Asthme sévère

Définitions et nouvelles approches

Publié le 24/03/2011
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Crédit photo : PHANIE

PAR LE Pr ISABELLE TILLIE-LEBLOND*

DANS CES CAS, il est toujours nécessaire de se poser trois questions.

- Est-ce vraiment un asthme ?

Le diagnostic différentiel doit se faire avec les formes frontières avec la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), l’insuffisance cardiaque gauche, la dysfonction des cordes vocales, les bronchiolites (trouble ventilatoire obstructif – TVO – souvent invariable), le syndrome de Churg et Strauss ou l’aspergillose bronchopulmonaire allergique… D’une façon générale, il convient de se méfier des diagnostics d’asthme posés sans aucune notion de réversibilité du TVO ou à TVO fixé, sans variabilité, avec auscultation atypique (râles bronchiolaires), des atypies de la courbe débit-volume, de l’absence de réponse aux traitements de l’asthme…

- Le patient adhère-t-il à l’option thérapeutique proposée ?

Plus de 50 % des patients ne prennent pas leur traitement de fond. La place de la relation médecin-patient, de l’éducation thérapeutique avec de la souplesse pour s’adapter aux désirs et au vécu du patient est essentielle. Le questionnaire MARS (Medical Adherence Rating Scale), en cours de validation, pourrait dans l’avenir nous aider à évaluer la non-adhérence au traitement.

-Les facteurs de non-contrôle et les comorbidités sont-ils pris en charge ?

La rhinite, et notamment la rhinorrhée postérieure, entraîne des réveils nocturnes et est source de mauvais contrôle. L’importance de l’atteinte sinusienne est associée à la survenue d’exacerbations fréquentes. Le tabagisme (et la marijuana), même « mineur », est associé à un nombre accru d’exacerbations et à une moins bonne réponse aux corticoïdes inhalés. Les autres drogues, comme la cocaïne et l’héroïne, sont associées à des asthmes aigus graves. Certains paramètres environnementaux, comme l’exposition sur le lieu du travail à des allergènes, ou à des irritants sont des facteurs de risque. L’allergie alimentaire couplée à l’asthme est associée au risque d’asthme aigu grave.

Par ailleurs, les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) en cas d’intolérance, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion chez certains asthmatiques et, de façon plus générale, les bêtabloquants doivent être évincés. Le rôle de l’obésité est plus débattu. Les résultats des études sont contradictoires, tant en termes d’association avec la sévérité que de non-contrôle. Le bénéfice des cures d’amaigrissement est aussi incertain. Néanmoins, l’indice de masse corporelle (IMC) moyen des cohortes d’asthme sévère comme ENFUMOSA ou TENOR est plus important que celui de la population générale.

Il a été récemment démontré que l’exercice, trois fois par semaine, réduit le risque d’exacerbations, notamment chez la femme. En revanche, la dépression et l’anxiété sont associées à plus d’exacerbations et de non-contrôle de l’asthme.

Les relations entre le reflux gastro-œsophagien, le traitement antireflux et le non-contrôle de l’asthme sont incertaines. Au cours de l’asthme, la mise en place d’un traitement systématique du reflux ne doit se faire que lorsque le RGO est symptomatique. Enfin, la recherche de comorbidités comme le syndrome d’apnées obstructives du sommeil (SAOS) ou une pathologie cardio-vasculaire est essentielle.

Deux catégories de patients.

Une fois cette analyse effectuée, on pourra séparer les patients en asthme difficile à traiter, répondant aux critères ci-dessus, et en asthme sévère réfractaire pour lequel il existe encore de nombreuses questions sur la pathogénie et qui nécessite des traitements ciblés. L’asthme sévère réfractaire comprend différents phénotypes (clinique/fonctionnel respiratoire) : les patients allergiques, ceux ayant un TVO fixé persistant ou un faible niveau de perception de l’obstruction bronchique et les patients présentant des symptômes permanents et/ou des exacerbations fréquentes

Qu’il s’agisse d’un asthme difficile ou d’un asthme sévère réfractaire, le suivi et l’évaluation thérapeutique doivent se faire à l’aide de questionnaire de contrôle, en évaluant le nombre d’exacerbations et la pression thérapeutique. En cas de non-réponse à un traitement, ces éléments objectifs évitent notamment de le maintenir inutilement. L’éducation thérapeutique est indispensable et certains patients pourront aussi souhaiter une aide auprès d’un psychologue ou psychiatre. Le maintien d’une activité physique et la réhabilitation respiratoire doivent aussi être proposés. La prescription de corticoïdes inhalés hors AMM n’apporte aucun bénéfice, mais des effets indésirables certains. Les vaccins antigrippaux sont bien tolérés y compris chez l’asthmatique sévère, et sont recommandés.

Lorsque l’asthme est de nature allergique, la prescription d’omalizumab représente une bonne option thérapeutique. Environ 70 % des patients sont répondeurs. Les doses doivent être strictement adaptées au poids et au taux d’IgE totales sériques. Il faut prévenir le médecin généraliste, l’infirmière qui fait les injections S/C et le patient du risque d’anaphylaxie. Lorsqu’il existe des antécédents de réaction systémique ou d’œdème de Quincke, de toute cause, ou une allergie alimentaire associée, la prescription d’adrénaline auto-injectable est nécessaire. Ces réactions surviennent rarement. Elles sont essentiellement décrites lors des premières injections, peuvent être immédiates (dans l’heure qui suit) ou retardées.

La prescription de macrolides, comme l’azithromycine ou thélitromycine, a été peu évaluée. Chez certains patients ayant des exacerbations répétées, ces traitements proposés en essai sur 6 semaines, peuvent être bénéfiques, sans effet indésirable majeur. Des molécules dirigées contre un médiateur impliqué dans l’inflammation chez l’asthmatique ou contre son récepteur sont en cours de développement (anti-TNF, anti-IL5, inhibiteurs de l’IL-13 et IL-4/IL-13 combinés).

Parmi les traitements immuno-modulateurs « antimédiateurs », seuls les anti-IgE ont fait la preuve de leur efficacité à ce jour. Des études à plus large ampleur, portant sur l’inhibition d’autres médiateurs ou récepteurs impliqués dans l’inflammation ou le remodelage des voies aériennes dans l’asthme sévère, sont en cours ou à venir. C’est le cas des inhibiteurs des IL-9, GM-CSF, IL-17, IL-25, IL-33 et du TSLP (thymic stromal lymphopoietin). Il est possible que les mécanismes impliqués chez le patient souffrant d’asthme sévère réfractaire marqué par des exacerbations répétées et celui du patient qui aura un TVO fixé avec dyspnée sans exacerbation soient totalement différents. Le phénotype des patients ayant un asthme sévère couplé à une meilleure connaissance du génotype pourrait permettre de mieux cibler les thérapeutiques.

Enfin, la thermoplastie est une technique qui détruit la couche musculaire lisse des voies aériennes et limite donc l’effet potentiellement délétère du remodelage des voies aériennes chez l’asthmatique. Une évaluation récente de ses résultats à cinq ans montre une fonction respiratoire stable, non détériorée, sans effet indésirable significatif chez une cinquantaine d’asthmatiques ; à suivre…

* PUPH pneumologie, hôpital Calmette, CHRU de Lille.

Bibliographie :

- Bel et coll. Thorax, 2 010.

- Chanez P et coll. J Allergy Clin Immunol 2 007.

- Tillie-Leblond I et coll. Allergy 2 008

- Montani D et coll. Rev Mal Respir 2 010.


Source : Bilan spécialistes