Pneumonie sévère : l'hydrocortisone diminue par deux la mortalité

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Publié le 28/04/2023
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Une étude française publiée dans « The New England Journal of Medicine » démontre que l'hydrocortisone administrée précocement, et pour une durée limitée, diminue le risque de décès des patients admis en soins intensifs à la suite d'une pneumonie sévère.

L'intérêt des corticoïdes avait déjà été montré pour les pneumonies communautaires peu sévères

L'intérêt des corticoïdes avait déjà été montré pour les pneumonies communautaires peu sévères
Crédit photo : SCIENCE SOURCE/PHANIE

Les chercheurs de l'université de Tours, coordonnés par le Pr Pierre-François Dequin, chef du service de réanimation du CHRU de Tours, confortent l'intérêt de la corticothérapie par hydrocortisone dans les pneumonies communautaires sévères dans une étude de phase 3 (1).

Il avait déjà été démontré que les corticoïdes réduisent la durée d'hospitalisation pour les pneumonies communautaires peu sévères. La pratique est inscrite comme possible dans les recommandations européennes, mais pas américaines. « En France, la corticothérapie n'est pas entrée dans les mœurs », explique le Pr Dequin.

Quant aux formes traitées en soins intensifs, seule une petite étude italienne menée sur 46 patients par les chercheurs de l'université de Trieste avait rapporté des bénéfices à administrer de l'hydrocortisone sur l'état général, la durée d'hospitalisation et la mortalité (2). Par la suite, plusieurs études randomisées n'ont pas retrouvé d'effet sur la mortalité.

Ici, les chercheurs français ont recruté 800 patients atteints de pneumonie sévère admis en soins intensifs. Les participants ont été randomisés entre un groupe recevant de l'hydrocortisone par voie intraveineuse (200 mg par jour pendant quatre à huit jours, puis diminution progressive des doses pendant 8 à 14 jours) et un groupe placebo. Tous les patients recevaient en outre une antibiothérapie.

De meilleurs résultats à 28 jours

Au bout de 28 jours, 6,2 % des patients sous hydrocortisone étaient décédés, contre 11,9 % des patients du groupe placebo, soit une mortalité diminuée de moitié. Certains patients n'avaient pas besoin de ventilation mécanique lors de leur admission en soins intensifs. Dans ce groupe particulier, une intubation endotrachéale a finalement dû être pratiquée chez 18 % des membres du groupe hydrocortisone et 29,5 % de ceux du groupe placebo.

Les chercheurs se sont également penchés sur le cas des patients à qui on n'a pas prescrit de vasopresseur lors de leur admission. Au bout de 28 jours de traitement, 15,3 % des patients du groupe sous hydrocortisone et 25 % des patients du groupe placebo ont dû débuter un traitement vasopresseur.

La crainte de l'infection virale

L'identification du pathogène, dont la méthode était laissée à la discrétion des équipes participantes, n'a été faite que dans seulement 51,1 % des cas. « Le fait de ne pas toujours connaître le pathogène nous semblait être un problème car la principale crainte vis-à-vis des corticoïdes réside dans leur effet sur les infections virales, reconnaît le Pr Dequin. Une infection bactérienne peut être traitée conjointement par corticothérapie et antibiothérapie, mais il n'y a pas de traitement pour une infection virale dont on redoute une aggravation sous l'effet des glucocorticoïdes. »

Pourtant, la pandémie de Covid-19 a montré que les corticoïdes pouvaient améliorer la survie. Cela n'évacue pas pour autant la question du risque de complications pour tous les types de virus. D'ailleurs, dans leur étude, les chercheurs ont exclu les patients admis pour grippe sévère. « Il y a une incertitude pour ce virus, avec un a priori négatif », précise le Pr Dequin.

En ce qui concerne la sécurité, la fréquence des événements sévères était similaire dans les deux groupes. Le risque d'infection nosocomiale, en particulier, était de 9,8 % dans le groupe corticoïde contre 11,1 % dans le groupe placebo. Le risque de saignement gastrointestinal était tout aussi rare dans les deux groupes. Les doses nécessaires d'insuline étaient en revanche plus importantes dans le groupe hydrocortisone.

Un essai américain riche en enseignements

Parallèlement à l'essai français, une étude américaine nommée Escape, fondée sur la méthylprednisolone, a dû être stoppée en raison de difficultés de recrutement et n'a pas pu conclure à l'efficacité. Mais les différences méthodologiques entre les deux études sont très éclairantes sur la manière d'employer des corticoïdes en service de réanimation chez les patients atteints de pneumonie.

Cela commence par le type de corticoïde employé : « l'hydrocortisone est un glucocorticoïde naturel qui a des propriétés de régulation sur un grand nombre de fonctions vitales, plus que les corticoïdes de synthèse comme la méthylprednisolone », analyse le Pr Dequin. Par ailleurs, alors que le délai avant l'initiation du traitement était de 15 heures dans l'essai français, il allait jusqu'à trois jours après l'hospitalisation dans Escape.

Autre élément important : « les patients américains étaient traités pendant trois semaines quoi qu'il advienne, contre au maximum quatre à huit jours dans notre étude, et cinq jours en médiane, ajoute le Pr Dequin. On peut supposer qu'il n'est pas utile de traiter les patients trop longtemps en raison du risque d'effets indésirables. »

Enfin, l'étude Escape menée dans des centres pour vétérans de l'armée américaine comptait beaucoup moins de femmes que l'étude française dont un tiers de la population était féminine. « Est-ce que les hommes et les femmes se comportent de la même façon face aux corticoïdes ? C'est une question à poser », ajoute le Pr Dequin.

Pour ce chef de service, ces résultats sont de nature à influencer les pratiques actuelles. Des résultats complémentaires restent néanmoins nécessaires pour certaines populations spécifiques, précise-t-il, en particulier les patients immunodéprimés, peu nombreux dans l'étude française.

(1) P.-F. Dequin et al, New Engl J of Med, 2023. DOI : 10.1056/NEJMoa2215145
(2) M. Confalonieri et al, Am J Respir Crit Care Med, 2005. DOI: 10.1164/rccm.200406-808OC
(3) G. U. Meduri, Intensive Care Medicine, 2022, volume 48, pages 1009–1023

Damien Coulomb

Source : Le Quotidien du médecin