’antibiotiques et il faut bien avouer que les arguments pour ou contre sont de qualité moyenne.

Des marqueurs pour identifier les répondeurs aux corticoïdes inhalés

Divers marqueurs ont été évalués afin d’identifier les patients BPCO répondeurs aux CSI. Les plus classiques sont les éosinophiles dont le taux dans l’expectoration serait prédictif de la réponse à court terme aux CSI, avec une bonne corrélation à l’éosinophilie sanguine. Mais, à long terme, la relation éosinophilie/amélioration du déclin de la fonction respiratoire disparaît.Les patients présentant une hyper-réactivité bronchique (HRB) pourraient aussi en bénéficier. « Bien qu’elle ne soit pas un critère de BPCO, 50 % de toutes les BPCO auraient, à au moins une consultation une HRB authentifiée, par la réversibilité sous bronchodilatateur. Or une HRB serait dans la BPCO « prédictive à la fois de la réponse aux CSI et d’un pronostic plus sévère », explique Maarten Van den Berge (Groningue, Pays-Bas).


Pas de prescription systématique en aigu

En ambulatoire, sous CS oraux, on constate un peu moins d’échecs thérapeutiques vs placebo (RR=0,61) et d’hospitalisations, mais sans diminuer la mortalité et au prix de certains effets secondaires. La prescription n’est donc pas systématique et la durée n’excédera pas 14 jours. La forme injectable n’est pas plus efficace et sera réservée en cas de problèmes digestifs.

L’antibiothérapie ne doit pas non plus être systématique. Certes 80 % des exacerbations sont d’origine infectieuse, mais moins de la moitié sont liées à des bactéries pathogènes. Des études déjà anciennes suggéraient un effet favorable de l’antibiothérapie avec une augmentation du taux de guérison et un délai plus long avant l’exacerbation suivante. Cependant, en l’absence d’antibiotique, la guérison est obtenue chez 68 % des patients, suggérant que toutes les exacerbations n’en relèvent pas. « Si vous n’êtes pas sûrs de leur nécessité, n’en prescrivez pas ! », ironise Antonio Anzueto (états-Unis).

Le traitement de fond en question

L’arme la plus efficace pour limiter les exacerbations est celle d’un traitement de fond bien conduit, avec une stratégie par étapes très proche des recommandations françaises. Toutes les recommandations convergent sur la prescription en première ligne d’un LAMA (anticholinergique de longue durée d'action) de préférence aux LABA (β2 agonistes de longue durée d'action) lorsqu’il existe au moins un antécédent d’exacerbation. Par rapport aux LABA, les LAMA réduisent significativement les exacerbations avec moins d’effets secondaires. Les corticostéroïdes CSI (CS inhalés) n’ont pas leur place en première ligne mais l’association LABA/CSI pourrait constituer une alternative à la double bronchodilatation en cas de crises persistant sous LAMA du fait de leur effet préventif sur les exacerbations (pas d’impact en revanche en termes de survie ou de déclin du VEMS). Selon les recommandations GOLD actualisées, dans ce cas, l’association LABA/LAMA est supérieure aux LABA/CSI. Si elle ne suffit pas, la trithérapie CSI/LAMA/LABA amène une réduction supplémentaire de 20 % des exacerbations.

Médicaments, BPCO et cœur : en finir avec les préjugés

Les controverses sur les interactions médicaments/BPCO/fonction cardio-vasculaire (CV) ont la vie dure. La plus tenace est celle sur les ß-bloquants, qui n’ont pourtant aucun impact délétère sur la fonction respiratoire quels que soient le traitement et le stade de la BPCO et ne sont absolument pas contre-indiqués en cas de BPCO, martèlent les experts à chaque congrès. Parmi les 600 personnes atteintes de BPCO d’une base de données écossaise suivies plus de 4 ans, la mortalité - 33% en moyenne - est même diminuée sous ß-bloquants. Une étude est d’ailleurs en cours sur l’intérêt du métoprolol dans la prévention des exacerbations dans la BPCO modérée à sévère ! Les statines pourraient aussi être bénéfiques du fait de leur rôle anti-inflammatoire, mais on manque de preuves certaines.

En miroir, parmi les traitements de la BPCO, la théophylline est toxique pour le cœur avec un risque élevé d’arythmies ventriculaires, tandis que le roflumilast diminue la survenue d’un premier évènement CV majeur. Ni les LAMA, ni les LABA ni l’association LABA/CSI n’augmentent les complications CV. Au contraire, il a été montré que la BPCO altère la fonction cardiaque et que les exacerbations provoquent un stress cardiaque aigu, avec des événements CV majeurs qui sont multipliés par près de 4 dans le mois suivant et de 2 entre 1 et 12 mois après. « En réalité, les bronchodilatateurs auraient un effet bénéfique sur la plupart des paramètres de la fonction cardiaque », conclut Claus Vogelmeier (Allemagne).


Le serpent de mer de l’antibiothérapie au long cours

Au-delà de la bronchodilatation, faut-il aussi cibler l’inflammation, la fonction muco-ciliaire, l’hypersécrétion de mucus ? Lorsque les exacerbations persistent malgré un traitement de fond optimal, diverses options thérapeutiques ont été proposées. Les mucolytiques au long cours réduisent les hospitalisations, le nombre d’exacerbations, à condition d’être prescrits à haute dose (600 mg 2 fois/jour de N-acetylcystéine). Ils figurent déjà dans les recommandations américaines et canadiennes et pour l’ERS pourraient être prescrit aux BPCO sévères ou modérées gardant des exacerbations malgré un traitement médical optimal inhalé.

L’antibiothérapie au long cours reste l’éternel serpent de mer. « Il faut écarter tous ces traitements qui n’ont pas fait pas fait leurs preuves et sont susceptibles d’effets secondaires importants », insiste Marc Miravitlles (Barcelone). Ainsi les fluoroquinolones qui ne réduisent pas les exacerbations avec une iatrogénie indiscutable. Les macrolides diminuent le taux d’exacerbations et améliorent la qualité de vie, mais on connaît mal leur impact sur l’antibiorésistance ; et ils sont susceptibles d’entraîner une baisse auditive et de favoriser les arythmies ventriculaires. L’azithromycine est proposée dans diverses pathologies broncho-pulmonaires chroniques pour son effet anti-inflammatoire plus que comme antibiotique. Des études évoquent un rôle favorable sur la réduction des exacerbations, mais on n’a pas actuellement identifié les sous-groupes qui en bénéficieraient.

Le roflumilast (un anti-inflammatoire de type inhibiteur des phosphodiestérases 4) réduirait de 24 % les exacerbations sévères, mais non les modérées. Il peut être proposé dans les BPCO sévères lorsque persistent des exacerbations malgré le traitement inhalé, ce qui est aussi la position de GOLD. « Ces traitements au long cours ne bénéficient pas d’un niveau de preuve très élevé, insiste Jorgen Vestbo (Royaume-Uni). Ma position personnelle, pas celle de l’ERS, est que nous devrions mettre en œuvre des solutions plus simples et plus efficaces pour éviter les exacerbations. La vaccination certes, mais aussi éviter la contagion intergénérationnelle, se laver les mains, porter un masque… et se couvrir quand il fait froid ! »

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Dr Maia Bovard-Gouffrant

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