Ostéoporose

Risque fracturaire, stratégie thérapeutique

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Publié le 07/04/2016
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Entre 2011 et 2013, le nombre de fractures ayant donné lieu à une hospitalisation a augmenté de 5 % par an en moyenne, selon les données de la caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés. Même si toutes ces fractures ne sont pas secondaires à une fragilité osseuse (mais une majorité le sont), cette évolution montre bien que la prise en charge de l’ostéoporose n’est pas optimale. Surtout qu’au cours de la même période, le nombre de densitométries osseuses a diminué de 6 % par an. Parallèlement en termes de prescription médicamenteuse, on assiste à une explosion du recours à la vitamine D, dont l’efficacité reste modérée, et à une baisse de 10 % par an des traitements anti-ostéoporotiques, notamment les bisphosphonates qui restent les plus prescrits. « Les raisons de cette évolution sont mal connues, mais certains messages négatifs sur les médicaments relayés auprès du grand public ont pu jouer un rôle », estime le Pr Bernard Cortet.

Certaines publications jettent elles aussi le trouble en indiquant que les fractures sont liées à l’avancée en âge et à la perte musculaire et surviennent souvent chez des patients sans ostéoporose densitométrique (1). « Mais ceci ne doit pas empêcher de traiter les patients à risque élevé de fracture pour lesquels les bénéfices des traitements anti-ostéoporotiques sont démontrés », insiste le Pr Cortet. Quant à l’opposition faite entre traitements médicamenteux et mesures non pharmacologiques (2), telles que la prévention de la perte musculaire et des chutes largement mises en avant dans les recommandations du GRIO-SFR, elle n’a pas lieu d’être puisque les deux approches vont de pair ».

Un travail australien conclut bien à une augmentation du risque de nouvelle fracture et de décès, notamment lorsque la densité minérale osseuse est abaissée, et ce chez les femmes comme chez les hommes.

Plusieurs études récentes soulignent que certaines pathologies insoupçonnées jusqu’alors peuvent être à l’origine d’une augmentation du risque de fracture. Ainsi chez le patient diabétique de type 1, l’augmentation du risque de fracture est nette mais elle concerne un nombre relativement limité de sujets. Dans le diabète de type 2, alors que le surpoids joue a priori un rôle protecteur et que la Densité minérale osseuse (DMO) est plus élevée, on observe également une augmentation du risque de fractures, d’autant plus élevée que le contrôle glycémique est moindre : le risque de fracture de hanche chez les sujets de plus de 65 ans est de 25 à 30 % plus élevé lorsque l’hémoglobine glyquée dépasse 9 %, comparativement à une HbA1c de 6 à 7 % (4).

Le rôle du poids et de ses variations est bien souligné dans une autre étude, menée sur une vaste cohorte de femmes ménopausées (5). « Même si les seuils retenus dans cette analyse peuvent être critiquables, la perte de poids est associée à une augmentation du risque de fracture de hanche, et la prise de poids à celui de fracture des membres (surtout inférieurs), en particulier du tibia », note le Pr Cortet.

« Toujours dans l’évaluation du risque, quelle place accorder en clinique à la mesure du TBS (Trabecular bone score), un paramètre de texture osseuse calculé à partir des images d’ostéodensitométrie au rachis lombaire ? », interroge le Pr Cortet. Une méta-analyse (6) confirme son caractère prédictif indépendant du FRAX. Mais une étude de biomécanique plus fondamentale (7) montre que la pente du variogramme, un équivalent du TBS, n’est que faiblement corrélée à la résistance osseuse, contrairement à la DMO.

Une stratégie plus fine, de nouvelles molécules

Dans le domaine thérapeutique, les résultats à 4 ans de l’étude DATA-switch (8) apportent des données intéressantes en termes de stratégie. Dans sa première phase, cette étude avait souligné les bénéfices sur la DMO de l’association du tériparatide et du dénosumab chez des femmes ménopausées, gain confirmé à 4 ans par l’étude d’extension. Le traitement séquentiel par téripatide puis par dénosumab se traduit par la poursuite des bénéfices sur la DMO, ce qui n’est pas le cas de la séquence inverse, dénosumab puis tériparatide. « Ainsi, chez une femme à risque et en l’absence de contre-indication, il est licite de se poser la question du recours premier au tériparatide en respectant bien évidemment les conditions de remboursement (au moins 2 fractures vertébrales) », indique le Pr Bernard Cortet.

Enfin, à côté du dénosumab, d’autres traitements ciblés pourraient venir élargir l’arsenal thérapeutique. Deux inhibiteurs de la sclérostine sont en cours de développement, dont l’avantage potentiel est d’accroître fortement la formation osseuse sans augmenter la résorption (et même en la diminuant dans un 1er temps). L’administration de blosozumab apporte un gain osseux très net, de près de 17 % à un an pour la posologie la plus élevée, soit environ le double de ce qui est observé avec le tériparatide. Mais ce bénéfice disparaît assez rapidement à l’arrêt du traitement (9). Les résultats d’une étude de phase 3 romosozumab versus placebo sont attendus en 2016. « Ces molécules pourraient être utilisées sur une période assez courte chez des femmes à risque très élevé de fracture, et relayées par un inhibiteur de la résorption osseuse afin de préserver le gain de DMO », conclut le Pr Cortet.

D’après un entretien avec le Pr Bernard Cortet, Président du Groupe de recherche et d’information sur les ostéoporoses (GRIO), CHU Lille

(1) Järvinen TLN et al. BMJ 2015;350:h2088

(2) Järvinen TLN et al. J Intern Med. 2015;277(6):662–673

 

Dr Isabelle Hoppenot

Source : Bilan Spécialiste