Une formation de novo ?

Une nouvelle hypothèse dans l’embolie pulmonaire

Publié le 20/10/2009
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PENDANT DES DÉCENNIES, on a considéré l’embolie pulmonaire (EP) comme une séquelle d’une thrombose veineuse profonde (TVP). Formés aux extrémités des membres ou dans les veines pelviennes, les thrombi se détachent et voyagent jusqu’à la circulation artérielle pulmonaire. De ce fait, les thromboses veineuses profondes devraient coexister chez la majorité des patients, une partie du caillot demeurant là où il s’est formé après qu’une autre a migré.

Pourtant, la pratique ne semble pas confirmer cette description pathogénique, estiment George Velmahos et coll. (Boston) dans « Archives of Surgery ». Et certaines études semblent leur donner raison de douter. Par exemple, dans une étude chez 149 patients ayant une EP, moins d’un tiers a présenté des symptômes de TVP. L’imagerie détaillée des jambes d’une autre série de 169 patients ayant une EP, n’identifie une TVP que chez 43 % d’entre eux. Chez 131 patients traumatisés, 18 ont développé une TVP ou une EP, mais l’association des deux n’a été prouvée que chez 6. Parmi 200 traumatisés à haut risque, dépistés en prospective, 26 ont développé une TVP et 4 une EP. Mais il n’y a pas eu de progression vers une EP parmi les patients ayant une TVP et aucun des patients ayant une EP n’avait une TVP.

Pour argumenter la question, les auteurs ont réalisé une étude rétrospective à partir de dossiers médiaux recueillis dans un centre de traumatologie, en choisissant les patients explorés par les méthodes les plus fiables : l’angiographie pulmonaire CT (CTPA ou Computed Tomographic Pulmonary Angiography) et la phlébographie CT (CTV ou Computed Tomographic Venography) des veines pelviennes et des veines profondes proximales des membres inférieurs.

Sur une durée de trois ans, 247 patients ont eu ces deux examens complémentaires. Une EP a été diagnostiquée chez 46 (18 %) d’entre eux et une TVP chez 18 (7 %).

Dix-huit EP étaient centrales (artère pulmonaire principale ou lobaire) et 28 EP étaient périphériques (branches segmentaires ou sous-segmentaires).

L’EP est survenue au cours de la première semaine suivant le traumatisme dans les deux tiers des cas, notent ces observateurs. Sept patients ayant une EP avaient une TVP (4 fémorales, 2 poplitées et 1 iliaque). L’EP est centrale chez 5 patients, périphérique chez 2 patients. « Il n’y a pas de différences significative des variables examinées entre les patients ayant une EP et ceux n’ayant pas ce diagnostic. »

Les auteurs concluent : peu de patients ayant une EP avaient une TVP pelvienne ou veineuse distale. « Il est possible que l’origine de l’EP ne soit pas dans ces veines, mais qu’un caillot se forme de novo , dans les poumons. Un résultat qui peut avoir des implications en matière prophylactique et en particulier en ce qui concerne les filtres de la veine cave. »

L’avis d’un commentateur.

Un « invité critique » (Raul Coimbra, San Diego) écrit à la suite de l’article ses doutes concernant la synthèse in situ du caillot. « La réponse endothéliale au choc et au traumatisme est-elle différente de celle de l’endothélium qui tapisse le système veineux des extrémités ? », interroge-t-il. Et cela surviendrait-il à cause de l’inflammation ou de l’hypercoagulation ? Pour Coimbra, cet article, bien écrit et provocateur, soulève davantage de questions qu’il n’apporte de réponses.

Arch Surg, vol. 144, n° 10, octobre 2009, Velmahos et coll. p. 928-932 ; invité critique p. 932.

 Dr BÉATRICE VUAILLE

Source : lequotidiendumedecin.fr