Exacerbations de BPCO, asthme professionnel... Le récent congrès de l’ERS (Barcelone, 7-11 septembre 2013) a donné lieu cette année à la présentation de plusieurs recommandations inédites, mais pas toujours très consensuelles ! Une édition également riche en actualités sur l’asthme sévère, le cancer du poumon, etc.
« Un décès sur dix serait lié aux maladies respiratoires en Europe. » Dans son « livre blanc » dévoilé à Barcelone, lors de son congrès annuel, l’European Respiratory Society (ERS) souligne une nouvelle fois le poids des maladies respiratoires en Europe. Et appelle à améliorer à la fois leur prévention et leur traitement.
La série de recommandations présentées à Barcelone devrait en partie y contribuer même si certaines posent davantage de questions qu’elles n’y répondent…
Consensus poussif sur les exacerbations de BPCO
Pour la première fois, les recos Global initiative of Obstructive Lung Disease (GOLD) se sont penchées spécifiquement sur la prise en charge des exacerbations de BPCO. Première modification d'importance : une nouvelle définition des exacerbations est proposée afin de tenir mieux tenir compte de la pratique quotidienne. « L'événement aigu caractérisé par l'aggravation des symptômes respiratoires au-delà des variations quotidiennes et amenant à modifier le traitement » devient « un diagnostic clinique d'exclusion fait devant une aggravation des symptômes pour lequel il n'y a pas d'autre cause identifiée à l'examen clinique et paraclinique. Elle peut ou non entraîner une modification de la thérapeutique et les symptômes se résolvent typiquement en quelques jours ou quelques semaines ».
Le texte met aussi l’accent sur la prévention des exacerbations. « Cette prévention est un des objectifs du traitement de la BPCO stable, rappelle le Pr P.M. Calverley (Liverpool). Parallèlement à l'arrêt du tabac, à la réhabilitation et la vaccination, nous disposons globalement d'arguments forts pour la mise en route d'un traitement, mais, dans le détail, certaines questions ne peuvent être tranchées avec certitude et la séquence des traitements est à revoir. »
Anticholinergiques et ß2 agonistes ont une efficacité globalement équivalente. Cependant les experts préconisent plutôt les LAMA (anti-cholinergiques de longue durée d'action) que les LABA (ß2 agonistes de longue durée d'action), la prise unique incitant plus à la compliance et une étude – une seule – ayant montré une diminution significative des exacerbations sous LAMA et une tendance favorable sur les hospitalisations, les complications et les décès. Par rapport au placebo, l'inhibiteur des phosphodiestérases de type 4 (roflumilast), via ses effets anti-inflammatoires réduit significativement les exacerbations modérées à sévères chez tous les patients, son effet étant encore plus marqué chez les exacerbateurs fréquents. Néanmoins, la iatrogénie est significative avec, en particulier, une perte de poids et on ne dispose pas de données sur son association aux autres traitements. GOLD 2013 le réserve donc aux échecs des bronchodilatateurs de longue durée d’action (BDLA) chez les patients pour qui les corticostéroïdes inhalés sont mal tolérés. À noter qu'en France, la Haute Autorité de santé avait émis un avis défavorable pour son remboursement en raison d'un intérêt clinique insuffisant.
Certaines études semblent favorables à l'antibiothérapie utilisée préventivement, mais, selon d'autres, elle serait utilisée de manière excessive. L'azithromycine en prise quotidienne réduirait le nombre d'exacerbations à un an. La moxyfloxacine 5 à 7 jours toutes les 8 semaines réduirait les exacerbations de 20% mais au prix d'un certain nombre d'effets indésirables principalement gastro-intestinaux. « Nous tendons à ne pas recommander les antibiotiques en prévention des exacerbations, mais avec un niveau de preuve moyen et susceptible de révision d'ici le document définitif », résume le Pr Calverley.
Concernant les corticoïdes inhalés, ils ne sauraient être utilisés seuls. Ils améliorent la symptomatologie, la qualité de vie, la fonction pulmonaire et réduisent les exacerbations mais il manque encore des preuves sur leurs effets sur la mortalité. Enfin, les mucolytiques dont l'effet n'est pas évident pour la prévention des exacerbations n'ont pas de place à titre préventif.
Pour le traitement des exacerbations proprement dit, les questions auxquelles les experts ont eu à répondre concernaient essentiellement les corticostéroïdes (CS) systémiques et les antibiotiques. Dans les exacerbations les plus sévères, une corticothérapie orale de 9 à 10 jours réduit la dyspnée et les hospitalisations pour une iatrogénie et un coût minimes. « L'extrapolation de ces résultats à des épisodes plus modérés demande d'autres investigations, les données étant très parcellaires », avertit le Pr M. Miratviles (Barcelone). Plus prudente que la version 2011 qui les considérait comme globalement bénéfiques, GOLD 2013 réserve donc, en ambulatoire, les CS oraux en cure courte aux dyspnées marquées ou aux atteintes sévères de la fonction respiratoire mais cette recommandation ne fait cependant pas consensus au sein du groupe de travail. Même circonspection en ce qui concerne les antibiotiques puisque la conclusion est que les antibiotiques améliorent les exacerbations… mais qu'on peut aussi s'en passer ! En ambulatoire, dans les formes légères à modérées, les antibiotiques semblent améliorer la fonction respiratoire et le délai avant l'exacerbation suivante. Mais ces constatations reposant seulement sur deux études, GOLD 2013 suit les recommandations anglaises du NICE qui suggèrent de prescrire des antibiotiques essentiellement si les expectorations sont purulentes.
Les nouvelles recommandations soulignent, par ailleurs, que la prise en charge n'est pas uniquement médicamenteuse, et rappellent l'importance de débuter précocement la réhabilitation dans toutes les BPCO, y compris en période d'exacerbations. Enfin le rôle de l'hospitalisation à domicile se dessine comme une alternative intéressante dans les exacerbations sans acidose respiratoire mais il n'y a pas encore de consensus sur les critères susceptibles de l'encadrer.
Au total, si ces recommandations traduisent l'intérêt pour la prise en charge des exacerbations qui reste un challenge dans la BPCO, elle laissent aussi planer un certain doute sur le sujet qui «?contrairement à ce qu'on pourrait penser, a finalement fait l'objet de peu d'études à la méthodologie parfaite », remarque John Hurst (états-Unis).
Asthme professionnel, pas seulement une affaire de spécialiste
Les deux nouvelles recommandations de l'European Respiratory Society sur l’asthme professionnel et les tests de provocation spécifiques semblent plus consensuelles. Elles rappellent que si certains examens sont très spécialisés, le médecin traitant a incontestablement un rôle essentiel pour dépister l’asthme professionnel et orienter son patient.
L'asthme professionnel (AP) peut être allergique et médié par les IgE (en cause la farine, les animaux de laboratoire, plus rarement certains bois et le latex de moins en moins). Pour d'autres, comme les AP aux isocyanates (agents polymerisant, mousses isolantes, etc.), aux persulfates des produits de décoloration chez les coiffeurs ou encore au bois, le mécanisme est mal connu et non médié par les IgE.
L'asthme professionnel est à distinguer de l'asthme aggravé par le travail, volontiers observé chez les sujets déjà asthmatiques qui travaillent par exemple dans le nettoyage ou le gardiennage : les variations de température, la fumée de tabac…etc. majorent l'HRBNS (hyperréactivité bronchique non spécifique) sans toutefois provoquer de sensibilisation.
Des tests de provocation spécifiques
Quelques questions simples permettent au médecin de suspecter un asthme d'origine professionnelle : « Ressentez-vous une gêne respiratoire – mais aussi une conjonctivite, une rhinite – pendant ou en sortant du travail ? », « Votre état respiratoire s’aggrave-t-il au travail ou au décours du travail ? », « S’améliore-t-il lors de vos vacances ou de vos week-ends ? ». À partir de ces éléments, il faut faire la preuve qu'il s'agit bien d'un asthme et, ensuite, qu'il est lié au travail. Un peak-flow remis au patient analyse les variations du débit respiratoire de pointe entre les périodes de travail et après un arrêt de 10 jours. Il est aussi possible de mesurer l'HRBNS : ses modifications entre les périodes de travail et après un arrêt de 10 jours prouve qu'il existe un lien avec le travail mais sans démontrer formellement l'asthme professionnel ni identifier la substance responsable. Les tests cutanés sont peu contributifs dans l'asthme professionnel, en dehors des allergènes végétaux ou animaux. C'est là qu'interviennent les tests de provocation spécifiques, pratiqués dans les quelques centres spécialisés dans l'asthme professionnel. Ils permettent de préciser – et parfois de rectifier – le diagnostic d'asthme professionnel. Généralement, la survenue d'un asthme chez une personne exposée à une substance figurant sur le tableau des maladies professionnelles suffit au médecin du travail pour le reconnaître comme asthme professionnel, ce qui peut avoir des conséquences socio-professionnelles non négligeables, la moitié des AP se retrouvant au chômage. Lorsqu'un reclassement est difficile, il peut être important chez un boulanger asthmatique de vérifier si son asthme est ou non lié à la farine. Autre exemple, chez un allergique aux acariens travaillant avec des produits de nettoyage, il ne s'agit pas systématiquement d'un asthme professionnel mais d'un asthme aggravé par le travail, et cette personne pourrait garder son emploi en réadaptant le traitement. « Il existe une forte recommandation pour réaliser aussi ces tests de provocation spécifiques pour les substances non répertoriées comme asthmogènes », souligne le Pr Frédéric de Blay (CHRU de Strasbourg).