Ralentir la progression de l’affection

Un antifacteurs de croissance dans la fibrose pulmonaire idiopathique

Publié le 22/09/2011
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« CETTE ÉTUDE représente une avancée importante dans le traitement de cette maladie dévastatrice », commente, dans un éditorial du New England Journal of Medicine, le Dr Gregory Downey (Université du Colorado, à Denver). « Comparé aux autres approches thérapeutiques, comme l’administration d’antioxydants (N-acétylcystéine) et de pirfénidone, la suppression de l’inflammation par corticoïdes systémiques et agents immunosuppresseurs ou l’usage de cytokines antifibrotiques, les effets bénéfiques du BIBF 1120 brillent comme un phare sur une mer agitée de promesses non réalisées et d’essais cliniques infructueux. »

La fibrose pulmonaire idiopathique (FPI) est une maladie fibroproliférative rare, de cause inconnue, débutant après 50 ans. Elle se manifeste par une toux sèche et une dyspnée progressive. Elle évolue vers l’insuffisance respiratoire et le décès en 2 à 3 ans, en moyenne.

Libération de cytokines et de facteurs de croissance.

Des facteurs génétiques et environnementaux contribuent à sa pathogenèse. Ainsi, on pense, aujourd’hui, que, chez des personnes au terrain génétiquement permissif, une lésion pulmonaire persistante, provoquée par des facteurs environnementaux (infection virale, fumée de cigarette, irritants inhalés), suscite la libération de cytokines et de facteurs de croissance qui provoquent l’accumulation pulmonaire de myofibroblastes et la fibrose tissulaire.

Plusieurs facteurs de croissance fibrogéniques (TGF-bêta, PDGF, CTGF, FGF, et VEGF), agissant à travers leurs récepteurs tyrosines-kinases, ont été incriminés récemment. On a donc suggéré que l’inhibition de ces récepteurs pourrait ralentir la progression de la maladie.

Dans un essai de phase 2 international (25 pays), Richeldi et coll. ont évalué le BIBF 1120, un puissant inhibiteur oral des récepteurs tyrosines-kinases du PDGF, FGF et VEGF.

432 patients atteints de FPI ont été randomisés, en double insu, pour recevoir, pendant un an, soit le placebo, soit une des 4 doses du BIBF (50 mg/j ; 50 mg, 2 fois/j ; 100 mg 2 fois/j ou 150 mg 2 fois/j).

Le principal critère d’évaluation était le déclin de la capacité vitale forcée (CVF), une mesure pertinente de la fonction pulmonaire. Les critères secondaires étaient : les exacerbations aiguës, la qualité de vie (questionnaire respiratoire de St George au score de 0 à 100, le plus bas indiquant une meilleure qualité de vie) et la capacité pulmonaire totale.

Moins d’exacerbations aiguës.

Les résultats à 1 an sont prometteurs. Les patients traités avec la plus forte dose de l’inhibiteur (150 mg, 2 fois/j) montrent une tendance vers une réduction du déclin de leur fonction pulmonaire (CVF chutant de 0,06 l/an contre 0,19 l/an avec le placebo, soit une réduction du déclin de 68 %). Ils ont également moins d’exacerbations aiguës (2,4 contre 15,7 pour 100 patients-années) et une qualité de vie préservée (petite baisse du score de - 0,66 contre une augmentation de + 5,46 avec le placebo).

La dose la plus élevée du BIBF 1120 est associée a des symptômes gastro-intestinaux modérés plus fréquents et une toxicité hépatique (élévation des enzymes hépatiques chez 7 %).

« En raison de la tolérance raisonnablement bonne du BIBF chez la plupart des patients, nous avons déjà entamé un programme mondial de phase III, évaluant l’efficacité du BIBF 1120 à la dose de 300 mg/j comparé à un placebo, chez environ 1 000 patients atteints de fibrose pulmonaire idiopathique », confie au Quotidien le Dr Luca Richeldi (université de Modène, Italie). « Les premiers patients ont été enrôlés dans deux essais concomitants et les résultats sont espérés pour le début 2014… Par ailleurs, d’autres inhibiteurs des voies fibrogéniques sont en développement. Les prochaines années risquent fort d’être prometteuses pour le traitement de cette maladie pulmonaire dramatique ».

New England Journal of Medicine, 18 septembre 2011, Richeldi et coll.

 Dr VÉRONIQUE NGUYEN

Source : Le Quotidien du Médecin: 9009