Maladie chronique ou handicap lors du confinement : une plus forte détresse psychologique par crainte de « tri » et d'inégalité d'accès aux soins

Par
Publié le 07/07/2021
Article réservé aux abonnés

Crédit photo : PHANIE

Difficultés à appliquer les mesures sanitaires, crainte d’une moins bonne prise en charge en cas de Covid-19, diminution du suivi médical ou médico-social : en raison de ces facteurs spécifiques, les personnes vivant avec une maladie chronique ou un handicap ont connu, pendant le premier confinement, une plus grande vulnérabilité à la survenue de détresse psychologique que la population générale.

Une enquête de l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes) s’est en effet penchée sur l’expérience de ces populations à travers un questionnaire en ligne diffusée via un réseau social et des associations. Parmi les près de 1 200 répondants (68 % de femmes, âge moyen de 57 ans et âge médian de 58 ans), deux tiers (66,7 %) présentaient au moins une maladie chronique exposant à un risque d’infection plus sévère de Covid-19. Par ailleurs, 26,8 % souffraient de limitations ou d’une maladie chronique d’ordre psychique, intellectuel ou cognitif, 73,9 % d’ordre moteur ou sensoriel et 59,9 % d’ordre viscéral ou métabolique. Seule une minorité (14 %) ne présentait pas de difficultés à réaliser des activités de la vie quotidienne avant le confinement.

57 % ont connu un épisode de détresse psychologique

L’enquête révèle que plus de la moitié des répondants (57 %) ont ressenti une détresse psychologique, dont 24 % d’intensité sévère. Après ajustement, « la survenue de détresse psychologique au cours du confinement est associée à des facteurs de vulnérabilité similaires à ceux observés dans un échantillon représentatif de la population générale française », notent les auteurs, soulignant que la faiblesse des liens sociaux, la dégradation des ressources financières du foyer, le ralentissement des activités de loisirs ou encore le nombre de mètres carrés disponibles par occupant du foyer ont affecté l’ensemble de la population, y compris les personnes vivant avec une maladie chronique ou un handicap.

En revanche, certains facteurs de vulnérabilité sont spécifiques à ces populations. Les difficultés à appliquer les mesures sanitaires sont ainsi significativement associées à un risque accru de survenue de détresse psychologique, « bien que l’effet soit faible ». La réduction du suivi médical et médico-social habituel, observée chez plus de la moitié des répondants, a également été un facteur de vulnérabilité, ce qui souligne la nécessité de le maintenir et de l'adapter.

Vivre avec des limitations ou une maladie chronique d’ordre psychique, intellectuel ou cognitif est « systématiquement » associé à un risque accru de survenue de détresse psychologique. Ce constat rejoint ceux posés par des publications internationales, malgré des contextes nationaux différents, relèvent les auteurs. L’une des hypothèses avancée souligne le rôle des vulnérabilités préexistantes. Des « événements de grande ampleur générant une forte incertitude, demandant une forte résilience et des mécanismes d’adaptation » peuvent conduire « à des rechutes et des dégradations de la santé mentale chez des personnes déjà fragilisées », expliquent les auteurs.

Surtout, un tiers des répondants ont déclaré craindre ne pas être pris en charge comme la population générale en cas de symptômes de Covid-19. Alors que la question du tri des patients en réa a été médiatisée lors de la première vague, la crainte d’une moins bonne prise en charge a été « fortement » associée à un risque accru de détresse psychologique.

Rassurer sur le principe d'égalité dans l'accès aux soins

Lors du premier confinement, le Défenseur des droits a insisté sur « le principe d’égal accès aux soins » et a invité à « établir les modalités de prise en charge sanitaire uniquement sur des critères médicaux et une évaluation individuelle au cas par cas », rappellent les auteurs. Mais, une étude française a objectivé la « moindre admission en unités de soins intensifs » des personnes vivant avec un trouble schizophrénique, « même après ajustement sur leur état de santé général et leurs facteurs de risque ».

L'enquête de l'Irdes met en évidence la nécessité de « renforcer la communication sur la garantie et la nécessité d’une prise en charge équitable en cas d’infection par le Covid-19 », estiment ainsi les auteurs, suggérant également de favoriser l’adaptation des mesures sanitaires aux spécificités de ces publics, de prendre en charge précocement toute détresse psychologique et de maintenir le suivi médical et médico-social.

Cette enquête menée en ligne ne répondant pas aux critères de représentativité des populations ciblées, les auteurs insistent également sur la « nécessité d’entamer une réflexion sur la création d’un échantillonnage représentatif à l’échelle nationale des personnes vivant avec une maladie chronique ou un handicap, qui pourrait notamment être mobilisé de façon réactive lorsqu’il s’avère indispensable d’obtenir des données en temps réel ».

De même, alors que des conséquences à plus long terme, non encore observables, « sont également à craindre », les auteurs invitent à « documenter les impacts au long cours » des mesures sanitaires sur ces publics, via notamment « un faisceau d’indicateurs complémentaires (espérance de vie, ruptures dans les parcours de soins, hospitalisations évitables…) ».


Source : lequotidiendumedecin.fr