CES RECOMMANDATIONS portent sur cinq questions principales : classification, diagnostic, modalités de prise en charge thérapeutique, prévention et aspects médico-légaux.
Les infections ostéoarticulaires sur matériel peuvent être classées selon différents critères, comprenant le mode de contamination suspecté (direct, hématogène ou par contiguïté), l’intervalle libre entre la pose du matériel et la survenue des symptômes, l’état mécanique du foyer infecté, la localisation (os périphérique, articulation, rachis), l’état des parties molles et de la couverture cutanée, et enfin le statut du malade (terrain, état général, âge, environnement socioprofessionnel). On parle d’infection précoce lorsqu’elle survient dans le premier mois postopératoire, d’infection retardée entre 2 et 6 mois, et d’infection tardive au-delà de 6 mois. Le terme d’infection aiguë peut prêter à confusion, une infection aiguë pouvant survenir à distance, en particulier si le mode de contamination est hématogène.
Il existe, en France, un manque de données épidémiologiques, notamment prospectives. Les infections sur matériel surviennent essentiellement chez l’adulte, à l’exception de la localisation rachidienne qui concerne également les enfants. Les staphylocoques sont les micro-organismes les plus souvent en cause.
Un diagnostic microbiologique indispensable.
Le diagnostic positif d’infections sur matériel fait appel à un faisceau d’arguments. La douleur est le signe clinique le plus fréquent. La CRP est le seul paramètre biologique utile. L’utilisation des techniques d’imagerie répond à une stratégie, qui est fonction du délai de survenue. Dans les infections précoces, la place de l’imagerie est restreinte en dehors de l’échographie, à l’exception de la localisation rachidienne dans laquelle l’IRM peut être utile.
En cas d’infections retardées ou tardives, les radiographies standards sont réalisées en première intention. Le scanner, ou l’IRM pour le rachis artéfacté par le matériel, se positionne en deuxième intention, permettant de faire d’éventuelles ponctions radioguidées. La scintigraphie osseuse couplée à une scintigraphie aux polynucléaires marqués peut être informative en troisième intention, dans le cadre d’une imagerie hydride associant un scanner.
Les analyses microbiologiques sont essentielles, à partir de prélèvements profonds multiples, chirurgicaux (minimum 5) ou par ponction, à distance de toute antibiothérapie. La culture doit être prolongée sur des milieux appropriés, car les bactéries sont difficiles à cultiver (small colony variants). En cas de bactéries appartenant à la flore commensale cutanée, notamment staphylocoque à coagulase négative, corynebactéries et Propionibacterium acnes, trois prélèvements positifs sur cinq sont nécessaires pour établir le diagnostic. Un seul prélèvement positif suffit pour les autres bactéries : S. aureus, streptocoques et bacilles à Gram négatif.
Certaines techniques nouvelles sont en voie d’évaluation, comme la sonication du matériel permettant de décrocher les bactéries du biofilm, ou la biologie moléculaire (ARN 16S).
Traitement chirurgical et antibiotique
Le traitement doit être avant tout chirurgical associé à une antibiothérapie. La réalisation d’un débridement-lavage chirurgical dans les 10 à 15 jours suivant une infection aiguë, associée à une antibiothérapie adaptée de 4 à 6 semaines, peut permettre de laisser le matériel en place. Dans les autres cas, le retrait est nécessaire. L’explantation-réimplantation des prothèses est possible en 1 temps en fonction de critères variables selon les centres. La réalisation en deux temps permet un meilleur contrôle infectieux, mais au détriment de la fonction en cas de deux temps longs.
Le traitement antibiotique adapté est prescrit pour une durée qui ne devrait pas dépasser trois mois. Débuté par voie intraveineuse, le relais oral doit se faire avec des antibiotiques à bonne disponibilité et bonne tolérance. Le recours à une antibiothérapie locale sous forme de ciment aux antibiotiques ne dispense pas d’une antibiothérapie systémique. En cas de contre-indication à la chirurgie ou de refus du patient, l’antibiothérapie suppressive n’est que palliative. Cependant, dans les localisations rachidiennes, l’ablation des implants est souvent impossible ou différée dans le temps.
Prise en charge médico-psychologique et sociale.
Le traitement de la douleur, la continuité de la prise en charge en rééducation (en évitant le risque de contamination croisée et en surveillant la cicatrice), tout comme la prise en charge médico-psychologique et sociale des conséquences souvent graves de ces infections, sont indispensables. Les cas complexes doivent pouvoir bénéficier d’une prise en charge multidisciplinaire avec des RCP dans des centres de référence interrégionaux. Le suivi des patients est recommandé jusqu’à un à deux ans après l’arrêt de l’antibiothérapie.
Les mesures de prévention doivent être identiques à celles réalisés en chirurgie orthopédique non septique : antibioprophylaxie systémique et avec ciments aux antibiotiques pour les prothèses, décontamination cutanée, traitement de l’air en salle, discipline des personnels et surveillance environnementale… Il n’y a pas lieu de respecter un ordre de passage au bloc orthopédique si toutes les mesures préventives sont prises, notamment le respect du temps de décontamination de la salle. Il n’existe pas de preuves formelles d’efficacité des unités orthopédiques septiques sur la prévention des infections du site opératoire. Tout patient infecté doit bénéficier des précautions « standards », au besoin renforcées par des précautions « contact ».
Aspects médico-légaux.
Une information sur les risques et les traitements doit être délivrée à tout patient hospitalisé en chirurgie orthopédique. La tenue d’un dossier médical complet est obligatoire. En cas de litige, l’appréciation de l’imputabilité et de l’évitabilité nécessite l’intervention d’experts ayant des compétences suffisantes en chirurgie orthopédique, en infectiologie et en hygiène. L’expert doit s’assurer de la conformité de la prise en charge selon les recommandations actuelles. La réparation médico-légale se fait en fonction des règles inhérentes à chaque type de juridiction, avec une possibilité de prise en charge par les CRCI (Commissions Régionales de Conciliation et d’Indemnisation) dans le cadre des infections associées aux soins.
* D’après un entretien avec le Pr Michel Dupon, président du Comité d’organisation, chef du service des maladies infectieuses et tropicales, hôpital Pellegrin, Bordeaux.
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