Infiltrations cortisoniques dans la gonarthrose

Vraiment utiles ?

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Publié le 20/05/2020

Deux méthodes de prise en charge de la gonarthrose ont été comparées dans une étude récemment parue au « New England Journal of Medecine ». Si un bénéfice est observé dans les deux cas, il se révèle supérieur avec le protocole de kinésithérapie…

Crédit photo : Phanie

Décidément, le New England Journal of Medicine récidive ! Encore un article original de rhumatologie « mécanique » pendant l’épidémie de Covid. Et celui-ci est aussi au cœur de notre activité quotidienne puisqu’il s’intéresse à la gonarthrose, localisation la plus fréquente et la plus invalidante de la maladie arthrosique, à l’origine de près de 100 000 arthroplasties totales en France chaque année !

Un duel historique

La prise en charge médicale reste largement symptomatique et les recommandations de l’EULAR font une large part aux antalgiques et aux mesures non pharmacologiques (1). Parmi elles, la kinésithérapie et les injections intra-articulaires de glucocorticoïdes apportent un bénéfice clinique. Mais que ce soit à court ou à long terme, cette efficacité, pour soulager la douleur et améliorer la fonction, n’a jamais fait l’objet d’une comparaison entre ces deux méthodes de traitement. Le sujet est particulièrement d’actualité en période de pénurie de dérivés cortisoniques injectables qui limitent leur utilisation en pratique courante.

L’objectif de cet essai randomisé est donc de comparer la kinésithérapie à l'injection de glucocorticoïdes, dans le cadre des soins primaires du système militaire de santé américain (2). Les patients atteints de gonarthrose, uni- ou bilatérale, ont été traités soit par une injection de glucocorticoïdes (40 mg d'acétonide de triamcinolone [Kenacort Retard] avec de la lidocaïne), soit par kinésithérapie (protocole standardisé chez un kinésithérapeute avec exercices passifs et actifs, d’étirement et renforcement musculaire, autorééducation à partir d’instructions et d’images). Le critère principal était le score total sur l'indice WOMAC à 1 an. Les critères secondaires étaient le score (sur une échelle de 15 points) d'évaluation globale du changement, deux tests de marche (Timed Up and Go Test et Alternate Step Test) et le coût sur un an des soins de santé liés à la gonarthrose.

Une variation plus importante du score WOMAC avec la kinésithérapie

Sur les 156 patients inclus, les caractéristiques de base, y compris la gravité de la douleur et le niveau d'incapacité, étaient similaires dans les deux groupes. Seule la sévérité radiographique était différente, plus sévère (grades Kellgren-Lawrence 3 et 4) dans le groupe kinésithérapie. Chaque groupe était composé de 78 patients (âge moyen de 56 ans ; IMC moyen 31,5). La variation du score WOMAC à un an était plus importante dans le groupe kinésithérapie par comparaison à l’injection cortisonique : respectivement de 107,1 ± 42,4 à 37,0 ± 30,7 et de 108,8 ± 47,1 à 55,8 ± 53,8. La différence moyenne entre les groupes à un an était de 18,8 points (IC 95 % : 5,0 à 32,6). De même, l’évolution des critères secondaires était en faveur d’un effet supérieur de la kinésithérapie.

Ces données sont donc en faveur de la physiothérapie. Cependant, l’absence de procédure d’aveugle a pu biaiser le résultat. On peut aussi observer que la variation du WOMAC est cliniquement pertinente dans les deux groupes : 65 % avec la kinésithérapie et 49 % pour les injections cortisoniques (le seuil de variation pertinente étant estimé entre 12 et 16 %). De plus, 9 % des patients du groupe kinésithérapie ont reçu une injection cortisonique en cours d’essai et 18 % de ceux sous corticoïde ont aussi eu des séances de kinésithérapie… Ces interventions supplémentaires ont pu contribuer au bénéfice observé au sein des groupes et entre eux. D’autre part, certaines limites sont à souligner. On ne connaît pas l’évolution de l’indice de masse corporelle au fil de l’essai : une éventuelle perte de poids dans le groupe kinésithérapie aurait pu biaiser le résultat final. De plus, les patients traités par kinésithérapie ont eu des contacts plus fréquents avec un professionnel de santé, ce qui a pu influencer l’évaluation.

Il est intéressant d’avoir à notre disposition un essai démontrant l’efficacité de la kinésithérapie et des injections cortisoniques dans la gonarthrose, avec une supériorité de la première méthode sur la seconde. Cependant, cette étude a comparé les deux traitements comme des interventions indépendantes. Les résultats ne peuvent donc pas être généralisés aux cas dans lesquels les deux interventions sont utilisées simultanément… Ce qui est fréquent en pratique quotidienne !

(1) Fernandes L et al. EULAR recommendations for the non-pharmacological core management of hip and knee osteoarthritis. Ann Rheum Dis 2013;72:1125–1135. 
(2) Deyle GD et al. Physical therapy versus glucocorticoid injection for osteoarthritis of the knee. N Engl J Med 2020;382:1420-9.

Pr Philippe Orcel

Source : lequotidiendumedecin.fr