Infections précoces après ostéosynthèse d’os long

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Publié le 07/11/2016
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BONNEVIALLE 11

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BONNEVIALLE 1

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Bonnevialle 3

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BONNEVIALLE 9

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Bonnevialle 2

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BONNEVIALLE 10

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BONNEVIALLE 8

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BONNEVIALLE 13

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BONNEVIALLE 7

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BONNEVIALLE 12

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BONNEVIALLE 6

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Bonnevialle 4

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L’infection précoce après ostéosynthèse d’un os long (IPOL) comprend les manifestations septiques prouvées bactériologiquement, du site opératoire et/ou de la voie d’abord survenant entre la période postopératoire immédiate et la consolidation, soit 6 mois. Leur fréquence est entre 1 et 4 %, selon le siège de la fracture et les circonstances traumatiques. La chirurgie de reprise s’inspire des principes de celle des arthroplasties.

Un diagnostic circonspect

Cliniquement, l’IPOL se présente sous plusieurs aspects :

- écoulement purulent au niveau de la voie d’abord et/ou du site opératoire dans un contexte fébrile ;

- incident cicatriciel et/ou évolution fonctionnelle défavorable et inhabituelle (douleur locorégionale, raideur articulaire)

- absence de signe de consolidation radiologique au cours des premiers mois, associée ou non à une ébauche de faillite de l’ostéosynthèse.

Les modifications des marqueurs biologiques peuvent aider. L’échographie ou la tomodensitométrie avec séquences spécifiques permettent d’identifier une collection profonde péri-osseuse. Le diagnostic de certitude d’une IPOL passe par la mise en évidence du germe in situ d’au moins 3 - au mieux 5 - prélèvements bactériologiques réalisés au contact du matériel et/ou dans les plans profonds de la voie d’abord. Cela la différencie de facto de l’incident cicatriciel (IC), qui au contraire épargne le site opératoire. L’IC n’est pas une infection, mais en fait le lit.

Une enquête pathogénique loyale

La pathogénie d’une IPOL relève soit d’une infection à partir de l’ouverture traumatique contaminée et non maîtrisée par le parage initial, soit d’une origine nosocomiale. La contamination peut se faire directement ou être d’origine hématogène (notamment chez les polytraumatisés). Les facteurs favorisants l’IPOL sont l’ouverture initiale du foyer de fracture et certaines comorbidités : diabète, tabagisme, obésité

La contamination bactérienne osseuse est responsable d’une réaction inflammatoire compliquée de nécrose par le biais de thromboses vasculaires. La nécrose tissulaire pérennise l’infection et empêche l’élimination de l’agent pathogène au sein d’une fibrose, résistante aux antibiotiques.

Le biofilm, au cœur de la conduite thérapeutique

Initialement, les bactéries responsables de l’infection adhérent au matériel d’ostéosynthèse et se regroupent au sein d’un biofilm en microcolonies attachées. Celui-ci assure à la bactérie une protection passive en s’opposant à la phagocytose et rend inefficace les antibiotiques.

On distingue ainsi deux étapes évolutives : avant la constitution du biofilm (< 3 semaines) après (infection retardée, > 3-4 semaines), où les bactéries sont principalement incluses dans le biofilm et adhérentes au matériel.

Prise en charge

L’implication active du bactériologiste et de l’infectiologue dans la gestion d’une IPOL est incontournable.

Un geste chirurgical est indispensable : la plaie traumatique ou la (les) voie(s) d’abord doivent être parées et lavées de manière agressive, foyer de fracture compris : excision des tissus nécrotiques, sacrifice des fragments revascularisés, lavage pulsé.

En présence d’une ostéosynthèse mécaniquement irréprochable, d’un foyer correctement réduit et si le geste est effectué dans les 3 à 4 premières semaines, l’ostéosynthèse sera conservée. Sinon, elle sera retirée. Trois options sont alors possibles :

- changement complet d’ostéosynthèse ;

- dépose de l’ostéosynthèse, stabilisation du segment de membre par un traitement orthopédique dans l’attente d’une future ostéosynthèse ;

- solution intermédiaire, avec dépose du matériel profond et stabilisation par fixateur externe, soit provisoire en attente d’une nouvelle ostéosynthèse, soit définitive si la consolidation survient.

Une antibiothérapie adaptée, par voie parentérale et synergique, pendant 4 à 6 semaines est nécessaire.

Exemple d'infection précoce d'un site opératoire superficiel.

Patient de 23 ans victime d'un traumatisme à haute énergie présentant une fracture fermée du pilon tibial avec contusion cutanée.

PHOTOS 1 à 6 ICI

En site osseux superficiel

Sur la palette humérale, l’ulna proximal, les massifs métaphyso-épiphysaires proximal et distal du tibia, le recouvrement du foyer ostéosynthèsé n’est assuré que par la peau, le tissu sous cutané et une mince aponévrose : toute nécrose se transforme quasi inéluctablement en IPOL, avec exposition du matériel. Deux problèmes se posent alors : la gestion des parties molles et le maintien ou non du matériel.

En cas d’IPOL immédiate, le matériel peut être conservé sous couvert d’une antibiothérapie adaptée ; la peau est à nouveau suturée après un parage conservateur.

Lors d’IPOL est retardée, le matériel doit être enlevé ; il existe alors deux situations selon l’état cutané.

Face à un site opératoire jugé suturable de manière occlusive après parage, si en plus le foyer est en voie de consolidation, le complément de stabilité est assuré provisoirement par une immobilisation orthopédique ou un fixateur externe (Fig. 1). Sinon, il faut maîtriser l’infection pour réaliser une ostéosynthèse secondaire avec stimulation de l’ostéogenèse selon une technique en deux temps.

Au contraire en cas de perte de substance cutanée, le problème est double : couverture cutanée et stabilité de la fracture. Le traitement comporte la dépose du matériel, la réalisation d’un lambeau, la stabilisation du membre par un fixateur externe avec éventuellement un pontage provisoire de l’articulation en attente d’une d’ostéosynthèse secondaire après guérison de l’infection.

Exemple de fracture fermée de jambe compliquée d'une infection précoce

PHOTO 7 0 LA FIN ICI

En site osseux profond

Sur les diaphyses de l’humérus, des deux os de l’avant-bras, du fémur et du tibia, l’ouverture cutanée traumatique a une gravité moins importante, en raison de la protection du site osseux par l’enveloppe musculo-aponévrotique (à l’exception de la diaphyse tibiale dont la face médiale est peu protégée).

Chacun des sites opératoires doit être débridé, paré et lavé jusqu’au matériel. Les principes généraux restent les mêmes. En cas d’IPOL immédiate, la conservation de l’ostéosynthèse est possible et la problématique se résume à la gestion des parties molles. En cas d’IPOL retardée, la dépose complète de l’ostéosynthèse est nécessaire, le tout modulé par l’état du revêtement cutané après parage, le type d’ostéosynthèse en place, l’avancement de la consolidation. Les différentes options seront alors discutées en RCP.

Le conflit consolidation/infection

L’infection précoce est une des principales causes de non-consolidation. La certitude de la guérison de l’infection repose sur un faisceau d’arguments, cliniques, biologiques, radiologiques et thérapeutiques. Il faut entreprendre, sans attendre la consolidation, un acte stimulant l’ostéogenèse.

Si le matériel initial est encore en place, les gestes pour stimuler la consolidation les plus simple sont l’ablation des vis de verrouillage pour dynamisation d’un enclouage, l’autogreffe de moelle ou de plaquettes ; les plus invasifs sont l’autogreffe spongieuse, en sarcophage ou inter fibulotibiale pontant le foyer, le changement de clou avec sur-alésage. La confirmation de la guérison sera apportée par les prélèvements systématiques peropératoires.

Si le matériel interne a été provisoirement déposé, en présence d’un fixateur externe, il est préférable de le déposer pour obtenir la cicatrisation des orifices des fiches et pratiquer une ostéosynthèse définitive après au moins une à deux semaines d’attente. Plus rarement, le ou les parages successifs ont abouti à une perte de substance osseuse. Au membre supérieur, et surtout au tibia, la réalisation d’une entretoise au ciment dans le cadre d’une technique de la membrane induite trouve alors une excellente indication.

Département d’orthopédie traumatologie, hôpital PP Riquet, CHU Toulouse

D’après la conférence d’enseignement du Pr Paul Bonnevialle

Source : Le Quotidien du médecin: 9532