Savoir entendre

Le point sur la sémiologie et l’auscultation pulmonaire (1)

Publié le 19/02/2009
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Laennec

Depuis l’invention du stéthoscope par le Dr Laennec en 1816 à Paris et la description de la sémiologie auscultatoire pulmonaire, l’acte auscultatoire et l’auscultation en elle-même ont peu évolué (« Traité de l’auscultation médiate », Paris 1819). La caractérisation physique des sons humains physiologiques et pathologiques est encore grandement balbutiante et n’a dans tous les cas pas abouti à une documentation robuste, notamment dans le domaine pulmonaire. Toutefois, savoir distinguer les sons (bruits) pulmonaires normaux et anormaux (murmure vésiculaire, sibilants, crépitants...) reste capital en pratique pour le diagnostic médical et le raisonnement en pneumologie. La majorité des progrès résulte en effet avant tout du perfectionnement des outils d’écoute à savoir le stéthoscope, le mode d’exploitation, l’analyse et la caractérisation des sons étant totalement négligés par les praticiens.

Fréquence

Il est généralement admis que la fréquence des sons pulmonaires se situe dans la plage de 50 à 2 500 Hz. Le spectre des sons cardiaques est quant à lui compris entre 20 et 100 Hz pour les signaux de base, et des fréquences plus élevées de 500 Hz et au-delà pour les souffles. En pratique clinique, il existe aujourd’hui de nombreuses définitions, parfois différentes, des caractéristiques de marqueurs communs tels que : le sibilant, le crépitant... Le texte de la partie 2 présente une synthèse la plus consensuelle possible des termes utilisés. Les connaissances reposent encore pour une grande part sur un empirisme certain et l’enseignement sur un compagnonnage. La description des caractéristiques des sons est encore très imagée. L’enregistrement et l’analyse des sons respiratoires devraient permettre une qualification plus précise des sons respiratoires normaux et par là même de la sémiologie pulmonaire. Alors que l’auscultation conventionnelle au stéthoscope est subjective et difficilement partageable, les systèmes de capture et d’analyse devraient apporter une aide au diagnostic objectif et précoce avec une meilleure sensibilité et reproductibilité des résultats.

Identifiés ou qualifiés

De nos jours, seuls quelques sons pulmonaires sont bien identifiés ou qualifiés sur le plan physique parmi lesquels les sibilants et crépitants. La détermination de ces caractéristiques physiques et la mise à disposition de nouvelles représentations de ces sons, sous forme de phonopneumogramme ou spectrogramme, ouvrent également des perspectives intéressantes dans le cadre de l’enseignement et de la pédagogie. Par exemple, les crépitants correspondent à une onde caractéristique dont l’aspect est indiqué dans la figure ci-jointe. On distingue : le « gros » crépitant (coarse crackle) qui est un crépitant avec un timbre plus grave, une forte amplitude et une longue durée (durée de 2 cycles › 10 ms) ; et le crépitant « fin » (fine crackle), qui présente un timbre plus aigu, une faible amplitude et une courte durée (durée de 2 cycles < 10 ms). Ces « outils » permettent en effet d’envisager la description et la mise à disposition d’une « nouvelle » sémiologie auscultatoire, s’appuyant sur des systèmes robustes d’analyse du signal et sur un visuel en plus du signal sonore habituellement capté par le praticien.

Une étude ambitieuse

C’est dans ce contexte que s’inscrit une étude ambitieuse qui vient d’être initialisée autour du projet ASAP : « Analyse des sons auscultatoires et pathologiques »*. L’objectif de ce projet de recherche tout à fait innovant est de faire entrer l’auscultation dans l’ère de la médecine factuelle en « redécouvrant » la sémiologie et en s’appuyant sur les outils de notre temps, avec une électronique de pointe et une informatique miniaturisée (portables, PAD, iPOD...) et des moyens modernes de communication (GSM, Bluetooth...). Ce projet a également pour objectif la découverte de nouveaux marqueurs auscultatoires pathologiques dans le cadre de l’asthme et des broncho-pneumopathies chroniques obstructives. Parmi les retombées du projet, on notera la création d’une école de l’auscultation à la faculté de médecine de Strasbourg. Le projet ASAP est en effet complémentaire à d’autres travaux menés localement dans le cadre de la sémiologie cardiaque par l’équipe du Dr Christian Brandt. Les étudiants en médecine pourront ainsi être formés dès leurs premières années de faculté, à pratiquer l’auscultation à l’aide de ces nouveaux outils, de supports visuels et sonores « intelligents ». D’autre part, ce projet pourra servir de base au développement de l‘e-auscultation dans le cadre de la télémédecine.

Pour en savoir plus:

S. Reichert, R. Gass, E. Andrès. Analyse des sons auscultatoires pulmonaires. ITBM-RBM 2007 ; 28 : 169-180.

S. Reichert, R. Gass, C. Brandt, E. Andrès. L’auscultation pulmonaire à l’ère de la médecine factuelle. Rev Mal Respir 2008 ; 25 : 1-9.

* Convention ANR n° 2006 TLOG 21?04 ; coordinateur Pr Emmanuel Andrès) par une équipe pluridisciplinaire composée des équipes médicales du CHRU, de la faculté de médecine de Strasbourg, du laboratoire LSIIT de l’Université de Strasbourg (ULP) et de l’IRCAD, avec le support des équipes de recherche en acoustique et en traitement de signal d’Alcatel-Lucent.

EMMANUEL ANDRÈS (1, A) RAYMOND GASS (2, A) (1) Service de médecine interne, clinique médicale B, CHRU Strasbourg. (2) Chief Technical Office, Alcatel-Lucent, Illkirch. (A) Ecole de l’auscultation, faculté de médecine de Strasbourg.

Source : lequotidiendumedecin.fr