Anticorps monoclonaux

Gérer les effets secondaires des biothérapies

Par
Publié le 26/04/2018
Article réservé aux abonnés
anticorps monoclonal

anticorps monoclonal
Crédit photo : Phanie

L’immunothérapie a révolutionné le pronostic du mélanome avancé ou métastatique, en permettant un gain de survie remarquable. Le recours à ces médicaments, jusqu’alors surtout utilisés par les dermatologues, va s’étendre à d’autres tumeurs métastatiques, notamment bronchiques et urothéliales, ainsi qu’à la maladie de Hodgkin. Il s’agit d’anticorps monoclonaux (ipilimumab, pemprolizumab et nivolumab), inhibiteurs des check-points immunitaires, qui agissent en activant la voie des lymphocytes et donc en rétablissant l’immunité naturelle anticancéreuse, auparavant inhibée par les cellules tumorales. Un mode d’action qui est à l’origine de toute une gamme d’effets secondaires de type immunitaires, notamment de colites inflammatoires, d’atteintes cutanées, endocriniennes ou neurologiques auto-immunes.

« Mais on observe aussi des atteintes rhumatologiques qui peuvent être très variées », relève le Dr Aline Frazier-Mironer, rhumatologue à l’hôpital Lariboisière (Paris). Soit des maladies avec auto-anticorps comme la polyarthrite rhumatoïde, des syndromes secs, parfois un syndrome de Gougerot-Sjögren, et des myosites. Soit des formes plus frustes comme des syndromes secs sans auto-immunité identifiée, ainsi que des rhumatismes psoriasiques ou des pseudopolyarthrites rhizoméliques. « Ces traitements sont également susceptibles de réactiver un rhumatisme inflammatoire quiescent, avec par exemple la survenue d’une poussée chez un patient souffrant d’une spondyloarthrite [SpA] jusqu’alors d’activité modérée », ajoute le Dr Aline Frazier-Mironer.

Ces effets secondaires rhumatologiques sont restés longtemps au second plan, mais ils sont désormais bien documentés dans une dizaine de séries de cas. Cela a conduit à faire un recueil plus systématique des manifestations articulaires survenant dans ce cadre, qui répondent le plus souvent à des traitements symptomatiques (AINS, corticoïdes, antalgiques, infiltrations…). Parfois, un traitement de fond est nécessaire. Le recours à une biothérapie (hors AMM) pourrait donner de bons résultats sur l’atteinte rhumatologique sans obérer la réponse tumorale.

Par ailleurs, des données récentes suggèrent que ces effets secondaires immunologiques seraient associés à une meilleure réponse au traitement. « Ils traduiraient une trop grande capacité de réactivation du système immunitaire chez certains patients, pour lesquels le juste traitement doit être trouvé », avance le Dr Frazier-Mironer.

Données contradictoires pour le védolizumab

Autre biothérapie susceptible d’entraîner des effets secondaires rhumatologiques, le védolizumab, un anticorps monoclonal qui agit en bloquant l’intégrine α47, molécule qui permet l’acheminement des lymphocytes au niveau du tube digestif au cours de la maladie de Crohn et de la rectocolite hémorragique. Indiqué dans les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI) chez les patients en échec d’un anti-TNF, le védolizumab s’accompagne de taux de réponse de l’ordre de 40 à 50 %. « Cet anticorps permet d’apporter une solution à certains patients ayant une atteinte sévère, développe le Dr Frazier-Mironer. Des effets secondaires rhumatologiques ont été rapportés dans les études de phase III, mais les données sont contradictoires. Une revue de la littérature va prochainement publier quelques séries de cas à type d’exacerbations de SpA connue ou d’apparition de novo d’une SpA chez des patients sous védolizumab pour une MICI. Il faut désormais comprendre si c’est le traitement qui favorise ces manifestations rhumatologiques ou bien s’il n’est efficace que sur la part digestive d’une même maladie. »

« Les rhumatologues doivent connaître les effets collatéraux de ces traitements et travailler en collaboration avec les collègues des autres spécialités », estime le Dr Frazier-Mironer. Il faut à la fois trouver le juste milieu entre leurs effets positifs et leurs effets indésirables, et poursuivre les recherches sur les traitements capables d’améliorer les diverses facettes d’une maladie : inflammatoire, intestinale, rhumatologique, dermatologique… Les anti-JAK, qui ont une autorisation de mise sur le marché dans la PR et une autorisation temporaire d’utilisation dans la rectocolite hémorragique, pourraient être intéressants chez les patients ayant une MICI et une atteinte rhumatologique. C’est ce que suggèrent des données récentes, qui restent à confirmer.

D’après un entretien avec le Dr Frazier-Mironer, rhumatologue à l’hôpital Lariboisière (APHP).

(1) Brahmer JR et al. J Clin Oncol. 2018 Feb 14. doi: 10.1200/JCO.2017.77.6385
[OU :]
Brahmer J.R., Lacchetti C., Schneider B. J. « Management of immune-related adverse events in patients treated with immune checkpoint inhibitor therapy: American Society of Clinical Oncology clinical practice guideline », Journal of Clinical Oncology, février 2018

Dr Isabelle Hoppenot

Source : Bilan Spécialiste