Le Dr Brureau souligne en préambule la bonne couverture du dépistage individuel aux Antilles : « Le message de la nécessité d’un dépistage est bien passé. Les hommes y adhèrent et se soumettent volontiers au dépistage individuel auprès des médecins généralistes et des urologues ». Sur une population de 400 000 habitants, l’incidence du cancer de la prostate en Guadeloupe est de 500 nouveaux cas par an tous stades confondus, dont 10 % découverts à un stade IV d’emblée.
L’étiologie du cancer de la prostate est encore mal connue. « Il est vraisemblable que la survenue de la maladie résulte d’interactions multiples et complexes entre des facteurs constitutionnels, génétiques et environnementaux » explique le Dr Brureau.
Le poids ethnogéographique et familial
L’âge est le premier facteur de risque de cancer de la prostate. S’il est rare avant 40 ans, sa fréquence augmente à partir de 50 ans pour atteindre un maximum vers 70 ans. Il existe une différence d’âge médian au diagnostic entre populations originaires d’Afrique subsaharienne et Caucasienne. Karami (2) et al. retrouvent un âge moyen au diagnostic de 66 ans chez les Afro-Américains versus 69 ans chez les Caucasiens. « Aux Antilles, rappelle le Dr Brureau, 90 % de la population a une ascendance africaine subsaharienne ».
L’origine ethnogéographique représente le deuxième facteur de risque de cancer de la prostate. « Les taux d’incidence les plus faibles s’observent dans les populations asiatiques, les plus élevés dans les populations d’origine subsaharienne vivant dans les pays occidentaux (comme la population antillaise). Le surrisque dans ces populations est en partie attribuable au mode de vie (notamment aux facteurs environnementaux) et à l’espérance de vie, mais aussi à des facteurs génétiques », explique le Dr Brureau.
Les antécédents familiaux, troisième facteur de risque de cancer de la prostate, sont présents dans 20 % des cas. Le risque varie selon le nombre et le degré de parenté des cas familiaux. Dans les formes familiales, la maladie est volontiers plus agressive et découverte à un stade avancé (3,4).
L’analyse des données de KARUPROSTATE en Guadeloupe a permis d’étudier les polymorphismes des gènes de détoxification de la testostérone. « Elle a montré que l’augmentation de l’expression du gène COMT (codant pour la cathécol-o-méthyl-transférase impliquée dans le métabolisme des estrogènes) diminue le risque de cancer de la prostate contrairement à ce qui était attendu, des études ayant montré que l’exposition aux estrogènes augmentait ce risque. En revanche, nous avons montré que la surexpression des gènes de détoxification GSTT1 et GSTM1 (augmentation du nombre de copie) est proportionnelle à l’augmentation du risque de survenue du cancer de la prostate » note le Dr Brureau.
Exposition aux pesticides
Parmi les facteurs de risque environnementaux, a été étudiée l’exposition aux pesticides organochlorés persistants. Le chlordécone, un insecticide classé comme « cancérigène possible », utilisé aux Antilles dans les bananeraies pour lutter contre les charançons, interdit depuis 1993 a contaminé durablement les sols et par ruissellement l’ensemble de la filière alimentaire (tubercules, animaux, poissons). « Nous avons montré une relation dose-effet entre la concentration sanguine de chlordécone et la survenue de cancer de la prostate mais aussi sa récidive après prostatectomie totale. Un autre pesticide, le DDE a été retrouvé dans le sang des patients à des doses correspondant à un effet anti-androgène prédominant, c’est-à-dire protecteur vis-à-vis du cancer de la prostate. Ceci étant, avertit le Dr Brureau, si l‘exposition au DDE augmente, d’ici quelques années l’effet œstrogénique du DDE présent à fortes doses et délétère vis-à-vis du risque de cancer de la prostate, pourrait prédominer ».
Une étude en cours se focalise sur les facteurs de risque de la récidive.
D’après un entretien avec le Dr Laurent Brureau, CHU de Pointe-à-Pitre
(1) Thèse de Sciences du Dr Laurent Brureau. Cancer de la prostate en Guadeloupe : facteurs de risque génétiques et environnementaux de survenue et de récidive après prostatectomie totale.
(2) Karami S. et al. Cancer Detect. Prev. 2007;31(1):29-34
(3) Chen et al. Prostate 2008;68:1582-91
(4) Ahn et al. Int. J. Cancer 2008;123:1154-9
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