Une autorisation et trois nouvelles pistes

La recherche souffle dans la fibrose pulmonaire idiopathique

Publié le 16/12/2011
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Crédit photo : BSIP

LA FPI, affection fibroproliférative rare débutant après l’âge de 50 ans, se caractérise par la formation de dépôts de matrice extracellulaire qui entraînent des anomalies de l’architecture pulmonaire et une insuffisance respiratoire terminale survenant, en moyenne, au bout de deux à trois ans.

Inhibition des bêta-arrestines

Au début de l’année, des Américains ont montré que l’inhibition des bêta-arrestines 1 et 2, qui régulent les récepteurs couplés aux protéines G, permet d’enrayer le développement de l’affection pulmonaire chez la souris en s’opposant au dépôt excessif de matrice extracellulaire (1). Les chercheurs montrent également que l’inactivation de la bêta-arrestine 2 au niveau de fibroblastes provenant de patients atteints de FPI atténue le processus invasif. « Ces résultats démontrent que la perte des bêta-arrestines protège contre le développement de la fibrose pulmonaire, en limitant la capacité des fibroblastes à induire une accumulation de matrice extracellulaire », concluent les chercheurs.

Inhibition de la DDAH

La seconde piste thérapeutique potentielle est née de l’observation d’une activité accrue de l’enzyme DDAH (diméthylarginine diméthyl-aminohydrolase), qui dégrade un inhibiteur endogène de la NO synthétase inductible dans les poumons fibreux de souris et de patients atteints de FPI. Des chercheurs du Max-Planck-Institute for Heart and Lung Research (Allemagne) ont découvert qu’un traitement inhibant la DDAH (L-291) réduit les dépôts de collagène, avec une quasi-normalisation de la fonction pulmonaire dans le modèle murin de fibrose pulmonaire. « Notre étude suggère que le contrôle de l’enzyme DDAH par des molécules inhibitrices représente une voie d’approche du traitement de la FPI », souligne le Dr Pullamsetti. La prochaine étape consistera à créer des knock-out cellulaires pour les isoformes de la DDAH (DDAH 1 et 2) afin d’étudier leurs fonctions cellulaires spécifiques.

Le BIBF1120

Une troisième voie a émergé, plus récemment, avec les résultats d’un essai international de phase II où le BIBF1120, un inhibiteur oral des récepteurs tyrosines-kinases de plusieurs facteurs de croissance fibrogéniques (TGF-bêta, PDGF, FGF, VEGF), s’est montré capable de ralentir le déclin de la fonction pulmonaire, tout en préservant la qualité de vie. Il s’agit là d’une avancée importante par rapport à d’autres options thérapeutiques, telles que l’administration d’antioxydants, de corticoïdes ou d’agents immunosuppresseurs. Le BIBF 1120 a été évalué (étude TOMORROW) chez 432 patients atteints de FPI ayant reçu, pendant un an, soit un placebo, soit du BIBF (50 mg/j ; 50 mg 2 fois/j ; 100 mg 2 fois/j ou 150 mg 2 fois/j). On observe, chez les patients traités par 150 mg 2 fois/j de BIBF, une réduction de 68 % du déclin de la fonction pulmonaire (capacité vitale forcée chutant de 0,06 l/an contre 0,19 l/an sous placebo ; p = 0,064). En outre, les malades traités présentent moins d’exacerbations aiguës que ceux du groupe placebo (2,44 versus 15,67 événements pour 100 patients-années) et une légère amélioration du score de qualité de vie (questionnaire respiratoire du Saint George’s Hospital). Bien qu’associée à un certain degré de toxicité hépatique, cette dose forte de BIBF est relativement bien tolérée chez la plupart des patients.

« Nous avons donc mis en route deux études de phase III évaluant l’efficacité du BIBF 1120* à la dose de 300 mg/j contre placebo chez un millier de patients, indique le Pr Luca Richeldi (université de Modène, Italie). Les premiers résultats sont attendus pour début 2014. »

L’autorisation pour Esbriet

Un autre témoin des avancées thérapeutiques dans cette pathologie respiratoire chronique est l’autorisation de mise sur le marché accordée par la Commission européenne à la pirfenidone (Esbriet**), un inhibiteur de la synthèse du TGF-bêta (médiateur chimique de rôle clé dans la fibrose), pour le traitement des formes légères à modérées de FPI de l’adulte. Commercialisée depuis 2008 au Japon et ayant désormais obtenu son feu vert européen (elle vient d’être commercialisée en Allemagne), la pirfenidone est administrée par voie orale. En France, une procédure de mise à disposition de ce médicament orphelin est en cours. Son efficacité a été établie par le programme pivot d’essais cliniques CAPACITY, qui regroupe deux essais de phase III en double aveugle contre placebo (779 malades traités pendant au moins 72 semaines). Une métaanalyse indépendante d’essais de phase III a objectivé, par ailleurs, une majoration de la survie, et une réduction de 30 % du risque de décès ou de progression. La sécurité a été évaluée par l’étude en ouvert RECAP (603 patients traités pendant 2,9 ans). Les experts conseillent l’éviction de l’exposition solaire. L’installation du traitement se fait à doses progressives sur environ deux ou trois semaines pour atteindre la dose efficace de 2 403 mg/j.

(1) Lovgren et coll. Science Translational Medicine (mars 2011).

(2) Pullamsetti et coll. Science Translational Medicine (juin 2011).

(3) Richeldi et coll. New England Journal of Medicine (septembre 2011).

* Molécule développée par Boehringer-Ingelheim.

** Commercialisé par InterMune.

 Dr BERNARD GOLFIER

Source : Le Quotidien du Médecin: 9060