Pneumonies communautaires

Les corticoïdes à faible dose prennent leur place

Publié le 14/06/2011
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Crédit photo : S Toubon

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Crédit photo : S TOUBON

COMME DANS LES SINUSITES et diverses autres infections, l’adjonction de faibles doses de corticoïdes à l’antibiothérapie classique semble bénéfique dans les pneumopathies communautaires. C’est ce que vient de confirmer une équipe néerlandaise de l’hôpital Saint Antonius, à Nieuwegein, dans une étude en double aveugle randomisée versus placebo. elle avait inclus 304 sujets non immunodéprimés atteints d’une pneumopahtie communautaire.

Le groupe traité par antibiotiques en association avec de la dexaméthasone IV à la dose de 5 mg/jour pendant quatre jours a récupéré plus vite que celui traité par antibiotiques seuls. La durée d’hospitalisation est passée ainsi de 7,5 jours à 6,5 jours avec une amélioration significative de la qualité de vie à 30 jours. La mortalité et la survenue d’effets secondaires graves se sont avérées rares et comparables entre les deux groupes, même si l’hyperglycémie était significativement plus fréquente dans le groupe dexaméthasone.

Juste ce qu’il faut en cytokines.

En terme de santé publique, le bénéfice substantiel d’une thérapie adjuvante telle que la corticothérapie est loin d’être superflue dans les pneumopathies communautaires, puisque la morbimortalité reste élevée malgré la vaccination et l’amélioration des schémas antibiotiques. La compréhension ces dernières années de la physiopathologie du sepsis a mis en lumière l’importance d’une réponse en cytokines équilibrée. Si les cytokines pulmonaires sont nécessaires pour lutter contre l’infection, une trop forte réponse peut mener à une défaillance d’organe avec choc septique. Dans l’idéal, il faudrait prévenir les complications systémiques de la réponse inflammatoire sans entraver la résolution de l’inflammation locale. C’est ainsi que, sous réserve d’exclure les situations d’immunodépression, les puissantes propriétés anti-inflammatoires des corticoïdes ont fait suggérer que de faibles doses administrées au stade précoce permettent d’accélérer la guérison des pneumonies.

Sur les 304 patients inclus entre novembre 2007 et septembre 2010, 153 étaient randomisés dans le groupe placebo et 151 dans le groupe dexaméthasone. Chez tous les participants, un traitement antibiotique était commencé et ce préalablement au protocole proprement dit de l’étude, conformément aux recommandations néerlandaises. À savoir par de l’amoxicilline seule dans les stades peu sévères (grade 1 et 2) ou en association à une fluoroquinolone ou un macrolide dans les stades plus sévères. Étaient exclus les sujets ayant un déficit immunitaire congénital ou acquis, traités par chimiothérapie, nécessitant une admission en unité de soins intensifs ou les femmes allaitantes. Presque la moitié des sujets inclus (143/304, 47 %) présentaient une infection sévère (grade 4-5), 79 (52 %) dans le groupe dexaméthasone et 64 (42 %) dans le groupe placebo.

Réserve en IL6 péjorative.

Outre la guérison clinique, les chercheurs confirment l’hypothèse qu’une administration précoce modifie la réponse immunitaire, comme en témoigne la normalisation plus précoce des taux de CRP et d’interleukine-6 (IL6). Le caractère prédictif péjoratif de cette dernière a été bien démontré par le passé. Un taux élevé à la sortie d’hospitalisation est associé à une mortalité plus forte à 90 jours et à 1 an, quelle que soit la sévérité initiale. Le taux d’IL6 pourrait ainsi être le reflet d’une réserve inflammatoire infraclinique et persistante. À score de qualité de vie équivalent au 3e jour d’admission, les patients traités par dexaméthasone se sont de plus estimés plus à l’aise dans leur vie sociale que le groupe placebo, à 90 jours.

Même si la dexaméthasone est administrée sur une courte durée de 4 jours, l’effet pharmacologique est présent du 1er au 11e jour avec une décroissance progressive, compte tenu de sa demi-vie de 36-54 heures. Malgré des réserves concernant la tolérance, les effets secondaires sont restés rares, avec un cas de perforation gastrique au 3e jour attribuable à la dexaméthasone. En revanche, une hyperglycémie était plus souvent rencontrée dans le groupe corticoïde, ce qui doit retenir l’attention en raison d’un risque potentiel majoré de complications. Bien que rares dans l’étude, de l’avis même des auteurs, les surinfections et les atteintes gastriques méritent d’être surveillées à l’avenir et mises en balance avec les bénéfices attendus de la corticothérapie.

Lancet, publié en ligne. DOI:10.1016/S0140-6736(11)60607-7.

> Dr IRÈNE DROGOU

Source : Le Quotidien du Médecin: 8981