Il y a un suicide post-partum par mois en France, soit 1,4 pour 100 000 femmes ayant accouché : ce sont les données de l’Enquête nationale confidentielle sur les morts maternelles (Cnemm), publiée en janvier 2021. Ces suicides sont définis comme survenant dans l’année suivant l’accouchement ; dans cette enquête, deux cas ont été accompagnés d’un infanticide.
Il existe un pic de vulnérabilité, quatre mois après le retour de la maternité, lorsque les femmes ne sont plus en contact avec les soignants et que l’attention de leur entourage est surtout focalisée sur l’enfant. « L’étude du parcours de ces femmes et des difficultés qu’elles ont rencontrées nous aide à mieux comprendre quelles améliorations apporter aux autres femmes, confrontées à ces mêmes difficultés », explique la Dr Catherine Deneux-Tharaux, directrice de recherche à l’Inserm.
Antécédents mal pris en charge
Un tiers des femmes qui se sont suicidées avaient une pathologie psychiatrique connue avant leur grossesse, et qui était prise en charge. Elles auraient donc dû bénéficier d’un suivi multidisciplinaire, associant l’équipe de psychiatrie et celle de la maternité, pendant, et après, leur grossesse. « Malheureusement cette prise en charge n’a été réalisée correctement que dans 20 % des cas. C’est donc un point d’amélioration sur lequel il faut travailler », estime la Dr Deneux-Tharaux.
Pour un autre tiers des femmes ayant passé à l’acte, il y avait bien des antécédents psychiatriques, mais qui n’ont pas été dépistés ou sous-évalués. « Le dépistage de ces femmes pourrait être amélioré, en posant systématiquement des questions simples, du type : avez-vous vécu un évènement difficile important dans votre vie ? Avez-vous eu des difficultés à l’adolescence ? Avez-vous eu des problèmes alimentaires ? Avez-vous déjà consulté un psychologue ou un psychiatre ? Avez-vous déjà eu des idées de mort ? », donne pour exemples la Dr Deneux-Tharaux. L’équipe obstétricale doit avoir ce réflexe, mais pas seulement. Le généraliste est également concerné : amené à revoir la mère en consultation de post-partum ou pour l’enfant, il lui est possible de lui demander à cette occasion comment elle se sent, et ainsi jouer un rôle clé face à des mères qui perdent pied.
Enfin, pour un tiers des femmes, aucun antécédent ou signe d’appel n’a été retrouvé : on serait donc dans le cadre d’une dépression du post-partum sans facteur de risque identifié. « Il y a un contexte de conjoint absent dans 25 % des cas et un contexte social de vulnérabilité dans 40 % des cas (comme un chômage par exemple), souligne toutefois l’épidémiologiste. Il s’agissait plus souvent d’un premier enfant, voire d’une grossesse gémellaire, ou, encore, un contexte de deuil périnatal, qui nécessite toujours une très grande vigilance. En revanche, il n’a pas été trouvé plus de suicides chez les femmes migrantes enceintes. »
Une meilleure formation des professionnels de santé
Seulement 10 % des suicides ont été jugés inévitables, notamment chez des femmes qui avaient une pathologie psychiatrique connue, qui étaient bien prises en charge et surveillées de façon étroite. « Mais, pour les 90 % des autres femmes, le grand enseignement de cette enquête est qu’il reste encore de grandes opportunités d’amélioration », insiste la Dr Deneux-Tharaux.
Les femmes ayant des antécédents psychiatriques doivent être accompagnées à la fois par leur psychiatre et par leur maternité. « Les deux équipes doivent donc se mettre en rapport : ajustements éventuels des traitements, évaluation de la façon dont la femme va pouvoir investir son enfant et enfin, suivi après son accouchement (continuité des soins) sont nécessaires », insiste la Dr Deneux-Tharaux. Cela demande de mieux former les professionnels de santé amenés à rencontrer les femmes enceintes, de rendre l’offre de soins plus lisible et de développer des parcours de soins coordonnés en santé mentale périnatale.
« Pour les femmes sans antécédents psychiatriques connus, la prévention du risque suicidaire passe par un meilleur dépistage des signes d’alerte et, donc, également par une formation des professionnels de santé. Là encore, il faut une offre de soins bien lisible pour mieux entourer ces femmes. Il faut enfin alerter les familles sur cette période de vulnérabilité », ajoute la Dr Deneux-Tharaux.
Entretien avec la Dr Catherine Deneux- Tharaux, directrice de recherche à l’Inserm, Université de Paris
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